Publié par Manuel Gomez le 28 février 2017

Le 30 octobre 1979, j’étais journaliste d’investigation au quotidien « L’Aurore » et j’avoue que la nouvelle du « suicide » de Robert Boulin ne m’avait pas causé la moindre peine.

Il est vrai que je n’éprouvais aucune sympathie pour ce ministre, qui avait osé déclarer au sujet des rapatriés français d’Algérie, le 17 juin 1962 en Conseil des Ministres :

« Il a été enregistré 169.000 retours vers la métropole entre le 1er et le 26 juin. Ce rythme correspond à celui des départs de juillet 1961. Ce sont des vacanciers un peu pressés d’anticiper leurs congés. Ce sont donc bien des vacanciers jusqu’à ce que la preuve du contraire soit apportée.

Il n’y a pas d’exode, contrairement à ce que dit la presse.

Cette arrivée massive est sans doute due à une trop forte chaleur en Algérie » (fin de citations).

L’AFP avait officialisé son suicide avant même qu’une enquête soit diligentée. Cette dépêche affirmait l’absorption de barbituriques, ce qui a été infirmé ultérieurement par les analyses.

Je ne vais pas refaire l’enquête de l’affaire Boulin mais il était certain qu’il ne s’agissait nullement d’un suicide.

Cette hypothèse était totalement farfelue.

  • Le 30 octobre 1979 le corps de Robert Boulin avait été retrouvé à Rambouillet, au bord des étangs de Hollande, à 200 m. de la D138 (Yvelines), dans 50 centimètres de vase.
  • Le 3 février 2011, un gendarme en retraite, qui se trouvait sur les lieux en 1979, avait déclaré que «le ministre à 4 pattes et la tête hors de l’eau, n’avait pas pu mourir noyé».
  • Ce qui était confirmé par un médecin réanimateur : « Robert Boulin avait la tête hors de l’eau, ce qui n’est pas courant pour un noyé ! »
  • Un témoin s’était fait connaître le 29 octobre 1979. Alors qu’il se rendait à Saint-Léger, il avait reconnu Robert Boulin, alors ministre du travail du gouvernement Raymond Barre, assis à la place du passager avant, dans sa propre voiture Peugeot, encadré de deux hommes, l’un à la place du chauffeur, le second à l’arrière.
    Ces deux hommes ne se sont jamais fait connaître à la justice et n’ont jamais été entendu par la PJ (Ont-ils même été recherchés ?).
  • Robert Boulin n’avait aucun rendez-vous ce jour-là et il est plus que probable qu’il se trouvait dans cette situation équivoque contre son gré.
  • Aucune analyse médicale n’avait été réalisée afin d’établir la certitude de la noyade.
  • Une autopsie, en 1983, avait révélé plusieurs fractures du visage, “oubliées” dans les résultats du premier médecin légiste.
  • Le 18 novembre 1987, le juge Comeloup réclamait une autopsie des poumons, mais les organes, enterrés au cimetière de Thiais, avaient disparus.
  • Cette autopsie aurait probablement été inutile car des soins d’embaumements et de thanatopraxie avaient été étrangement réalisés sur le corps sans l’accord de la famille Boulin.
  • En 1988 un nouvel examen confirmait que le corps de Robert Boulin avait été déplacé post-mortem (lividités cadavériques découvertes dans son dos, alors qu’il avait été trouvé sur le ventre).

Pourquoi Robert Boulin aurait-il été assassiné ?

  • Il était mis en cause dans une obscure affaire immobilière. On le soupçonnait d’avoir acquis un terrain à Ramatuelle (Var) par l’intermédiaire d’une connaissance de Jacques Foccart, l’un des fondateurs du SAC (Service Action Civique).
  • Il disposait, paraît-il, d’informations précises sur le financement occulte de plusieurs partis politiques.
  • Ce qui était extrêmement intéressant c’était la mise en cause directe du SAC par M. Jean Charbonnel, ministre du gouvernement Pompidou qui, en 2013, affirmait qu’il n’avait aucun doute sur l’assassinat de Robert Boulin car Alexandre Sanguinetti, figure légendaire du SAC et des « Barbouzes », lui aurait livré les noms des deux personnes responsables de l’exécution de ce « contrat ».

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Jean Charbonnel a quitté ce monde en 2014. Espérons qu’il a pu communiquer cette information importante à qui de droit.

Bruno Le Roux, à l’époque député (2013) avait demandé par écrit, au premier ministre, Jean-Marc Ayrault, la réouverture de l’enquête car, selon lui, « L’affaire Boulin traîne son cortège de curiosités judiciaires, de négligences et d’oublis : expertises contestables, disparitions de scellés judiciaires, incohérences médico-légales, destruction de tous les dossiers et archives de l’ancien ministre dès après sa mort, etc.

Le jeudi 10 septembre 2015 le parquet de Versailles avait ouvert une information judiciaire pour arrestation, enlèvement, séquestration suivi de mort ou assassinat et, en décembre 2016, la levée du « secret-défense » avait été demandée, suite à une requête formulée par Fabienne Boulin-Burgeat, fille de Robert Boulin.

Décembre 2016 le juge d’instruction vient de demander, à son tour, la déclassification de ces documents classés « secret-défense ».

La décision finale appartient aujourd’hui au ministre de l’Intérieur, qui n’est autre que ce même Bruno Le Roux qui l’avait réclamé en 2013 à Jean-Marc Ayrault !

Allons-nous, enfin, connaître la vérité sur le « suicide » de Robert Boulin ?

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez pour Dreuz.info.

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