Publié par Eduardo Mackenzie le 24 octobre 2016

Nobel Peace Prize

Quel rapport peut-il y avoir entre le saumon norvégien et le Prix Nobel de la paix ? L’anecdote savoureuse qui suit montre qu’il existe un lien entre ces deux extrémités très différentes.

Thorbjørn Jagland, un homme politique socialiste influent et éphémère ancien premier ministre de la Norvège, était, depuis des années, le président incontesté du comité qui décerne le Prix Nobel de la paix.

Soudain, le 3 mars 2015, à Oslo, il y a eu quelque chose d’inhabituel : Jagland, qui était à cette époque le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, a été démis de ses fonctions, rétrogradé au rang de membre du comité et rapidement remplacé par l’avocate Kaci Kullmann Five, vice-présidente de cet organisme et membre du parti conservateur norvégien. Jamais auparavant une telle chose n’était arrivée dans l’histoire de ce prix.

Mme Kullmann a refusé de donner des explications sur cet épisode. Cependant, comme ce comité de cinq membres est une émanation du Parlement norvégien, la presse a demandé des réponses. Elle s’est contentée d’une pirouette verbale en déclarant qu’il y avait «un large consensus au sein du comité» et que Thorbjørn Jagland avait été «un bon président pendant six ans.»

Peu après, la presse anglaise, suisse et française a fini par découvrir la petite histoire de l’incident.

Les choix de Jagland et les conditions opaques de ces décisions avaient généré, en fait, des protestations assez acides.

  • Le prix décerné à Barack Obama en 2009, par exemple. Il a été récompensé pour rien, car il avait été élu à peine un an auparavant. Beaucoup ont dit que ce prix avait été décerné pour lier les mains du chef de la première puissance militaire de la planète. Geir Lundestad, secrétaire général et éminence grise du comité Nobel depuis les années 90, a été accusé d’avoir intrigué pour attribuer ce prix à Obama.
  • Les prix décernés en 2010 au dissident chinois emprisonné Liu Xiaobo malgré les menaces de Pékin, et celui accordé à l’Union européenne en 2012 –qui avait été voté lors d’une réunion où manquait un membre du comité, et qui a gêné les europhobes–, ont suscité pas mal de critiques également.

En représailles, le gouvernement chinois a gelé les importations de saumon norvégien

Le Times de Londres, Le Temps de Genève et Les Echos de Paris, ont révélé qu’il y avait des raisons supplémentaires et, surtout, que les pressions de la Chine avaient joué un rôle central dans la défenestration de Jagland.

Le journal suisse a confirmé que l’attribution du prix à Liu Xiaobo a déclenché la colère dans les allées du pouvoir à Pékin. Le gouvernement chinois a même gelé les relations avec la Norvège. Et comme sa susceptibilité en la matière est durable, Pékin a décidé de toucher un nerf commercial sensible : les importations de saumon norvégien de la Chine. Selon le Times, en fait, la part de la consommation de saumon norvégien en Chine a chuté de 90 % à 30 %. Les mille tonnes que la Chine importait sont tombées à 350, puis à 75 tonnes, en seulement huit mois.

Bjørnar Sverdrup-Thygeson, de l’Institut norvégien des Affaires étrangères, a admis à contrecœur que pour la «première fois» l’élection du président du comité était devenue une «affaire [politique] Norvégienne». «En tout cas, ce fut un coup d’Etat contre le Prix Nobel de la paix et peut-être à cause du saumon», a répliqué le quotidien économique français.

Et on nous disait que le Prix Nobel de la Paix est conçu selon la volonté d’Alfred Nobel pour promouvoir uniquement le «progrès pour la paix», la liberté et le respect des droits de l’homme dans le monde.

Est-ce que ce prix est devenu un levier de la Norvège, un pays de cinq millions d’habitants, mais le deuxième plus grand exportateur de poisson, pour augmenter ses richesses ?

Depuis des années, Fredrik Heffermehl, avocat et militant pour la paix, accuse ce comité de ne pas respecter les souhaits désintéressés et humanistes d’Alfred Nobel. La chose est tellement visible qu’Ulf Sverdrup, directeur de l’Institut norvégien des affaires étrangères, a admis en 2012 qu’il était «difficile de voir comment l’Union européenne avait contribué à la paix l’année dernière.»

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De telles dérives sont largement connues à présent.

Pour payer l’erreur de 2010 et regagner l’affection des Chinois et, surtout, pour défendre les bénéfices générés par les exportations de saumon, la Norvège a écarté l’ancien Premier ministre du comité Nobel de la Paix et a mis à sa place Mme Kaci Kullmann Five qui devra prouver ses compétences. Heureusement, elle a un avantage : elle est membre ou conseillère auprès de la direction de plusieurs entreprises qui contribuent au développement de la Norvège, comme Scheiblers Legacy, SOS Kinderdorf Norvège, Channel Radio P4 et surtout Statoil, multinationale pétrolière avec 67 % de capital public norvégien, qui a des intérêts considérables dans 36 pays, dont l’Angola, le Venezuela, Cuba et… la Colombie.

Avec le Prix Nobel de la paix décerné au président Juan Manuel Santos, l’histoire est-elle en train de se répéter ?

Santos avait autorisé, en 2014, l’entrée de Statoil en Colombie.

Ce fait et le prix décerné le 7 octobre dernier ont-ils un lien ? Est-il interdit de penser cela ? La vérité, c’est que ce prix a été critiqué par la presse des pays développés. Personne ne comprend pourquoi le comité norvégien a pu récompenser Santos pour un processus de paix qui avait été rejeté par les Colombiens dans un référendum quelques jours plus tôt.

Ce plan de paix récompensé par le Nobel est celui que précisément les Colombiens ont décidé d’abolir

Comment ce prix-là peut-il promouvoir la paix ?

Ce prix encourage un plan «de paix» qui contredit le droit international humanitaire, qui se moque des victimes et qui repose sur un modèle d’impunité pour les crimes de lèse humanité.

Même si Kaci Kullmann Five n’a pas voulu répondre à ces questions, une chose est certaine : ce plan de paix que la Norvège soutient depuis six ans est celui que précisément les Colombiens ont décidé d’abolir pour forger, dans une autre négociation avec les FARC et les autres bandes armées narco-communistes, un véritable accord de paix clair et différent, basé sur la justice véritable.

© Eduardo Mackenzie pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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