Publié par Dreuz Info le 1 mai 2017

En mars dernier (2017), le père jésuite Henri Boulad rencontrait le premier ministre hongrois Viktor Orban à Budapest et recevait de ses mains la nationalité hongroise : « Ce petit pays qu’est la Hongrie peut faire basculer l’Europe, et j’ai l’intention de m’y investir ! »

Dans l’entretien ci-dessous, le père Boulad explique ses motivations et le pourquoi de son souhait d’acquérir la nationalité hongroise. Il donne sa vision de l’Europe et de l’Islam, puis adresse un message aux chrétiens d’Europe et aux Français.

Comment et pourquoi je suis devenu hongrois ?

J’ignorais que Viktor Orban me connaisse et ait lu mes livres

Tout a commencé par une visite personnelle à Alexandrie (Égypte) du vice premier ministre hongrois, Dr Zsolt Semjén, qui me remettait une décoration de la part de Viktor Orban, et une invitation à venir le rencontrer en Hongrie. M’ayant alors demandé si j’avais un souhait, l’idée m’est venue de postuler pour la citoyenneté hongroise… Pourquoi ? Une première raison – très pratique – était qu’un passeport européen me permettait de voyager sans visa n’importe où dans le monde. Depuis 1992 je me rends fréquemment en Hongrie où une cinquantaine de mes ouvrages publiés là-bas font que ce pays est celui où je suis le plus connu et aimé dans le monde – et c’est réciproque. J’aime ce peuple pour sa profondeur, son attachement aux valeurs humanistes et son enracinement chrétien. Ce point est pour moi essentiel, car je pense que l’abandon de la foi par l’Europe est une des causes de la profonde crise qu’elle traverse.

J’admire aussi Viktor Orban pour ses prises de position fermes par rapport à l’immigration démentielle qui déferle sur l’Europe et risque de la faire sombrer. Malgré les violentes critiques et la féroce campagne médiatique contre lui, Orban maintient sa position avec beaucoup de courage. Les raisons pour lesquelles l’ensemble des pays européens s’oriente en sens contraire tiennent surtout à l’idéologie libérale qui tend à dissoudre les identités par un multiculturalisme tous azimuts et une mondialisation sauvage. La Hongrie a eu la sagesse de ne pas tomber dans ce piège.

J’ignorais que Viktor Orban me connaisse et ait lu mes livres. Au cours du déjeuner auquel il m’a invité au Parlement, le 16 mars dernier, il me disait : « Je pense que nous pourrions faire du bon travail ensemble. » Je me suis dit alors : une porte s’ouvre providentiellement, pourquoi ne pas m’y engouffrer et imaginer avec Orban une autre Europe ? Cette petite Hongrie de 10 millions d’habitants pourrait faire basculer ce continent et a déjà commencé de le faire. Pourquoi ne pas m’y investir ?

Avez-vous un plan d’action concret dans ce combat que vous souhaitez mener ?

Il était grand temps que quelqu’un réagisse et refuse de se laisser mener par le bout du nez par la poignée de technocrates de Bruxelles

Je ne crois pas être appelé à un combat politique. Tel n’est pas mon rôle en tant que prêtre et religieux, bien que je m’intéresse beaucoup à la politique et suive de très près l’actualité. Or je me rends compte que ce que fait la Hongrie – notamment l’accord avec le groupe de Visegrad « V4 » (Hongrie, Slovaquie, Pologne, République tchèque) – fraie un chemin vers une nouvelle Europe, respectueuse des identités, des frontières, des cultures et des langues. Il était grand temps que quelqu’un réagisse et refuse de se laisser mener par le bout du nez par la poignée de technocrates de Bruxelles aux ordres de la finance mondiale. Mon projet vise à encourager cette prise de distance vis-à-vis d’une mondialisation qui ne profite qu’aux milliardaires et au libre-échange sauvage généralisé.

