Publié par Mireille Vallette le 25 mars 2017

Les divorces se multiplient dans les communautés musulmanes. Des prédicateurs radicaux témoignent d’une étonnante ouverture. D’autres rappellent la pure doctrine des textes.

«La meilleure des communautés» découvre qu’elle n’échappe pas au sort commun : mariages tardifs, divorces et célibat sont en hausse. Désormais, imams, formateurs et thérapeutes hantent les centres islamiques afin de tenter de limiter les dégâts.

J’ai remarqué cette préoccupation en faisant une recherche sur le très radical Nabil Ennasri. Le visionnement de vidéos d’autres de ces faiseurs d’opinions, très suivis et que l’on connaît surtout par des discours destinés à susciter la révolte de leurs troupes contre nos sociétés, m’a fait découvrir des discours étonnants.

Certains de ces radicaux prônent une (presque) parfaite égalité entre hommes et femmes.

Droits, devoirs, virginité (de moins en moins obligatoire), infidélité (de moins en moins grave), droit égal aux études et à l’emploi, etc. Pas de blâme de la conjointe sans préciser que l’exemple vaut aussi pour le conjoint. La répudiation s’est définitivement muée en «divorce» et il est accessible aux deux sexes. La doctrine classique est oubliée. Les orateurs justifient néanmoins leur nouvelle approche en puisant dans la grande bassine à hadiths qui permet de dire tout et son contraire, voire d’inventer ici ou là.

L’adultère et les relations sexuelles avant le mariage, punis du fouet et de la lapidation dans les textes, deviennent banalement «haram» et s’effacent facilement moyennant le retour sur la bonne voie. Nulle mention de la polygamie, rarement de la dot. Et pas d’injonction à utiliser sa femme comme un champ de labour.

Reste l’obligation majeure : le sexe doit être pratiqué dans une relation licite, le mariage. Et désormais LES mariages.

Le divorce ? Une occasion de faire la fête !

Dans «Divorce et famille recomposée», le formateur Hassan Iquioussen est d’une modernité époustouflante ! Il se lance dans un plaidoyer pour le divorce et même à un moment donné pour des relations hors mariages (il est remis à l’ordre par une vigilante auditrice). On a pourtant souvent entendu que ces séparations sont très peu goûtées par Mahomet. Iquioussen change d’optique. «Les compagnons du prophète divorçaient, et même à tire-larigot ! Ils divorçaient pour un oui ou pour un non. Ils se prenaient pas la tête : “Ça va pas ? Salut, on arrête les hostilités, rentre chez ton père (sic !). Hassan, le petit-fils du prophète, il paraît qu’il a eu 80 femmes dans sa vie. Divorce, mariage, divorce…” Et si son public est choqué, il a bien tort, suggère-t-il. Après tout, “c’est pas la fin du monde, un divorce”, il doit même “être une occasion de faire la fête.”

L’égalité a ses limites. Dans un enregistrement audio, Iquioussen s’indigne que seuls des hommes assistent à sa conférence, d’autant qu’il y a plein de places à l’arrière. Et d’expliquer : “Le prophète a dit : le meilleur des rangs pour les hommes, c’est le premier. Le pire c’est le dernier. Le meilleur des rangs pour les femmes, c’est le dernier, le pire c’est le premier.” Il a publié une autre intervention avertissant des “dangers de la mixité”.

Ali Habibbi, “psycho praticien, thérapeute de couple, sexologue et addictologue” (aux drogues comme au porno), chasse le client dans des mosquées radicales. L’égalité dans le couple est un credo. “Des femmes ont eu des rapports avant le mariage. La réaction de certains frères et des hommes en général, c’est qu’elle est forcément une mauvaise femme. (…) Ça ne les empêche pas eux d’avoir vécu la même chose. Mais quand un homme a eu des rapports avant le mariage c’est super ! (…) L’acte est blâmable pour les deux. Vous n’avez pas à juger.”

Ces experts ont enfin découvert qu’“on ne peut prouver la virginité ni d’une femme ni d’un homme”. L’obligation d’afficher un drap taché le lendemain de la noce, dit Habibbi, n’est que “barbarie”, étrangère à l’islam. Mais –c’est moi qui souligne– pratiquée par l’islam depuis des siècles, elle a fait des dizaines de milliers de victimes, répudiées par ignorance.

