La veille de sa passion, au soir du jeudi saint, Jésus n’a pas célébré la première « eucharistie chrétienne ».
Il a simplement commémoré la Pâque juive avec ses amis, au cours du repas rituel traditionnel. Et c’est dans ce cadre bien précis qu’il a inclus son propre geste rituel confié aux apôtres comme mémorial valable pour l’après Golgotha.
Habituellement, avant le début du seder, un domestique ou le plus jeune des fils, apporte au président du repas une bassine d’eau pour l’ablution rituelle. Ici c’est Jésus qui préside, et il décide de se lever, d’endosser la fonction de serviteur et il lave lui-même les pieds des disciples (Jn 13.1-6), afin de mettre ce dernier événement sous le signe de l’humilité et du service fraternel.
Lors du seder pascal juif, le président du repas donne aux participants trois galettes rondes de pain non levé (matzot ougot- Exode 12.39), en rappel de la sortie d’Egypte qui avait été pour Israël un départ libérateur dans l’urgence. Cette distribution du pain de la Pâque a un sens communautaire : la première matza représente le corps des prêtres, la deuxième, le corps des lévites, et la troisième, le corps du peuple de Dieu.
Jésus prend la dernière galette azyme qui représentera son corps, unifiant en une seule les 3 autres, afin de présenter à Dieu, par la bénédiction, un Israël uni auquel il s’identifie personnellement. Les Ecritures dénomment Israël « peuple de prêtres », chargé de rendre un culte au Dieu saint, grâce à la qualité de son comportement éthique guidé par la Torah.
En disant « ceci : mon corps » la veille de la fête des pains sans levain où est immolé l’agneau pascal au Temple, Jésus annonce sa propre Pâque, imminente. Anticipant son sacrifice, corps rompu, il récapitule en lui la mission de serviteur du peuple d’Israël dont Dieu est le Père. (Il y a une grande différence anthropologique entre la notion de corps chez les Grecs et chez les Israélites. La tradition biblique considère l’être humain comme une unité, âme et corps ne sont pas séparés comme dans le paganisme hellénistique, où l’esprit de l’homme est une étincelle divine tombée du ciel mais enfermée dans un corps méprisable et sans avenir).
En disant « ceci : mon corps » Jésus dit donc : dans ce geste est ma personne, tout ce que j’ai réalisé avec vous, c’est moi-même donné entièrement pour vous… (Ceci explique l’insistance du 4ème évangile pour affirmer dans son prologue : « le Verbe de Dieu s’est fait chair ! », l’incarnation du divin n’étant pas concevable dans la pensée grecque).
La todah (merci à Dieu) appelée plus tard en grec « eucharistie » sera célébrée selon la demande de Jésus après sa mort et sa résurrection ; elle se réfère à ce repas pascal initial, mais ce ne sera évidemment pas le corps mortel, mais bel et bien le corps glorieux du Christ qui investira la matière du pain de l’offrande consacrée. De même, le sang ne peut pas être isolé, même dénommé spécifiquement puisque symbole de vie, car le sang est associé intimement à la vie du corps. Pour les Hébreux, le sang, c’est la vie (haïm), donc dans l’eucharistie d’après Pâques, c’est la vie irradiant le corps glorieux du ressuscité qui est là dans le vin consacré, ce n’est évidemment pas l’hémoglobine du Jésus terrestre.
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Dans le rituel de la Pâque juive, le président de la célébration élève pour une bénédiction quatre coupes de vin successives qui sont bues par les convives au cours du repas. La 4ème coupe s’accompagne d’une prière que Jésus a dite, en pensant peut-être aux Romains qui bafouent les lois divines par leur violence idolâtrique : « Ô Dieu d’Israël, répands ta colère sur les peuples qui ne veulent pas reconnaître ta justice et méprisent l’être humain ! » Chaque commémoration de la Pâque, libération des servitudes, est un « zakhor », une actualisation de l’événement pascal, qui rend chaque participant réellement contemporain de la délivrance évoquée.
