Publié par Sidney Touati le 17 février 2017

Dans un précédent article (Dreuz, 2/02/2017) nous avions attiré l’attention sur la surprenante obligation de mentir imposée aux élus par la Constitution (article 27 Titre IV) :

 “Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel.”

 Autrement dit un élu n’a pas le droit de  prendre un engagement particulier devant ses électeurs. Il n’est nullement tenu de respecter ses promesses. L’élu ne vote pas les lois pour le compte de ses électeurs et des engagements pris devant eux, mais en son nom personnel !

L’affaire Fillon nous conduit à mettre le doigt sur une autre étrangeté de nos lois à l’origine de nombreux scandales.

Monsieur Fillon est cloué au pilori pour  « crime » d’emploi fictif. Sa femme aurait perçu un salaire pour un emploi qu’elle n’aurait pas occupé, celui d’attachée parlementaire.

Outre que les faits dont s’agi ne sont pas établis, il sera difficile de prouver qu’il y a faute pour au moins deux raisons :

La première relève de l’usage :

  • l’Assemblée Nationale est très  libérale vis-à-vis de l’utilisation  que ses membres font des primes qu’elle leurs alloue.  Aucune obligation particulière ne pèse sur eux quant à l’affectation réelle de ces sommes. Le député peut en faire ce que bon lui semble.

La seconde, plus grave, concerne la législation en vigueur :

  • l’emploi fictif  dans  la fonction publique, est  la norme.

 Je n’invente rien : du point de vue du droit de la Fonction Publique, l’emploi fictif est inscrit dans le marbre de la loi.

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Qu’appelle-t-on « emploi fictif » ? On parle d’emploi fictif lorsqu’une personne perçoit une rémunération pour une activité qu’elle n’exerce pas.

Et bien, le droit sanctionne les emplois fictifs dans le domaine privé, mais les autorise dans le domaine public.

En effet, le statut de la fonction publique distingue entre grade et emploi :
« autrefois, les notions de grade et d’emploi étaient superposables, puisque le grade était le titre d’un agent occupant tel ou tel emploi. » (« La Fonction Publique » d’Alain Plantey, Litec éd., page 170)

Cela a changé à la Libération : « depuis la loi du 19 octobre 1946 le grade est attribué par la titularisation et non par la collation d’un emploi. »(id)

Autrement dit, on peut très bien être titulaire d’un grade, tel par exemple celui de Préfet et ne diriger aucune préfecture ; Combien sont-ils à être titulaires d’un grade, à en percevoir le  salaire sans occuper d’emploi correspondant ?  Combien de Proviseurs sans lycée ; de magistrats sans tribunal, de Conseiller d’Etat, sans emploi au Conseil d’Etat…sans parler des membres du Conseil Constitutionnel qui font ce que bon leur semble ! Participant ou ne participant pas, au gré de leur fantaisie aux travaux de la Haute Assemblée !

S’il existe des « grades sans emploi », l’inverse est également vrai : « il y a des emplois auxquels ne correspond aucun grade. »(id.)

Traduisez : on (le pouvoir en place) peut parachuter n’importe qui, n’importe où…

Ils sont combien de milliers à avoir un grade mais pas l’emploi correspondant, voire pas d’emploi du tout ?
L’emploi fictif, qui est un délit dans le privé,  est  la norme en droit administratif.  

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Comment appelle-t-on un dirigeant de société  qui ne dirige pas ? Un homme de paille ! Tromperie lourdement sanctionnée par les tribunaux.

Les « hommes de paille » sont légions dans la haute fonction publique ! Les tribunaux n’ont rien à dire puisque la loi l’autorise explicitement. On se souvient de Coluche se moquant de certains agrégés qu’il accusait d’avoir gagné leur titre dans un « concours de circonstances » ! Et de cette pauvre chanteuse que Mitterrand a parachutée au Conseil Economique et Social…

Cette séparation de l’emploi et du grade donne une très grande liberté de nomination aux emplois publics par les titulaires du pouvoir en place.  Outre la souplesse qu’elle procure dans la gestion d’un personnel pléthorique,  elle présente l’énorme avantage de pouvoir  « caser » les petits copains ; Combien sont-ils à couler des jours heureux (ou malheureux) dans des « placards dorés ? »

Si les accusations portées contre Fillon s’avéraient être fondées, il aura été traîné dans la boue pour avoir respecté la loi ! Un peu comme si on verbalisait pour excès de vitesse un automobiliste courant à Montlhéry.

Ceci dit, nous avons de bonnes raisons de penser que ces lois sont proprement scandaleuses. Il convient donc de les abroger si l’on veut mettre un terme aux abus qu’ils rendent possibles.

Donc deux réformes urgentes à adopter pour moraliser un peu la vie politique française :

-1°) Abolir l’article 27 du Titre IV de la Constitution qui légalise le mensonge et la tromperie.

-2°) Revoir  la loi du 19 octobre 1946 qui valide les emplois fictifs dans la fonction publique.

Oyez-Oyez bonnes gens ! Qu’on se le dise !

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Sidney Touati pour Dreuz.info.

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