Publié par Jean-Patrick Grumberg le 14 avril 2017

Une avalanche de commentaires est tombée sur Dreuz avec la force des 59 missiles Tomahawk qui sont tombés sur une base aérienne en Syrie.

Notre faute : avoir déclenché une attaque à l’arme chimique sur l’idéologie française qui veut que si l’on est de gauche, on est ennemi de la Russie et de sa politique, et plus on est de droite, plus on soutient et défend Poutine contre vents et marées.

Ce n’est évidemment pas ma conception. Je n’analyse pas la géopolitique avec un miroir militant déformant.

Trêve de métaphores à deux balles, le flot de commentaires vengeurs, agressifs, moqueurs, insultants, méprisants, voire quelques fois anti-américains primaires que nous avons reçus m’a rappelé quelques vérités.

  • Il n’est pas aisé d’argumenter avec les Latins : ils ont le sang chaud, ils sont émotifs. Ils s’emballent et finalement se fâchent. Ce n’est absolument pas une critique de ma part mais le constat d’une différence culturelle.
  • Ma culture est d’avoir une conversation d’échanges de point de vue non pas pour gagner ou convaincre, ou même écraser l’autre sous le poids des arguments mais pour avancer, exposer des idées devant nos lecteurs.
  • Mon objectif est l’échange d’idées, le travail des idées. Je ne considère pas qu’une conversation doive se terminer par un KO, mais par un échange riche. Une conversation de qualité est atteinte lorsque les différents points de vue ont été exposés. C’est ce que j’appelle une bonne conversation. Une conversation qui tourne en eau de boudin est un échec.

Concernant le dossier syrien, j’ai lu les dossiers, des dizaines de dossiers. J’ai lu les rapports, des dizaines de rapports. J’ai examiné les avis divergents des uns et des autres. Les pour et les contre. Certains sont plus pertinents, d’autres, totalement loufoques, certains viennent de commentateurs que je lis depuis des années et des années, et c’est sur la longueur que l’on acquiert la confiance dans la qualité des analystes.

J’ai formé mon jugement sur l’attaque syrienne basée sur ces très nombreuses analyses. Je ne suis pas certain que ceux qui se sont jetés sur leur clavier pour contester nos articles se soient donné la peine de faire ce travail de recherche.

La géopolitique est un domaine complexe. Et ce n’est pas tout à fait de la politique. Souvenez-vous que la ligne qui séparait le Oui et le Non au référendum sur l’Europe transcendait les partis politiques, tout comme ce fut le cas avec le Brexit.

La géopolitique concerne chaque citoyen, et pourtant c’est un domaine où le citoyen n’a pas son mot à dire, ne reçoit pas souvent les informations pour comprendre. Les alliances évoluent selon les circonstances, les intérêts se contredisent et évoluent, les amitiés n’existent pas, seuls les intérêts comptent, et ceux qui les défendent n’ont pas forcément le talent de savoir les défendre au mieux de leurs intérêts– Donald Trump l’a clairement démontré lors de sa campagne électorale en dénonçant la stupidité des accords internationaux signés par les politiciens, Démocrates et Républicains.

Beaucoup de nos lecteurs ont décidé a priori que la Syrie ne pouvait pas être coupable d’avoir utilisé l’arme chimique contre les rebelles, non pas qu’ils considèrent Assad comme un saint– ils savent qu’un homme qui a laissé tuer plus d’un demi-million de citoyens de son pays en cinq ans n’est pas digne de confiance– mais parce qu’ils n’aiment pas que les Etats-Unis se posent en policier du monde. Alors ils sont allés chercher les études ou déclarations qui leur donnaient raison.

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Posez-vous la question :

Il existe un Droit international, des lois et des traités. Les droits de l’homme. Qui se charge de les faire respecter ? Qui se charge d’appliquer le droit et de sanctionner ceux qui le violent ? L’ONU ? Elle a laissé se massacrer les Syriens sans bouger. Lorsqu’un Etat, un régime, massacre son peuple, commet un génocide, les autres pays doivent-ils intervenir pour l’empêcher ou laisser faire ? Qui a la force d’intervenir ? Quel est le seul pays du monde à pouvoir faire respecter le droit international, les accords internationaux ? Vous avez la réponse ? Nous sommes donc d’accord. La réponse ne vous plaît pas ? Je le comprends et le respecte, mais elle est ce qu’elle est.

Posez-vous la question géopolitique (et non politique) :

Quel intérêt Trump a-t-il à bombarder une base aérienne syrienne secondaire occupée par 6 personnes après avoir prévenu les Russes ?

Posez-vous la question :

Le bombardement a-t-il fait réfléchir l’Iran, la Russie, la Chine, la Corée du Nord ? Se sont-ils dit qu’ils feraient bien de réévaluer certains de leurs objectifs géopolitiques ? D’autres acteurs tentés par l’utilisation de l’arme chimique ont-ils été sensibles à l’action de Trump déclarée contre l’usage de l’arme chimique ?

Posez-vous enfin cette question :

Imaginons pour l’hypothèse et avancer dans le raisonnement que l’administration Trump ait totalement inventé que le régime syrien a utilisé l’arme chimique pour prétexter son bombardement. Assad et les Russes savent donc que Trump a bluffé pour frapper. Cela change quoi ? Rien, et je dirais : bien au contraire ! Trump a bombardé la base aérienne pour montrer les muscles de l’Amérique après 8 ans d’anémie Obamanienne. Si Trump avait bluffé et inventé l’affaire, Assad et Poutine doivent être en train de se dire que Trump est encore plus dangereux qu’ils le pensaient, et ils vont adapter leurs actions en conséquence.

Si Trump n’a pas bluffé– ce que je crois et les éléments d’information s’accumulent tout de même sérieusement dans ce sens– Assad et Poutine sont en train de se dire que Trump n’est pas Obama, et ils vont adapter leur actions en conséquence.

Conclusion :

Voilà quelques-unes des questions qui alimentent une solide conversation. Les insultes, les moqueries, l’arrogance l’assèchent– et me font sourire : mais ça vous le saviez.

Conclusion de ma conclusion à l’endroit de nos lecteurs qui ont laissé des commentaires vengeurs, agressifs, moqueurs, insultants, méprisants, voire quelques fois anti-américains primaires : j’espère que nous avons eu tout de même une bonne conversation. Et songez aux dizaines de milliers de lecteurs qui ont lu vos commentaires, et qui eux ne commentent jamais.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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