Sur la virginité, Habibbi va loin. L’obligation de virginité est un phénomène culturel, pas religieux. Ce ne sont plus les relations avant le mariage qui posent problème, c’est le mensonge. Dire qu’on est vierge ou puceau à son promis ou sa promise, alors que ce n’est pas vrai, c’est “un motif d’annulation du mariage”.

Rachid Haddad est au diapason. Il observe que des jeunes hommes (l’orateur utilise l’intéressante expression “musulmans de souche”) découvrent les joies de la chair avant le mariage. Et certains de ces dévergondés “voudraient que celle qu’ils épousent soit vierge. Incroyable ! (…) Et des jeunes ne savent pas comment fonctionne une fille… Des filles aussi se dévergondent. Je leur dis : stop ! stop ! Le minimum est de se nettoyer…” Haddad nous apprend aussi que des musulmanes ne veulent pas épouser des Arabes, “car ils sont violents”.

Mahomet est vraiment très fort. Il a tout prévu, tout vécu. Par exemple, lors de sa première nuit avec une nouvelle épouse, il mettait la main sur son front et faisait une prière. Ensuite il consommait “avec des préliminaires. Le prophète a fortement recommandé les préliminaires !”

En islam comme ailleurs… et plus qu’ailleurs

L’ami du Qatar Nabil Ennasri pose un diagnostic “dans le cadre islamique”, en réalité dans le cadre le plus mécréant qui soit. Il affirme en ouverture qu’il va vulgariser ce que disent le Conseil européen de la fatwa et sa cinquantaine d’oulémas, de même que l’institut de formation d’imams de Château-Chinon, deux organismes de Frères musulmans liés au fanatique Al-Qaradawi dont il est un grand admirateur. Mais après avoir fait sa révérence aux extrémistes, il les oublie au profit de sociologues et démographes contemporains, Emmanuel Todd, Youssef Courbage, François de Singly.

Ennasri a découvert que le taux de fécondité, “et c’est universel”, diminue parallèlement au taux d’éducation et à la maîtrise de la procréation. Or, chez les musulmans aussi, et peut-être davantage encore que chez les infidèles, de nombreuses femmes sont plus diplômées que les hommes. “Le taux de femmes d’origine maghrébine qui entrent à l’uni est de 20 points supérieur à celui des hommes”. Les filles considèrent l’éducation comme “une planche de salut. Elles peuvent s’éduquer, s’émanciper, et sortir d’une forme de carcan.”

Le phénomène n’est pas sans conséquence : “L’homme a peur d’une femme plus éduquée que lui. Il la veut d’un niveau social inférieur au sien (…) et c’est encore plus vrai pour les hommes d’origine arabo-africaine (…) Les hommes se tournent vers des femmes moins diplômées, qui correspondent à la femme-mère”, celle qui accepte d’avoir pour unique horizon l’essor du peuple des croyants. Ou alors, précise Ennasri, ces hommes épousent des non-musulmanes ou encore vont chercher chaussure à leur pied “au bled”. Si l’on ajoute qu’une longue formation conduit de nombreuses musulmanes à rester célibataires et aux deux sexes à ne rejoindre le marché matrimonial que vers 27-28 ans, l’offre décline.

D’autres fléaux similaires à ceux qui frappent les incrédules s’ajoutent à ce paysage, cités par Ali Habibbi : “La plupart des parents ont complètement démissionné”, et même s’ils sont à la hauteur, bien des enfants “ne les écoutent plus”.

Quels antidotes à ces maux ? Dur-dur ! Soigner le casting du promis ou de la promise, demander l’avis des parents, voire des “grands savants”, ne pas fuir au premier conflit. Et pour Habibbi, se marier jeune, même sans ressources. Avec cet argument imparable : “Ne pas oublier que ce ne sont pas vos clients, ce n’est pas votre patron qui vous donne de l’argent, c’est Allah ! Si vous voulez vous marier à 20 ans, il ne vous abandonnera pas. On peut très bien étudier et être marié.”