Le deuxième problème est celui de l’islamisation exponentielle de l’Europe. Il faut oser parler vrai (lire mon pamphlet : « J’accuse »), et encourager ceux qui ont le courage de résister. Enracinée dans le judéo-christianisme, l’Europe possède un trésor de culture et d’humanisme qu’il faut à tout prix sauver ! Ce continent a été à la pointe de la civilisation, non seulement sur les plans technique et scientifique, mais aussi au niveau humain, moral et spirituel. Le christianisme – bien qu’aujourd’hui en perte de vitesse – a été un élément essentiel de cette réussite. Il aurait toujours quelque chose d’essentiel à donner, à condition de passer par une triple réforme, comme je l’exprimais au Pape Benoît XVI, dans la lettre que je lui adressais en 2007. Mon rôle pourrait consister à soutenir – dans une toute petite mesure – les valeurs spirituelles et humaines dont l’Europe est porteuse.

Quel sentiment vous procure le fait d’être hongrois ?

je me sens sur la même longueur d’onde que ce peuple

Il ne s’agit pas de sentiment, c’est beaucoup plus profond. Au-delà de l’obstacle de la langue, que je ne posséderai sans doute jamais, je me sens sur la même longueur d’onde que ce peuple. Ma nouvelle citoyenneté concrétise une empathie spontanée.

Par ailleurs, comme je crois à la Providence, je pense que le fait que Viktor Orban m’ait envoyé jusqu’à Alexandrie son vice premier ministre pour m’inviter à le rencontrer est pour moi un signe. Tant que le Seigneur me donnera un brin de santé et une tête qui fonctionne, je m’investirai à plein dans cette aventure dont les enjeux sont énormes.

Vue d’Égypte, que pensez-vous de l’Europe ?

ce que le monde arabe ne parvient pas à réaliser, il cherche à le démolir… 

Le monde arabe éprouve pour l’Europe une profonde admiration. Je lisais récemment dans une revue koweïtienne un article en arabe intitulé : « Un jour, on regrettera l’Europe ». L’auteur constatait avec tristesse que celle-ci était menacée d’effondrement, et un tel scénario représentait pour lui une véritable catastrophe.

Les Arabes ont développé vis-à-vis de l’Europe un sentiment complexe, fait de fascination et de rejet, d’amour et de haine. En psychologie, on appelle ça l’ambivalence. Ils éprouvent d’autant plus de haine vis-à-vis de l’Europe qu’ils l’admirent profondément.

Ils voudraient être comme elle, mais n’y arrivent pas. Les contraintes religieuses, morales et sociales qui les maintiennent dans un étau de fer les empêchent d’entrer dans le processus de modernisation qui pousse le monde en avant : droits de l’homme, démocratie, réflexion critique, progrès technologique, etc. Or, ce qu’on ne parvient pas à réaliser, on cherche souvent à le démolir… par simple dépit. Face à son retard sur tous les plans, le monde arabe vit un terrible complexe d’infériorité, qu’il compense par un complexe de supériorité dépourvu de tout fondement.

Je lisais ces jours-ci le témoignage d’une enseignante française qui s’était dévouée corps et âme plus de vingt ans dans plusieurs lycées de la banlieue parisienne. Elle avait donné le meilleur d’elle-même à ses élèves pour leur communiquer les valeurs, la culture et la langue française. En échange, elle n’avait reçu que rejet, refus, haine, rancœur et agressivité. La troisième génération d’origine maghrébine, qui était censée s’intégrer sans difficulté, refuse de le faire. Ce que demandent la plupart de ces immigrés, c’est l’argent, le bien-être, la couverture sociale.

Je comprends l’Australie, qui dit à ceux qui frappent à sa porte : vous êtes les bienvenus chez nous, à condition de faire l’effort de vous intégrer. Si vous le refusez, eh bien, rentrez chez vous. Pour n’avoir pas eu le courage d’en faire autant, l’Europe est en train de s’autodétruire. Éric Zemmour, dans un livre récent intitulé Le Suicide français*, dénonce ce danger. Beaucoup d’autres penseurs en disent autant. Oui, la France est en train de se suicider, dans une inconscience généralisée.

Comment voyez-vous la crise actuelle en France et le problème de l’immigration ?