Puis Jésus prend en mains la cinquième coupe, celle qu’on laissait de côté avec dévotion car c’est la coupe du prophète Elie, celui qui vient à la fin des temps annoncer l’imminence messianique du Règne de justice et de paix. C’est cette cinquième coupe qui se retrouvera au centre de la célébration eucharistique.
Et Jésus dit, citant mot pour mot Jérémie, prophète du retour d’exil : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, versé pour beaucoup ». Ce qui veut dire : les temps de l’ère nouvelle sont arrivés, c’est aujourd’hui – par le don de soi – que le règne de Dieu commence à transformer nos vies. Tous les êtres humains sont invités au banquet final du Royaume.
C’est pour cette raison que lors de la célébration du mémorial consécratoire le prêtre dit : « à la fin du repas, il prit LA coupe », les 4 autres ayant déjà été bues, c’est donc bien de la 5ème, celle d’Elie, qu’il s’agit, car habituellement on la laissait intacte.
L’offrande du pain et du vin évoque aussi le profil bienfaisant de Melkitsédek, roi de Salem, mis en valeur dans la Bible, car représentant d’une lointaine tradition religieuse pacifique et accueillante, à l’opposé des coutumes idolâtriques et sanguinaires omniprésentes dans les territoires païens.
Or la Pâque ancienne a récapitulé rituellement le passage – vécu par l’humanité ancienne – de la chasse à l’élevage et de la cueillette à l’agriculture. C’est pourquoi la Pâque a d’abord été fête des éleveurs, où l’on sacrifiait à Dieu, en action de grâces, un agneau sans défaut, partagé ensuite entre officiant et famille. Puis s’y est adjointe la fête des moissonneurs, avec l’offrande de la première gerbe en remerciement pour le don des grains de blé. (Les vieux levains étaient jetés, on mangeait le pain de la nouvelle mouture). Ces deux célébrations sont du registre de la nature, la première Pâque est une fête en l’honneur du Dieu de la nature généreuse.
La deuxième Pâque qui s’y ajoute, et qui sera dominante, est la sortie d’Egypte, événement providentiel de libération permettant au peuple de Dieu de s’approprier sa destinée en partant vers la Terre des promesses. C’est donc le registre de l’histoire, qui implique la responsabilité humaine.
« Choisis la vie pour que tu vives ! (Deutéronome)» De ce fait, le Dieu créateur de la nature est aussi le Dieu sauveur s’adressant à notre liberté et suscitant la culture.
L’eucharistie que nous célébrons se fonde certes sur le dernier repas historique de Jésus juste avant sa passion, mais avant tout sur la présence du Christ ressuscité version Emmaüs, lorsqu’il révèle aux marcheurs le mystère des événements à partir des Ecritures saintes et se fait reconnaître en rompant le pain. Cette prise de conscience dans leur cheminement les libère de la désespérance antérieure et leur fait faire demi-tour vers Jérusalem, siège de la communauté apostolique, l’Eglise-mère, d’où rayonnera ensuite la mission auprès de toutes les nations.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez prêtre, pour Dreuz.info.
Bien que n’ayant pas reçu la grâce du baptême, mais seulement été élevé dans les valeurs du christianisme et le respect des dix commandements, j’ai été fort intéressé par votre analyse. Grand merci.
Je prends ce texte où tous les chrétiens devraient se retrouver, les mots “eucharistie” devenant “Sainte Cène” pour les protestants, et un président du repas pour le prêtre.
Si nous avions tous une si bonne et sainte compréhension de cette célébration. ..
Les différences ont été volontairement exagérées et marquées dans le marbre pour être certains de ne pas être des ressemblances.
Le retour à Israël et ses Ecritures pour l’Eglise de Yeshua le Messie juif, ne peut que tracer des convergences profondes. Merci.
