Que de bouleversements dans l’espace idéologique européen en pleine mutation sous bien des aspects… (influence de nouveaux comportements, pénétration de cultures allogènes, discrédit des politiques, etc). Le tout, dans un contexte aggravé de crise d’autorité morale, de fragilité économique et de brouillage des repères au sein des sociétés.
Est-ce un hasard si lors d’un festival de Cannes il y a 4 ans, on avait pu assister à une promotion médiatiquement insistante du film « Amour » de Haneke, réalisateur autrichien porté aux nues pour son « humanisme » et auréolé de gloire avec Palme d’Or ?
Les commentateurs s’accordaient à louer le talent indéniable de Jean Louis Trintignant et d’Emmanuelle Riva dans les rôles qui leur avaient été dévolus : incarner l’intimité quotidienne et déclinante d’un vieux couple, plutôt comblé par l’existence, et qui s’aime. Mais cette pluie de compliments ne doit pas évacuer le dilemme final imposé par le scénario.
L’inattendu du film réside essentiellement dans la crise de l’épouse qui, foudroyée par un AVC, se retrouve, comme tant de personnes, réduite à une vie au ralenti. C’est alors que son époux redouble d’efforts de présence et de tendresse ; et Haneke n’épargne aucun détail pour faire vibrer la corde émotive à l’extrême. Tout ce luxe de gros plans, pour en arriver à la conclusion programmée : je t’aime, donc je te tue. Car le mari, dans un dernier « geste d’amour », étouffe son épouse avec un coussin.
Cette version « humaine » de l’euthanasie aujourd’hui populaire incline vers l’idée que la vieillesse est par elle-même une déchéance insupportable et que la maladie subite autorise les proches à abréger des jours inacceptables pour le malade mais aussi pour l’entourage.
Voici donc une nouvelle prime à la culture de mort, qui se banalise à tous les niveaux : de la conception, à la fin de vie. Ceux qui vous « aiment » s’autoriseront, dans un ultime sursaut d’affection, à accélérer votre départ de ce monde, si par malheur votre état général se dégradait et rendait votre apparence méconnaissable.
Face à ce débat fréquent, on peut dire que les deux traditions bibliques, juive et chrétienne, offrent une approche spirituellement convergente de l’euthanasie.
L’idée force issue de l’anthropologie biblique est que la vie doit être respectée et préservée, en premier lieu par les médecins et par les proches d’un malade. La tradition juive dit que détruire une vie, c’est détruire le monde entier, maintenir une vie, c’est à l’inverse sauver le monde entier. Pour aller au secours d’une vie en danger, il est même autorisé de transgresser les règles du shabbat. En outre, la torah ne fait pas de différence qualitative entre le souffle d’un enfant qui commence à vivre et celui d’un vieillard qui termine son chemin terrestre.
Ne ratez aucun des articles de Dreuz, inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter.
Mais cette attitude de respect ne signifie pas acharnement thérapeutique à tout prix, à l’aide de machines et d’appareillages artificiels ; si un traitement reporte indéfiniment l’expiration naturelle du malade, le choix de le laisser quitter ce monde paisiblement reste possible. C’est la décision qu’avait prise le pape Jean Paul II mourant : « ne me maintenez pas en vie artificiellement, le temps de ma fin est arrivé, laissez-moi partir naturellement quand mes forces seront épuisées ». Pour les chrétiens, c’est le respect de la vie et de la dignité qui priment, mais encore faut-il distinguer entre euthanasie passive, attitude respectant l’évolution naturelle vers la fin de vie, et euthanasie active, (comme dans le film de Haneke ou dans l’empressement du docteur Bonnemaison) par une intervention volontaire porteuse de mort.
Il est clair que la banalisation de l’euthanasie se développe avec des arguments souvent de type émotionnel et subjectif, qui, bien présentés, ont prise sur le public, au nom d’une compassion sans transcendance. Nul ne conteste que certaines situations de dégradation sont complexes et que la relation affective peut rapidement prendre le pas sur d’autres considérations… La sincérité troublée des proches peut brouiller les perspectives éthiques et spirituelles du respect objectif de la vie, avec tous les risques sociétaux que cela comporte si ces pratiques sont un jour entérinées et popularisées par des lois.