 La France est en train de se suicider, dans une inconscience généralisée

Cette crise tient à l’idéologie de la gauche libérale liée à une islamisation exponentielle. Ces deux facteurs conjugués – qu’on appelle « islamo-gauchisme » – détruisent lentement la France, dont l’identité est en train d’être dévoyée et défigurée par celle de l’Islam de plus en plus fanatisé. Nous constatons le même phénomène dans le reste de l’Europe occidentale.

En ce qui concerne l’immigration, l’Europe a le devoir d’accueillir l’étranger et de l’aider à construire sa vie. Mais il y a un seuil de tolérance à respecter. Quand le flot d’immigrés menace sa survie, l’Europe doit savoir dire stop. Si une embarcation d’une capacité de vingt personnes en prend cent à son bord, tout le monde coulera. C’est du simple bon sens.

Par ailleurs, un immigré qui refuse de s’intégrer devrait tout simplement être renvoyé chez lui. Sinon, cela crée des zones de non-droit, où la police est non seulement incapable d’intervenir, mais a même parfois l’interdiction de le faire, même si des forcenés brûlent sous ses yeux des dizaines de voitures et saccagent des quartiers entiers. La gauche libérale est un véritable désastre.

Le véritable islam n’est-il pas modéré ?

Le dernier des réformateurs, le Cheikh soudanais Mahmoud Mohamed Taha, a été pendu sur la grande place de Khartoum en juillet 1985

Hélas, non ! Car l’islam est par définition politique et radical. Tous ceux qui ont tenté de le réformer se sont heurtés à un mur. Le dernier des réformateurs, le Cheikh soudanais Mahmoud Mohamed Taha, a été pendu sur la grande place de Khartoum en juillet 1985 (à l’instigation d’el-Azhar) pour avoir voulu privilégier les versets mecquois, relativement ouverts et tolérants, aux versets médinois, incitant à la haine et à la violence. Ce faisant, il remettait en question le décret de « l’abrogeant et de l’abrogé » datant du Xème siècle, et qui a été déclaré irréversible. L’islam s’est mis ainsi dans un piège dont il ne parvient pas à sortir.

On peut donc affirmer que l’islamisme – ou islam politique et radical – exprime parfaitement la vraie nature de l’islam. J’ai écrit là-dessus un texte très clair (Islamisme et islam : le Père Henri Boulad répond à la lettre des 120 érudits musulmans qui accusent l’État islamique d’avoir sali l’Islam), disponible en plusieurs langues. Si les musulmans modérés sont légion, l’islam modéré n’existe pas. Les tenants d’un tel islam – soufis, bahaïs, libéraux, etc. – sont ultra minoritaires et considérés comme des sectes hérétiques, à peine tolérées par l’islam sunnite majoritaire représenté par l’Azhar. Celui-ci forme des millions de prédicateurs qui diffusent à travers le monde l’interprétation la plus stricte, la plus rigoureuse, la plus radicale et la plus intolérante de l’islam.

Les appels réitérés du président égyptien al-Sissi à l’Azhar pour qu’il change de discours sont restés lettre morte. Penser qu’un islam modéré puisse un jour l’emporter sur l’orthodoxie islamique me paraît relever du ‘wishful thinking’ (vœu pieux). Le problème n’est pas dans l’interprétation de l’islam, mais dans l’islam lui-même. C’est ce que souligne l’universitaire égypto-allemand, Hamed Abdel-Samad, qui vient de publier un livre intitulé Le fascisme islamique*. Bien d’autres intellectuels et universitaires égyptiens, comme Sayyed Al-Qimni, Nawal el Saadawi, Islam Behairy, Fatima Naoot, Magdi Khalil, etc. ont la même vision que lui.

Ajoutons à tout cela qu’il existe dans l’Islam un principe clairement énoncé dans le Coran nommé ‛taqiya’ (la dissimulation) autorisant la duplicité et le mensonge, si cela contribue à promouvoir l’islam en milieu infidèle. En France, par exemple, les prêches en français disent souvent le contraire de ceux en arabe, et les imams médiatiques et médiatisés tronquent systématiquement les verstes coraniques de leur suite belliqueuse et violente pour leur faire dire ce qu’ils ne disent pas. C’est tromper honteusement les Français.