A la différence, non exagérée, qu’il n’y a ni présence, même glorieuse, ni vie qui aient investi le pain et le vin du seder pour les Juifs et les protestants…
Et comme le dit bien l’abbé Arbez, ce geste n’est qu’un mémorial valable pour l’après Golgotha, comme le seder est un mémorial pour les Juifs : faites-le en mémoire de…
J’ai dit déjà entendu cette chose malveillante qui sous entend que la Cène des protestants n’a pas de valeur de réalité quand l’eucharistie célèbre une présence réelle de Jesus.
La. Bible enseigne que la Foi et non la loi donne la vie.
Un geste fut il sacramentel sans La foi ne donne rien! Celui qui croit communie en réalité au Réel ! La fameuse transubtentation veut signifier une présence réelle Parce que physique…”mes paroles sont Esprit et vie” a répondu le Messie à ceux qui lui reprochaient de laisser entendre qu’il fallait manger son corps mortel. Oui les protestants sont partagés sur ce sujet ,intoxiquéspar cette notion de “présence réelle” qu’on leur oppose quand la réalité de Dieu est spirituelle puisqu’il est totalement et parfaitement Esprit, que l’on approche par l’esprit, si l’Esprit de Dieu est en nous. Telle est le cœur de la question, quel est l’esprit qui nous anime ?
Vous qualifiez de “chose malveillante” une perception qui diffère de la vôtre.
Vous faites très fort.
Perception…vous faites faible…je parle de ceux qui l’on prononcée avec malveillance…pour sauter d’un sujet de foi à une diatribe qui n’était pas digne d’un homme d’église face à des gens appelés à l’occasion frères dans La foi!
Fascinant. Personne ne m’avait expliqué l’Eucharistie et la fête de Pâques de cette façon.
Merci Père Arbez!
Yéhoshoua (Jésus) n’a pas officié exactement un seder de type juif orthodoxe (tel que pratiqué par la majorité des juifs) mais plutôt un seder israélite correspondant à la Torah (ancien testament) et plus précisément du passage d’Exode.
Car il est certain qu’Il n’a pas célébré la fête de Pessah’ en même temps que les juifs pharisiens, puisque les hommes envoyés par le sanhédrin (plus haute juridiction religieuse de l’époque dominée par les pharisiens) ne peuvent entrer dans le prétoire (lieu païen) afin de se préserver de toute souillure et pouvoir ainsi manger le repas de Pessah’ (La pâque)
[Jean 18:28 Ils (les hommes du sanhédrin) conduisirent Jésus de chez Caïphe au prétoire: c’était le matin. Ils n’entrèrent point eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller, et de pouvoir manger la Pâque.]
A noter qu’à cette époque il y avait de nombreux courants juifs ( plusieurs de type Pharisien, Saducéens, Esséniens ). De plus le calendrier biblique était faussé par l’exode à Babylone, et avait repris une partie des rites calendaires païens de Babylone. Mais tous les juifs ne suivaient pas ce calendrier, en particulier les esséniens.
Car Jésus est réssuscité le 3eme jour mais est aussi resté 3 jours et 3 nuits dans la tombe. Il est mort un mercredi, après la pâque du mardi soir , et est réssuscité un samedi (jour de shabbat). A noter aussi que le shabbat qui suit la mise au tombeau , est un shabbat gadol , une fête supplémentaire et non un shabbat du jour de samedi.
Si le calendrier décrit dans le livre des Jubilés était respecté, alors toutes les fêtes juives tomberaient sur des jours bien précis, et donc pâque un mardi soir, la crucifixion un mercredi et la résurrection un jour de Shabbat , un samedi.
Jésus a accompli toutes les fêtes juives qui prennent ainsi tout leur sens prophétique.
Elles sont appelées “Saintes Convocations de l’Eternel” dans la Bible.
Voir cette vidéo, c’est impressionnant.
https://actubible.wordpress.com/2017/04/01/yehoshoua-et-les-fetes-de-leternel-video/
Votre message est intéressant mais rempli d’erreurs.
A commencer par Yehoshua qui Josué et non pas Jésus qui Yeshoua
– si vous lisez bien les Evangiles et notamment Luc 23 verset 53 à 56, vous comprendrez que le jour de sa crucifixion ne peut être un mercredi mais un vendredi, jour qui précède le sabbat:
« 53Il le descendit de la croix, l’enveloppa d’un linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne n’avait encore été mis.
