Publié par Gilles William Goldnadel le 29 mai 2017

Gilles-William Goldnadel dénonce dans sa chronique le deux poids, deux mesures de la justice dans le traitement de l’affaire Fillon et du cas de Richard Ferrand.

Le futur débat parlementaire sur la moralisation de la vie publique ne contribue pas spécialement à me donner le moral.

La transparence à tout prix peut avoir un coût exorbitant et l’on ne conduit pas les affaires de l’État sous l’emprise de la moraline.

Les temps sont schizophrènes. La société française voudrait être gouvernée par des saints laïques, alors qu’elle est avant tout gouvernée par la religion de l’argent et du plaisir à tout prix.

Les députés d’aujourd’hui sont ses enfants gâtés autant que détestés.

Des millions de Français transgressent la loi en toute bonne conscience

Des millions de Français transgressent la loi en toute bonne conscience. Ils fument du cannabis sur une telle échelle que le nouveau gouvernement va tirer les conséquences de l’impuissance d’État, ils piratent sans état d’âme les oeuvres artistiques. La gratte dans les grands magasins est monnaie courante et ne donne pas lieu systématiquement à poursuite. Certains citoyens, au nom de la citoyenneté universelle, revendiquent fièrement de voir les lois migratoires impunément violées. D’excellents films consistent à raconter avec empathie l’histoire de sympathiques escrocs ou de voleurs imaginatifs. Une bonne partie de la jeunesse regarde avec fascination des clips de gangsta’ rap. Une secrétaire d’État fraîchement nommée, Marlène Schiappa, donnait il y a peu des conseils pour frauder la sécurité sociale.

Et l’on voudrait en même temps le personnel politique contemporain exemplaire de rigueur dans l’observance de la légalité…

Ensuite et surtout, par instinct comme par empirisme, j’ai grande méfiance dans les discours ou les lois morales.

La même méfiance que m’inspirent les donneurs de leçons de morale que je n’ai pas commandées.

Il est connu que ceux qui parlent beaucoup d’amour ne sont pas forcément ceux qui le font le mieux.

Il en est de même de ceux qui n’ont que la morale à la bouche. Ceux-là sont les plus louches. Leur discours leur vaut souvent quittance.

Il existe d’ores et déjà un arsenal légal habile à réprimer les corrompus de tout acabit. Il suffit que le parquet compétent, quand il est avisé d’un fait éventuellement illégal, le veuille examiner.

À ce stade, mon lecteur sagace a déjà compris que je vais évoquer l’affaire Richard Ferrand.

Compte tenu de ce qui précède, en temps normal, l’avocat que je suis aurait plaidé vigoureusement la patience judiciaire qui s’accorde bien mal avec l’impatience médiatique.

Mais les temps ne sont pas normaux. Ils sont exceptionnellement malsains.

La campagne présidentielle aura été préemptée de manière littéralement scandaleuse par le Parquet National Financier

D’abord, parce que, ainsi que je l’ai écrit dans ces mêmes colonnes, la campagne présidentielle aura été préemptée de manière littéralement scandaleuse par l’attitude du Parquet National Financier qui, avec une rapidité inouïe et exceptionnelle, se sera saisi de l’affaire Fillon sur la seule base d’un article du Canard Enchaîné.

On connaît la suite et peu importe de savoir si l’insigne maladresse à se défendre du candidat aussitôt mis en examen lui aura été ou non définitivement fatale.

Une véritable escroquerie idéologique au débat de fond aura été commise qui aura focalisé sur un médiocre cas Pénélope en esquivant opportunément les questions sociétales qui reviennent aujourd’hui au galop, mais après le Grand prix.

Dès lors, il faudrait aux victimes escroquées une grandeur d’âme digne de la béatification pour accepter de passer noblement l’éponge ou d’être frappées d’amnésie alors qu’une nouvelle course de trotteurs s’engage.

En tant qu’avocat, j’écris en conscience que lorsque le parquet de Brest refuse de se saisir du cas Richard Ferrand, ensuite des révélations circonstanciées du Canard Enchaîné, il commet une grave injustice à l’égard non seulement de François Fillon, mais encore des électeurs Français.

Ainsi, le précédent calamiteux, a fortiori en période électorale, du Parquet National Financier entraîne des calamités judiciaires en série.

Peu importe, qu’il s’agisse d’argent public ou d’argent privé, le montage financier tout à fait extravagant incriminé dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne pose des questions légales, au regard des Codes pénal et de la mutualité, toutes aussi sérieuses que n’en posaient les contrats de Pénélope Fillon.

L’esprit le plus confiant a du mal à se persuader que M. Ferrand pouvait ignorer qu’au moment de la signature du bail, la SCI de sa compagne n’était pas encore enregistrée.

D’autre part, la proximité des protagonistes, le caractère ou non réellement moins disant du loyer, la prise en charge insolite par les mutuelles du montant important des travaux, l’obtention sans coup férir des crédits bancaires, posent de graves questions, notamment dans le cadre très exigeant de la jurisprudence en matière de prise illégale d’intérêts.

Enfin, mon confrère et ami Rémi-Pierre Drai, avocat des Républicains, a bien voulu m’écrire qu’il avait déposé le signalement à Brest à 14h30 et que le procureur de ce tribunal avait publié un communiqué à 17h dans lequel il refusait de se saisir de l’affaire concernant ce très proche du nouveau Président de la République.

Le Parquet National Financier aura été aussi prompt à se saisir du cas Fillon que le parquet brestois à refuser le cas Ferrand

Autrement dit, le Parquet National Financier aura été aussi prompt à se saisir du cas Fillon que le parquet brestois à refuser le cas Ferrand…

Ah ça, quelle injustice de critiquer la lenteur de notre justice !

Je reviens, pour terminer, sur ce discours moral qui tue la vraie morale.

Richard Ferrand, député, avait octroyé à son fils un contrat d’assistant parlementaire, a priori légal.

Richard Ferrand, bras gauche d’Emmanuel Macron, avec un talent oratoire maîtrisé et indiscutable, avait eu, durant la campagne, des mots très sévères sur cette pratique très courante mais dont on ignorait qu’il l’avait pratiquée.

Comme l’amour, il vaut mieux que la morale se pratique dans la discrétion et sans vantardise.

Question de sincérité comme d’efficacité.

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.

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