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Que pensez-vous du dialogue avec l’islam ?

un dialogue à sens unique, qui tourne en rond depuis cinquante ans

L’Occident et l’Église ont souvent une attitude complaisante vis-à-vis de l’islam, au nom d’un dialogue à sens unique, qui tourne en rond depuis cinquante ans. Si nous voulons sortir de l’ornière, il faut impérativement refuser le « politiquement correct » et la langue de bois. Pour avoir des chances de réussir, le dialogue doit être fondé sur la vérité. Si, aux arguments que j’avance, la seule réponse de mon interlocuteur est le chantage, la menace ou le meurtre, comment parler de dialogue ? La semaine dernière, à Alexandrie un musulman converti au christianisme me disait :

« Mon beau-père, qui est musulman, veut me tuer ou me dénoncer à la police, qui me torturera impitoyablement jusqu’à ce que je renonce à ma foi chrétienne. »

Dans un tel contexte, comment parler de dialogue ?

L’Église catholique est-elle prête à aborder franchement avec les musulmans certaines questions cruciales, comme celles de l’égalité citoyenne et de la liberté religieuse ? Son refus de la confrontation sous prétexte de paix ne résout rien. Une paix qui n’est pas fondée sur la vérité est viciée à la base. Le psaume 85 nous le rappelle : « amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ».

Les échanges consistant à se dire des gentillesses autour d’une tasse de thé sont totalement stériles ! Les chrétiens d’Orient ont de l’islam une perception diamétralement opposée à celle de ces ‟experts” occidentaux, portés à la complaisance, la naïveté et à l’angélisme – sinon à la mauvaise foi. Je vous rappelle que si ma famille a émigré de Damas pour s’installer à Alexandrie en 1860, c’était suite au massacre de 20.000 chrétiens.

Dans ce contexte de crise profonde, avez-vous un message à adresser aux Français ?

Qu’ils n’attendent pas que leur pays sombre dans le chaos pour se réveiller. Il serait alors trop tard

Je les invite d’abord à un sursaut, à un rejet de la manipulation dont ils sont l’objet. Qu’ils n’attendent pas que leur pays sombre dans le chaos pour se réveiller. Il serait alors trop tard. Sont-ils conscients que des siècles d’histoire et de civilisation sont menacés de disparition ? Sentent-ils que la France, qui fut à l’avant-garde de la pensée, de l’art et de la culture, risque bientôt de s’effondrer comme un château de cartes ?

Je voudrais quand même terminer sur une note d’espérance. En lisant l’Apocalypse, on constate que c’est à travers de terribles bouleversements et une apparente victoire du Mal, que le Bien finit par l’emporter. L’Histoire est un ‟suspense” continuel, où rien n’est joué d’avance. Cela nous invite à une grande vigilance et à un combat acharné contre les puissances du mal à l’œuvre dans le monde.

Tout commence par un NON jeté à la face de la fatalité. Il n’existe pas de fatalité. Il n’existe pas de destin. C’est nous qui forgeons notre avenir. C’est nous qui façonnons l’histoire. Un seul homme est capable de changer la face de la terre. Et cet homme, c’est vous, c’est moi. C’est Julian Assange, créateur de WikiLeaks, qui fait trembler les dirigeants de ce monde. C’est Gandhi, qui a mis à genoux l’empire britannique, c’est Mère Teresa et bien d’autres qui se sont mobilisés contre la pauvreté et l’injustice. C’est le combat de David contre Goliath… N’oublions pas que c’est David qui l’a emporté.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : ©

Henri Boulad, s. j. pour Dreuz.info.

Propos recueillis en mars 2017 par Philippe Pellet et Nóra Pozsgai ; texte relu et révisé par François Sweydan.

Ce texte sera publié dans le Wall Street Journal et traduit en espagnol pour sa publication en Amérique latine et au Mexique.

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