54C’était le jour de la préparation, et le sabbat allait commencer.
55Les femmes qui étaient venues de la Galilée avec Jésus accompagnèrent Joseph, virent le sépulcre et la manière dont le corps de Jésus y fut déposé,
56et, s’en étant retournées, elles préparèrent des aromates et des parfums. Puis elles se reposèrent le jour du sabbat, selon la loi. »
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Merci Mr Arbez, pour les précisions apportées sur le seder, en particulier pour les différentes coupes.
Très bonne analyse, très instructive, pour moi qui ne suis pas Chrétienne, mais Juive.
Un grand merci, Monsieur l’Abbé, pour toutes ces explications qui jettent enfin un pont entre Pessah -le passage – et la pâque chrétienne et établissent une continuité;
les transmissions télévisées sur la fête chrétienne que j’ai pu regarder dans ma vie, pour la comprendre m’avaient toujours parues incompréhensibles bien que infiniment tragiques pour la femme juive que je suis. Et pourtant Jésus m’était toujours présenté dans ma famille comme très familier.
Joyeuses fêtes de Pâques!
Selon l’évangéliste Jean, ce dernier repas auquel Jesus participa avec ses disciples, n’était pas le repas du Seder a la veille de la Pâque juive, mais le jour précédent la Pâque.
“ C’était le jour de la Préparation [de la célébration] de la Pâque ” (Jean 19:14). Cela expliquerait pourquoi les apôtres étaient la, car a la veille de la Pâque juive, ils auraient célébré la Pâque avec leur famille, ce qui était – et est encore – la coutume observée par tous les Israélites. Cela expliquerait aussi pourquoi il y eut peut-être une réunion de quelques notables qui discutèrent ce qu’ils devaient faire a l’encontre de Jesus. Ils ne l’auraient jamais fait a la veille d’une fete juive car cela était strictement interdit par la loi juive.
Il y a donc deux opinions contradictoires dans le Nouveau Testament concernant la date exacte de ce dernier repas de Jesus avec ses disciples. Et si l’opinion de l’évangéliste Jean s’avérait être l’opinion correcte – comme le pensent bien des historiens – ce repas n’etait pas un Seder. Donc les interprétations théologiques qui ont été suggérées après la mort de Jesus – et qui sont a la base de l’eucharistie – n’auraient pas de fondements ni dans le texte de l’Evangile, ni dans l’histoire. Ne faudrait-il donc pas tenir compte de la narration de Jean ? Ou assumer que des erreurs importantes se soient glissées dans les évangiles et qu’il soit donc nécessaire de réexaminer le contenu de ces récits.
il y a certes des contradictions dans les différents récits évangéliques, mais cela renforce la judéité de ces rédactions, car l’approche n’est pas univoque.
Cela n’enlève rien au contenu théologique de l’eucharistie, car Jésus a très bien pu confier son rituel aux disciples à deux moments complémentaires, le plus important étant la signification du don de lui-même, associé à la Pâque qui reste la base fondamentale du propos.
L’adhésion au Christ, à son message et au mouvement d’Esprit qu’il a suscité, tout cela ne dépend pas de détails de datation. On ne sait même pas à quel âge exact Jésus est mort, cela n’a pas d’incidence sur le sens qu’il a donné à son sacrifice.
Oh oui, la rencontre de Jésus qui change une vie ne trouvera jamais sa place dans les découvertes scientifiques les plus pointues. Quelque soit l’heure et le jour où chacun des disciples a rencontré le Maître, c’est bien le bouleversement total par cette rencontre qui demeure car c’est capital; Matthieu Pierre ou Zachée n’ont pas fixé dans le marbre les détails pratiques et techniques de cette rencontre, mais quel changement éternel!
Faites mémoire au sens hébraïque, est tellement plus que se souvenir, on continue à vivre un évènement !