Publié par Gaia - Dreuz le 5 décembre 2016

Les enjeux du référendum qui doit se tenir le dimanche 4 décembre en Italie sont particulièrement importants. Ils sont en réalité à la fois locaux et européens.
La crise italienne

L’Italie traverse depuis de nombreuses années, en fait depuis le début des années 2000, une crise grave. Cette crise ne prend pas la forme aiguë de la crise grecque ; elle est plus sourde mais elle n’en est pas moins profonde. On constate que l’introduction de la monnaie unique a tué la dynamique de l’économie italienne. On le voit quand on regarde la croissance et surtout la croissance par habitant. Le graphique est ici spectaculaire.

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Aujourd’hui, l’Italie est à peu de choses près au niveau qu’elle avait atteint en 2000. Autrement dit, ces seize dernières années n’ont vu aucune croissance. La faible croissance enregistrée de 2000 à 2007 a été entièrement détruite par les années suivantes. Une partie de ce phénomène est imputable à la crise financière, bien entendu. Mais une partie seulement. Car, depuis 2010 il est évident que l’Italie affronte des problèmes différents de ceux de la crise financière. Le constat est encore pire si l’on regarde la croissance par habitant. En PIB par tête, l’Italie est aujourd’hui revenue au niveau de 1997, autrement dit à un niveau antérieur à la création de l’euro. Nul ne doute que le discours des pères de l’euro selon lequel ce dernier devait créer spontanément un croissance d’au moins 1% par an ne soit alors pleinement apprécié à sa juste valeur en Italie…

Ceci n’est le fait d’une crise brutale comme en Grèce. La productivité du travail, calculée sur la base du PIB par heures travaillées, et dont la croissance était comparable à celle de la France et de l’Allemagne de 1971 à 1999, stagne depuis 2000.

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L’écart s’est ainsi massivement ouvert avec ses voisins immédiats, l’Allemagne et la France. Si l’on prend 1999 comme indice 100, on est en 2015 à 117 en Allemagne et en France, mais à 104,5 seulement en Italie. Tel est le principal symptôme de cette crise italienne dont on mesure ainsi à la fois la profondeur et la durée.

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La raison de cette situation est, comme dans le cas de la France, l’écart qui s’est créé entre le taux de change virtuel du Deutsch Mark, que l’on peut calculer par l’évolution de la productivité et de l’inflation en Allemagne, et le taux de change virtuel de la Lire. Une étude du Fond Monétaire International montre que le Mark est virtuellement sous-évalué de 15% (au taux de change de l’euro) quand la Lire est, elle, surévaluée de 10%[1]. Cet écart de 25% est la cause de biens des malheurs de l’économie italienne, tout comme pour le cas de la France où cet écart atteint 21%. Les politiques mises en œuvre par Mario Monti puis par son successeur Matteo Renzi, loin d’apporter des solutions, ont plutôt aggravées la situation. Matteo Renzi n’est pas le « réformateur » de l’Italie suivant l’image qu’il aimerait donner de lui même mais en réalité son fossoyeur.

Des réformes inadaptées

Cette crise a donc des conséquences internes mais aussi européennes. En Italie même il y a désormais le sentiment que cette situation ne peut plus durer. Les différentes réformes, que ce soit celles mises en œuvre par le gouvernement de Mario Monti ou celles appliquées par l’actuel Premier-ministre, Matteo Renzi, n’ont eu de cesse que d’adapter l’Italie au cadre économique de l’euro. Ces réformes ont visé, pour l’essentiel, à provoquer une baisse des salaires et des prestations sociales et à libéraliser le marché du travail. Elles sont donc équivalentes aux mesures que se propose de mettre en œuvre M. François Fillon s’il est élu, ainsi que de la réforme du Code du Travail réalisée par François Hollande et Manuel Valls.

Ces réformes ont donc durement frappé la population mais n’ont pu relancer la machine économique. La montée des mauvaises dettes dans le bilan des banques italiennes, qui est la cause principale des problèmes qu’elles connaissent, vient de là. Cette crise est aggravée par le fait que les principaux actionnaires de ces banques sont des personnes privées, et non des « investisseurs institutionnels » comme c’est le cas en France. Une crise ouverte de ces banques, leur faillite, ruinerait des centaines de milliers d’italiens. La gestion de cette crise bancaire a montré une classe politique italienne qui n’a guère changé depuis les années 1990. La famille de Matteo Renzi a été directement impliquée dans plusieurs scandales.

C’est l’une des raisons qui ont poussé Matteo Renzi à soumettre un projet de réforme constitutionnel à référendum. S’il voit son projet accepté, il aura les mains libres pour procéder à une réforme bancaire et il pourra redessiner un système politique à sa mesure. S’il échoue, la réforme bancaire n’aura pas lieu, en tous les cas pas comme il le souhaite, et il n’aura plus d’autres choix que de supplier l’Allemagne de procéder à une politique de relance massive s’il veut sauver l’économie italienne. Comme il y a de très faibles chances qu’il soit écouté à Berlin, il pourrait ne pas y avoir d’autres choix pour l’Italie qu’une sortie en catastrophe de l’euro. Cette sortie ne serait pas faite par Renzi lui-même. On pense qu’en cas de succès du « non » au référendum, son gouvernement tomberait assez rapidement, et cela ouvrirait la voie à de nouvelles élections où des partis eurosceptiques, comme le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, la Ligue (ex « Ligue du Nord ») de Salvini, voire Forza Italia, la parti de Berlusconi, pourraient avoir la majorité. On voit donc comment la situation italienne pourrait, dans les jours et les semaines qui viennent, avoir des conséquences considérables sur la situation de l’Union européenne, mais avant tout de la zone Euro. Si nous avons un succès du « Non », les investisseurs se retireront d’Italie, mais aussi – et le phénomène de contagion va jouer très vite – de France et d’Espagne. Les taux remonteront, en dépit de l’action de la Banque Centrale Européenne. Nous connaitront un nouvel épisode de la crise de l’euro, mais dans une situation politique où l’Union européenne, déjà affaiblie par le « Brexit » et par l’élection de Donald Trump, n’aura probablement plus les moyens de réagir.

© Gaïa pour www.Dreuz.info

Source : Russeurope

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