Le célibat, proscrit en islam, est vivement combattu au prétexte que la personne souffre terriblement. “Les tentations sont majeures. Nous vivons dans une société hypersexualisée (…) Tout est fait pour vous provoquer, vous pousser soit à la perversion, soit au déclin de votre âme. Les célibataires subissent cela toute la journée. Il faut résister ensemble, seul c’est très difficile. La tentation est si puissante, c’est difficile de résister même pour les personnes mariées.” Quelles solutions ? Les orateurs sont à la peine.

Aucun ne remet en question la ségrégation sexuelle des mosquées, pourtant assez peu efficace si l’on en croit ce qui précède. Et le foulard reste pour tous une obligation religieuse. Il faut bien que la conquête culturelle se manifeste quelque part.

Reste une impression positive, celle que sur ce coup-là, beaucoup de filles formées à l’égalité occidentale n’ingurgitent plus si facilement le traditionnel sexisme. Et pouvoir divorcer facilement séduit aussi les hommes. Entre études longues, volonté d’occuper des emplois rémunérateurs et pensions alimentaires, la fécondité musulmane pourrait bien être freinée. L’envie de profiter davantage des biens de ce monde qu’avec les aides sociales affleure souvent.

Leur religion devance la science depuis 1400 ans

Dans ce domaine des mœurs, il existe encore des orateurs camés aux textes, qui atteignent des scores de visites stratosphériques. Le salafiste Naber Abou Anas en est un.

Dans une de ses interventions (300 000 visiteurs), il prône tout plein de gentillesses à l’égard de l’épouse. Mais ses autres vidéos le montrent en pleine marinade sexiste. “J’ai entendu de mes propres oreilles un jeune dire qu’il avait des rapports avec sa femme durant ses menstrues.” C’est l’occasion pour l’imam de conforter l’interdit par les “preuves scientifiques” apportées aujourd’hui : des transmissions d’infections sexuelles et des blessures du pénis. Et de conclure : “Notre religion, elle a devancé leurs découvertes, elle a devancé la médecine depuis 1400 ans ! On n’a rien à apprendre de chez eux, on a tout à leur enseigner !” Il sous-titre son site “Une étincelle de Science sur le net”.

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Comment des centaines de milliers de musulmans éduqués dans nos sociétés, peuvent-ils avaler cette ratatouille ? Et s’ils l’avalent, pourquoi ne goberaient-ils pas aussi l’appel au rejet des non-musulmans, la nostalgie de l’esclavage, la nécessité de répandre cette religion sur la planète… le djihad ? La radicalisation ne commence-t-elle pas là ? Comment se fait-il que des Nadas, Rachid Abou Houdeyfa ou Mehdi Kabir et bien d’autres puissent librement radicaliser les musulmans ? Voir une imposante brochette d’entre eux ici.

Allez, un dernier verre de misogynie. La “législation sublime et complète” de sa religion enseigne à Adas ce que doit être “Le vêtement de la femme” (115 000 vues).

“Ma sœur en islam, tu es un trésor, tu es un bijou… Mais tu n’as pas à vivre comme tu le veux, mais comme Allah le veut.” Haro sur les habits serrés, courts, colorés, sur le maquillage et le brushing. Pour sortir, elle doit être moche. “Par tes vêtements, tu peux attirer les hommes et on sait très bien que les hommes sont très fragiles… La femme ne doit pas être attirante.” L’homme fragile est néanmoins le chef de famille, rappelle-t-il, et son épouse doit le servir et lui obéir.

“Ma sœur, tu dois porter le hijab (…) Le cou, les cheveux, les oreilles, on ne doit rien voir (…) Le hijab c’est l’ensemble du vêtement et il doit être ample. … Le prophète il a dit qu’il a vu en enfer des femmes mi-nues, mi-vêtues.”

Le parfum fait d’elle “une fornicatrice”. Il attire les hommes, ce qui est aussi très fâcheux. “Toi tu es simple, humble, précieuse, discrète. Sinon tu seras la cause d’un péché.”

Dans la même veine, j’ai lu ailleurs cette énigmatique déclaration du prophète : “Quatre sont des traditions des Messagers : le henné, le parfum, le cure-dent et le mariage.”

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Mireille Vallette pour Dreuz.info.

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