Publié par Abbé Alain René Arbez le 18 octobre 2016

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Que de bouleversements dans l’espace idéologique européen en pleine mutation sous bien des aspects… (influence de nouveaux comportements, pénétration de cultures allogènes, discrédit des politiques, etc). Le tout, dans un contexte aggravé de crise d’autorité morale, de fragilité économique et de brouillage des repères au sein des sociétés.

Est-ce un hasard si lors d’un festival de Cannes il y a 4 ans, on avait pu assister à une promotion médiatiquement insistante du film « Amour » de Haneke, réalisateur autrichien porté aux nues pour son « humanisme » et auréolé de gloire avec Palme d’Or ?

Les commentateurs s’accordaient à louer le talent indéniable de Jean Louis Trintignant et d’Emmanuelle Riva dans les rôles qui leur avaient été dévolus : incarner l’intimité quotidienne et déclinante d’un vieux couple, plutôt comblé par l’existence, et qui s’aime. Mais cette pluie de compliments ne doit pas évacuer le dilemme final imposé par le scénario.

L’inattendu du film réside essentiellement dans la crise de l’épouse qui, foudroyée par un AVC, se retrouve, comme tant de personnes, réduite à une vie au ralenti. C’est alors que son époux redouble d’efforts de présence et de tendresse ; et Haneke n’épargne aucun détail pour faire vibrer la corde émotive à l’extrême. Tout ce luxe de gros plans, pour en arriver à la conclusion programmée : je t’aime, donc je te tue. Car le mari, dans un dernier « geste d’amour », étouffe son épouse avec un coussin.

Cette version « humaine » de l’euthanasie aujourd’hui populaire incline vers l’idée que la vieillesse est par elle-même une déchéance insupportable et que la maladie subite autorise les proches à abréger des jours inacceptables pour le malade mais aussi pour l’entourage.

Voici donc une nouvelle prime à la culture de mort, qui se banalise à tous les niveaux : de la conception, à la fin de vie. Ceux qui vous « aiment » s’autoriseront, dans un ultime sursaut d’affection, à accélérer votre départ de ce monde, si par malheur votre état général se dégradait et rendait votre apparence méconnaissable.

Face à ce débat fréquent, on peut dire que les deux traditions bibliques, juive et chrétienne, offrent une approche spirituellement convergente de l’euthanasie.

L’idée force issue de l’anthropologie biblique est que la vie doit être respectée et préservée, en premier lieu par les médecins et par les proches d’un malade. La tradition juive dit que détruire une vie, c’est détruire le monde entier, maintenir une vie, c’est à l’inverse sauver le monde entier. Pour aller au secours d’une vie en danger, il est même autorisé de transgresser les règles du shabbat. En outre, la torah ne fait pas de différence qualitative entre le souffle d’un enfant qui commence à vivre et celui d’un vieillard qui termine son chemin terrestre.

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Mais cette attitude de respect ne signifie pas acharnement thérapeutique à tout prix, à l’aide de machines et d’appareillages artificiels ; si un traitement reporte indéfiniment l’expiration naturelle du malade, le choix de le laisser quitter ce monde paisiblement reste possible. C’est la décision qu’avait prise le pape Jean Paul II mourant : « ne me maintenez pas en vie artificiellement, le temps de ma fin est arrivé, laissez-moi partir naturellement quand mes forces seront épuisées ». Pour les chrétiens, c’est le respect de la vie et de la dignité qui priment, mais encore faut-il distinguer entre euthanasie passive, attitude respectant l’évolution naturelle vers la fin de vie, et euthanasie active, (comme dans le film de Haneke ou dans l’empressement du docteur Bonnemaison) par une intervention volontaire porteuse de mort.

Il est clair que la banalisation de l’euthanasie se développe avec des arguments souvent de type émotionnel et subjectif, qui, bien présentés, ont prise sur le public, au nom d’une compassion sans transcendance. Nul ne conteste que certaines situations de dégradation sont complexes et que la relation affective peut rapidement prendre le pas sur d’autres considérations… La sincérité troublée des proches peut brouiller les perspectives éthiques et spirituelles du respect objectif de la vie, avec tous les risques sociétaux que cela comporte si ces pratiques sont un jour entérinées et popularisées par des lois.

Cependant, qui niera que les prises en compte éthiques et religieuses d’une destinée humaine en fin de parcours ont une légitimité, perceptible même par des non-croyants : celle de privilégier la véritable dignité de chaque malade face au caractère inviolable de son existence humaine. C’est le témoignage éclairé que désirent apporter respectivement les rabbins et l’Eglise, sans se faire donneurs de leçons envers quiconque.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez prêtre, pour Dreuz.info.

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