Publié par Gaia - Dreuz le 19 novembre 2016

Des brimades, des gifles, des coups : un homme qui frappe son épouse, cela peut s’expliquer et même se justifier.

Elles sont près de 800 000 jeunes filles algériennes à le penser. «Un homme qui ne frappe pas sa femme n’est pas un homme» ou «un homme frappe sa femme parce qu’il l’aime», ou encore «si un homme frappe sa femme, c’est qu’elle l’a mérité !»

Ce genre de justifications des actes de violence conjugale est courant dans la société. Sur le million et demi d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans que compte l’Algérie, 55% croient qu’il est justifié qu’un homme batte sa femme.

C’est ce que révèle un récent rapport de leFonds des Nations unies pour la population) qui a traité des données nationales (chiffres de l’ONS et du ministère de la Santé) pour appeler l’Algérie à «investir dans la jeune fille adolescente».

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«Une adolescente sur deux tolère la violence domestique et trouve justifiable qu’un homme batte sa femme, bien que des dispositifs réglementaires colossaux aient été mis en place par le gouvernement algérien pour prévenir, protéger la femme et punir tout acte de violence à son égard, qu’il soit verbal, physique, psychologique ou économique», note le rapport.

Que la jeune fille algérienne tolère la violence domestique en dit long sur la perception de la violence dans notre société. «Ces statistiques sont alarmantes», réagit d’emblée Feriel Khelil, juriste, membre du réseau Wassila, coalition de plusieurs associations algériennes de défense des femmes et des enfants victimes de violence.

À quoi servent les campagnes de sensibilisation ?

«On entend souvent les femmes justifier la violence qu’elles subissent, et très souvent ce sont leurs familles qui les poussent à accepter et à dédramatiser les actes de violence», explique-t-elle. Elle y voit un échec de toutes les campagnes de sensibilisation menées depuis des années pour éradiquer ces gestes de violence dans les foyers. «Cela démontre à mon sens que nos campagnes de sensibilisation ne ciblent peut-être pas les bonnes personnes.»

Et d’ajouter : «Nous devons toucher un public plus jeune.» Pour Mariam Khan, sociologue, représentante de l’UNFPA, le constat est moins alarmant. «Nous pensons malgré ces statistiques que les femmes sont très engagées en Algérie dans la lutte contre les violences faites aux femmes comparativement à d’autres pays, mais il faut aujourd’hui impérativement engager les hommes dans cette lutte», commente-t-elle. Elle s’interroge d’ailleurs sur le «nombre d’hommes ou de jeunes garçons qui pensent qu’il est justifié de battre sa femme». Pour elle, il est évident que cette banalisation doit être combattue. Ce qui «est impossible» sans le concours des hommes.

Pourquoi cette banalisation de la violence ?

Qu’est-ce qui amène ces jeunes filles à accepter et, pire, à justifier la violence domestique ? De l’avis du Dr Mahmoud Boudarène, psychiatre, c’est la société elle-même qui conditionne les jeunes filles à ce cheminement de pensée. «Notre société apprend à la petite fille, durant toute son éducation, à être soumise à son frère et à celui-ci à dominer sa sœur, à la battre s’il le faut.» Il met également en cause l’école : «L’école apprend à la petite fille que l’homme sera son tuteur à vie et qu’elle est suspecte dès lors qu’elle occupe l’espace public. L’instruction religieuse dit au petit garçon avec quelle longueur de bâton le mari doit battre sa femme et comment il doit l’égorger si elle est adultère.» C’est à cette période trouble qu’est l’adolescence, marquant l’entrée dans une vie d’adulte imminente, que s’esquissent les fondements de la personne. Sa perception d’elle-même et du monde se forge doucement, profondément.

«L’adolescence est une période de la vie perméable à toutes sortes d’influences, et quand le matraquage a été constant, soutenu durant le jeune âge, les dégâts se font ressentir encore plus à cette période de la vie. Il y a des clichés qui sont faciles à assimiler, à retenir, à reproduire si besoin et qui prennent, à l’adolescence, une importance démesurée», explique le Dr Boudarène. «L’adolescence est la période de la vie durant laquelle tous les excès sont possibles. La vie psychique est traversée par des questionnements multiples et des incertitudes mêlées d’anxiété intense et de culpabilité.

C’est dans ce contexte de bouleversement de la vie psychique que ces jeunes filles se réfugient dans des clichés qui leur paraissent rassurants.» Et il faut croire que ces «clichés rassurants» se répandent mieux à l’âge adulte puisque 59% des femmes (tous âges confondus) croient qu’il est justifié qu’un homme batte sa femme…

© Gaïa pour www.Dreuz.info

Source : Elwatan

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