Cependant, qui niera que les prises en compte éthiques et religieuses d’une destinée humaine en fin de parcours ont une légitimité, perceptible même par des non-croyants : celle de privilégier la véritable dignité de chaque malade face au caractère inviolable de son existence humaine. C’est le témoignage éclairé que désirent apporter respectivement les rabbins et l’Eglise, sans se faire donneurs de leçons envers quiconque.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez prêtre, pour Dreuz.info.
Mon cher Abbé, vous ne parlez pratiquement que d’euthanasie, vous oubliez le suicide assisté. Votre thèse est ainsi plus facile à défendre. Il est plus convaincant de donner l’exemple du coussin qui étouffe quelqu’un qui n’a rien demandé que celui de personnes qui ont réclamé en toute lucidité qu’on les aide à mourir parce qu’elles n’en peuvent plus. C’est ici que vous devez avoir le courage de dire: non, je refuse qu’on mette fin à vos souffrances, vous devez les supporter jusqu’à ce que Dieu vous rappelle.
Et si vote il y a, vous me contraindrez (avec d’autres) à suivre votre chemin?
Tout à fait Mme Valette vous posez la bonne question.
C’est toute l’ambiguïté de la religion.
chère Mireille,
C’est bien d’euthanasie que je voulais parler, en resituant la problématique dans le contexte plus général des mœurs qui changent et des glissements dont l’avenir nous dira ce qu’ils impliqueront demain pour chacun.
C’est un climat général face à la vie et à la mort qui m’intéresse ici, avec divers aspects de la “culture de mort” décrite par Jean Paul II, et j’ai voulu expliciter la position de la Synagogue et celle de l’Eglise sur la question.
En effet, le suicide assisté s’inscrit dans cette même mouvance d’ensemble, mais je ne vais défendre aucune forme de suicide. Cela dit, je ne dis pas qu’il faut condamner les personnes qui estiment devoir y recourir. Je célèbre d’ailleurs des cérémonies d’adieu pour elles, à la demande de leur famille lorsque cela se produit. Exposer un point de vue spirituel spécifique ne signifie pas ostraciser qui que ce soit.
Je crois vraiment, que sur ce sujet, c’est a chacun de décider selon sa culture, sa religion, son expérience.
Poser des principes sur la fin de vie est aussi dictatorial que de vouloir nous faire croire que nous sommes tous égaux.
Si je décide d’en finir avec la vie, je ne reconnais a personne le droit de m’en empêcher.
On peut toujours tenter de m’en dissuader; On peut toujours refuser de m’aider; On peut toujours tenter d’abolir mes souffrances….
Mais si rien ne fonctionne, si l’envie de vivre m’a quitté, je dénie a quiconque le droit de m’empêcher d’abréger ce que je ne supporte plus.
Tuer quelqu’un qui n’a rien demandé, comme dans le film évoqué, est choquant a mes yeux; Le faire quand c’est l’expression d’une volonté dite ou écrite est très différent.
Comment peut-on affirmer qu’exposer des “principes” sur la vie serait dictatorial?
Légiférer en faveur de la mort serait-on une œuvre de bienfaisance?
Il ne me semble pas que ce soient des principes sur la vie, mais des principes sur l’interdiction faite d’abréger la vie. Mais peut etre que je n’ai pas bien compris le fond de votre pensée.
“Tuer quelqu’un qui n’a rien demandé, comme dans le film évoqué, est choquant a mes yeux; Le faire quand c’est l’expression d’une volonté dite ou écrite est très différent.”
—C’est exactement là où veut nous amener le réalisateur : accepter l’idée qu’une mort douce et “encadrée” aurait mieux valu qu’un étouffement au coussin, geste violent et cruel dans la forme, qui provoque une agonie insoutenable. C’est tellement évident, comment pourrions-nous ne pas être d’accord, n’est-ce pas ? Tout débat devient donc inutile et toute personne qui oserait juste se poser des questions, nuancer, faire preuve de discernement, se verrait aussitôt qualifiée d’ayatollah sectaire.
