Publié par Guy Millière le 11 janvier 2017

Nombre de dirigeants politiques en Europe occidentale ont aujourd’hui un penchant pour la Russie et voient en Vladimir Poutine un espoir de renouveau pour l’Europe, un sauveteur de la civilisation chrétienne, un allié pour le futur.

Cette vision est porteuse d’une myopie certaine, et d’une méconnaissance profonde de la réalité.

Vladimir Poutine est l’héritier d’une grande puissance totalitaire qui était en réalité un géant aux pieds de terre glaise, l’Union soviétique. Celle-ci était un pays à l’armée puissante, qui vivait de prédation et de conquête, mais reposait sur une économie asthénique, ce qu’avait très bien compris Ronald Reagan qui, en menant une politique de retour à la puissance américaine, en montrant que l’armée soviétique ne faisait plus peur, en empêchant toute nouvelle prédation et toute nouvelle conquête, et en conduisant l’économie asthénique vers l’asphyxie, a précipité la chute de la grande puissance totalitaire, et permis l’effondrement de l’empire de servitude qu’elle s’était constituée.

Quand la grande puissance est tombée, quand l’empire s’est effondré, des pays ont retrouvé la liberté. Sont restées une armée, une économie à bout de souffle, et une nostalgie pour les années pendant lesquelles l’Union soviétique faisait trembler le monde.

Après des années de débâcle au cours desquelles des membres de l’ancienne nomenklatura se sont enrichis en accaparant ce qu’ils pouvaient accaparer et en amassant parfois d’immenses fortunes est venue la reprise en main, et Vladimir Poutine l’a incarnée.

Vladimir Poutine fonctionne sur un mode autoritaire, et c’est logique : la Russie n’a jamais vraiment connu la démocratie à l’occidentale, puisqu’avant la prise de pouvoir par Lénine en octobre 1917, elle était une monarchie absolue où n’avaient émergé que quelques embryons de réforme et de pluralisme, sous Pyotr Stolypine, entre 1906 et 1911.

Vladimir Poutine n’est pas le chef d’Etat d’un pays prospère, car l’économie russe n’a pu passer de l’asthénie née de soixante-dix ans de gestion communiste et de son statut d’économie à bout de souffle au début des années 1990, à un fonctionnement de libre marché et de libre entreprise : la prédation pratiquée par l’ancienne nomenklatura a été elle-même logique, et il existe aujourd’hui une nomenklatura poutinienne. Il n’y a personne en Russie pour incarner le libre marché et la libre entreprise.

Vladimir Poutine a constitué une nomenklatura qui lui obéit en exigeant de ses membres qu’ils acceptent une remise en ordre opérée grâce à la police et à l’armée, et il a éliminé quiconque se posait en rival face à lui.

L’économie russe aujourd’hui est, c’est un fait, quasiment une économie du tiers monde producteur de gaz et de pétrole, et dépend presque entièrement du gaz et du pétrole.

L’armée reste forte.

Vladimir Poutine est imprégné de nostalgie. Il a vécu comme une tragédie la chute de l’empire. Il est patriote en ce qu’il a tenté d’éviter le naufrage de son pays, mais il n’a pu tenter d’éviter le naufrage qu’en usant des instruments qu’il avait, de la formation qui était la sienne et de l’économie russe telle qu’elle était.

Une démocratie capitaliste ne s’invente pas par magie, et ne peut que reposer sur une évolution, sur un humus culturel propice.

Vladimir Poutine a, en ce contexte, voulu préserver le glacis qui entoure la Russie, et la perte de l’Ukraine était insupportable d’un point de vue russe et de son point de vue, d’autant plus que Kiev a été le berceau de la Russie, et que l’Est de l’Ukraine, le Donbass était l’une des rares régions industrialisées de l’ancienne Union soviétique, d’autant plus aussi que Sébastopol et la Crimée représentent l’accès de la marine russe aux mers chaudes et à la Méditerranée.

En intervenant en Syrie, il a voulu sauver les bases russes de Lattaquié et de Tartous.

En s’alliant à l’Iran, il a voulu s’assurer une possibilité de pousser l’avantage russe jusqu’au Golfe arabo-persique.

En s’alliant à la Chine, il poursuit le projet eurasien théorisé par Alexandre Douguine, projet qui dit que qui tient l’île monde (Eurasie) tient le monde.

Il est confronté à la menace islamiste sunnite sur le territoire russe (la minorité musulmane est importante en Russie), et l’islamisme sunnite est pour lui une menace à endiguer, et il entend l’endiguer, quitte à s’appuyer pour cela sur l’islamisme chiite.

Il voit en les Etats-Unis une puissance essentiellement hostile, en Israël un pays qui peut représenter un pôle de stabilité au Proche-Orient, et il ne cherchera pas à détruire Israël, mais il ne soutiendra pas Israël non plus sur la scène internationale. Il voit en l’Europe une zone riche encore, mais décadente qu’il entend «protéger».

La Russie de Poutine doit dès lors être vue comme ce qu’elle est : un pays qu’on peut respecter, mais avec lequel il importe de maintenir des rapports de force, un pays qui n’a aucun dynamisme économique, et qui ignore largement ce que sont pluralisme et liberté individuelle, un pays où l’espérance de vie est basse et le niveau de vie lui-même assez bas, hors des grandes métropoles.

Elle n’incarne aucun espoir de renouveau pour l’Europe. Elle peut être une alliée dans le combat contre l’islamisme sunnite, mais l’alliance avec elle a des limites que montrent ses liens avec l’islamisme chiite et la Chine néo-communiste (la nomenklatura est toujours au pouvoir en Chine où devenir milliardaire implique de rejoindre le parti communiste), ainsi que le projet eurasien.

Elle n’est pas une sauveteuse de la civilisation chrétienne : Poutine est Chrétien, mais entend surtout sauver la Russie et préserver les intérêts géopolitiques de celle-ci. Elle peut être un allié dans le combat contre l’islamisme sunnite, oui, mais pas davantage. Et c’est ainsi que Donald Trump la voit.

Elle n’est pas une alliée pour le futur, car un pays en déclin ne peut être un allié pour le futur, et la Russie est en déclin.

Le futur de la civilisation occidentale se joue aux Etats-Unis, pas en Russie.

Vladimir Poutine a vécu comme une tragédie la chute de la grande puissance et l’effondrement de l’empire, ai-je dit. Ce fut effectivement une tragédie pour la Russie, mais la tragédie russe est, en fait, bien plus ancienne : la Russie a toujours été en périphérie de l’Occident, sans jamais parvenir à s’y intégrer pleinement, et elle a vécu avec lui un rapport de rivalité. Ce n’est pas fini.

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La puissance russe, il ne faut pas se leurrer sur ce point, n’a jamais été ce quelle semblait être, même au temps de la grande puissance et de l’empire, et elle n’est toujours pas aujourd’hui ce qu’elle semble être. Dissiper les illusions est un impératif. L’économie russe représente un treizième de l’économie américaine. L’armée russe est bien plus faible que l’armée américaine.

Seule la faiblesse désastreuse des années Obama, voulue par Obama, a pu cacher la réalité.

Les années Obama sont achevées.

Qu’après avoir laissé le champ libre à Poutine, Obama s’évertue dans sa fin de présidence à présenter, sur le mode de la rumeur et sans la moindre preuve, Donald Trump comme le candidat de la Russie est absolument lamentable, faux, et digne d’un pantin islamo-gauchiste sans scrupules.

Que des dirigeants politiques en Europe occidentale soient myopes au degré où ils semblent l’être est très inquiétant.

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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