Bien dit et écrit… “Tuer par amour” comme on le pense reste un meurtre.
La mort inévitable intervient lorsque l’âme le décide en sa propre volonté et pas celle des autres…
@C74800,
Je vous cite :
“La mort inévitable intervient lorsque l’âme le décide en sa propre volonté et pas celle des autres…”
Il y a pourtant des fois, où des êtres humains pourraient en leur âme et conscience, désirer demander leur euthanasie, mais ils se trouvent dans l’impossibilité de le faire…
Pour différentes raisons médicales, ils ne peuvent plus s’exprimer.
Je vais vous raconter une histoire étayant ce que je vous dis là, sauf que ce récit prêche plutôt pour la vie.
Une femme est venue témoigner à la télévision dans une émission le “7 à 8” de TF1, si j’ai bonne mémoire.
Cette femme était supposée dans le Coma, puisqu’elle n’avait aucune réaction, ce que confirmait tous les appareils auxquels elle était reliée.
Or, et c’est elle qui l’a raconté face à nous devant les caméras – elle était totalement consciente de se qui se passait autour d’elle. Elle cherchait désespérément à parler ou à bouger sa main, un doigt, mais quand elle pensait y arriver, ce n’était pas le cas, puisque ce n’était pas perceptible pour ceux autour d’elle.
Elle entendait et comprenait tous les commentaires. Elles subissait les soins. Quelquefois donnés avec douceur…Cela dépend de qui les donnait.
Imaginez ce qui peut-être dit par des soignants et même par la famille, lorsqu’on pense que la personne ne peut entendre et comprendre.
Je ne me souviens plus de la durée de son coma. Pour cette femme une éternité, un enfer.
Et puis, la famille a du se résigner. L’accord de la débrancher, qu’elle rechignait à donner , elle s’est décidée à le faire…
Et ce fut le miracle ! La femme ne voulant pas mourir, a tant fait pour manifester un mouvement, que quelques petites larmes sont tombées de ses yeux, et elle a réussi à bouger légèrement la main.
Bien entendu, puisqu’elle témoignait…Vous connaissez la suite.
C’était très émouvant, car cette femme était comme irradiée en racontant son histoire – elle ne cherchait pas l’émotion facile. Elle semblait très sereine et tellement calme.
————–
Voilà pour ceux qui croient savoir d’une façon assurée ce qu’est être dans le coma.
Je viens de chercher je ne retrouve pas trace vidéo ni autre de l’émission par Google – Sauf la mention de cet ouvrage écrit :
“Une larme m’a sauvée” par Angèle Lieby
http://livre.fnac.com/a4032901/Angele-Lieby-Une-larme-m-a-sauvee
—————-
Cette femme voulait vivre et l’ayant vue à la télévision, si quiète et sereine, que bien entendu, quelle erreur allait être commise, alors…
Mais est-ce le cas de tous ceux qui croient-on ne ressentent plus rien, alors que les souffrances sont intolérables et voudraient en finir ?
——
La réponse est vraiment dure à apporter. Personne ne peut avoir l’assurance d’avoir raison – Même, il est vrai, ceux qui par avance par prévoyance, écrivent et transmettent leurs volontés.
JE M’AIME donc je déciderai seule, lorsque ma vie sera devenue un calvaire, de ME TUER sans aucune assistance et je sais que Dieu me pardonnera.
AMEN
Cher Abbé Arbez,
En posant la question :
“Légiférer en faveur de la mort serait-on une œuvre de bienfaisance? », c’est une façon qui ne comporte pas la nuance nécessaire pour ce sujet…et des nuances, dans les textes de lois, il en faudrait pour d’autres questions également.
Dans l’idéal, il ne s’agirait pas d’y ajouter des notes additives sans fin, ni même des paquets de jurisprudences – Mais dans un cas comme celui-ci, de donner la possibilité du « cas par cas » qui me semble absolument nécessaire.
Il ne s’agit pas de désirer « s’en aller » avec l’accord des autorités, pour la moindre embûche, même difficilement supportable.
Cependant il arrive des moments où une vie n’est plus digne d’être considérée comme étant ce qu’on appelle une vie. Ceci doit être décidé par la personne elle-même. C’est pourquoi nous devons tous préventivement écrire nos volontés à ce sujet ou en prévenir nos proches.
Il faut que ce soit des cas extrêmes de souffrances intensives et sans espoir d’en voir la fin, ou de vie végétative.
Sinon refuser le droit de mourir à de telles personnes, c’est inhumain et ne répond pour moi à aucun respect des volontés d’un quelconque Dieu. (je suis très croyante).
D’ailleurs, les Droits de l’Homme se mobilisent et se battent pour des endroits comme Guantanamo où se trouvent des personnes souvent non innocentes –
Pourquoi leur douleur serait-elle mieux prise en compte que celles de malades dont continuer de vivre devient une sanction bien pire que celle infligées à des assassins ?
Il y a même eu récemment en Belgique cet évènement incroyable :
« « Frank Van Den Bleeken, un détenu belge condamné à la prison à vie pour le viol et le meurtre d’une de ses victimes, vient d’obtenir le droit d’être euthanasié. »
http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Belgique-Un-detenu-delinquant-sexuel-bientot-euthanasie-594146
Décidément je dirais tout bonnement que ce n’est pas juste pour des malades qui n’ont rien fait et que l’on condamne pourtant à souffrir jusqu’à une mort qui peut tarder interminablement à arriver.
Vous trouvez ceci digne d’une justice divine ? Non !
Nous savons que les Autorités théologiques ont le pouvoir de décider et d’apporter des réponses dignes à ce genre de dilemme.
Sans oublier que bien sur, tout ceci doit être encadré strictement pour éviter toute dérive.
Avec mon respect,
Cher Abbé Arbez, chers Dreuzien,
C’est un grand débat.
Je ne suis pas pour l’euthanasie, même si je veux que mes proches puissent abreger mes souffrances. Mais je ne veux pas faire d’eux des assassins.
C’est très paradoxal tout ça.
Les questions est, à partir de quel degré de souffrance on a le droit d’arreter la vie. Qui decide, les ayants droits qui peuvent aussi avoir des interets à ce que la personne meurre plus vite.
La souffrance est aussi subjective. Chacun a son seuil de tolerance.
Est on vraiment sûrs qu’une personne qui a demandé a mourir, ne va pas se raccrocher a la vie au dernier moment.
hummm pas si simple.
Peut etre que le: “tu choisieras la vie” n’est pas si bête que ca.
Voila mon humble avis
Mes amitiés
Je suis aumônier d’une grande maison pour personnes âgées, et je constate que beaucoup d’entre elles, arrivées à un certain âge avancé, me disent assez fréquemment qu’elles veulent mourir. Certaines précisent que c’est parce qu’elles “ne servent plus à rien dans la société”, d’autres par une sorte de dépression du grand âge, d’autres parce que leurs proches négligent de venir les visiter.
Il faut donc beaucoup de circonspection pour déchiffrer ces déclarations de perte d’envie de vivre, y compris chez des personnes ne souffrant pas de douleurs extrêmes ou de maladies graves, et sans doute analyser le contexte global de la société où la culture de vie est en recul, avec un désenchantement général.
Pourquoi la culture de vie est-elle en recul et celle de mort gagne-t-elle du terrain dans la société occidentale ? Pourquoi ce désenchantement général ?
La sécularisation à outrance de la société occidentale nous a aliénés de notre Créateur, de notre Dieu. Nous lui avons donné Sa lettre de divorce. Nous Lui avons tourné le dos, nous L’avons rejeté et nous nous étonnons des maux qui nous accablent qui sont la conséquence directe et indirecte de notre rejet de Dieu.
Dieu ne Se rit pas du malheur des hommes car Il veut leur bonheur mais l’Homme occidental n’a pas fini de déplorer les effets dont il chérit les causes.