«Kahlouch (noir en dialecte algérien), moussekh (sale), nigro (nègre) va-t-en !».
Il ne faisait que passer. Derrière lui, une dizaine de petits garçons rient, persiflent et raillent. Le jeune homme s’arrête et les défie du regard. Les enfants lui font face sans oser s’approcher et continuent de chantonner leurs insultes: «nigro, nigro!»
L’écho de leur voix stridentes qui scandent l’insulte en chœur les amusent. Ils hurlent de plus belle.
L’un d’entre eux, un petit garçon au sourire malicieux jette une première pierre. Le jeune homme prend la fuite et se perd dans une ruelle de ce quartier de Bab-el-Oued. D’autres jets de pierre atterrissent sur la place qu’il vient de quitter.
C’était il y trois semaines à Alger, capitale d’un pays où on a du mal à accepter l’étranger et encore moins à l’aimer, surtout quand il n’est pas Européen. La scène est d’une banalité qui ne choque plus. Presque une routine pour les Chinois et les Subsahariens, de plus en plus nombreux en Algérie.
«Ils sont sales, ce sont des bandits qui nous ramènent des maladies et des problèmes», argue sans états d’âme un Algérois qui a quitté l’enfance depuis plus de quatre décennies.
Ici, la différence est un péché et les préjugés ont la peau dure, surtout contre les noirs africains. Et si les enfants, ces petites bouts d’innocence, sont capables de cette cruauté naturelle qu’on leur connaît, les adultes n’en manquent pas non plus.
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«Qu’est ce que tu fous avec ces noirs?»
Un local sur la rue des frères Meslem, à quelques mètres de la célèbre avenue Hassiba Ben Bouali, dans le centre-ville d’Alger. Un homme, la quarantaine sort en jasant. Ses mots sont incompréhensibles mais sa colère est voyante.
A l’intérieur, Rym, une jeune Algéroise à la peau brune et au regard perçant semble abasourdie. Autour d’elle, deux noirs africains se font rassurants.
«Ce n’est rien Rym, t’inquiète, c’est le genre de personnes qui en disent beaucoup mais ne font rien», lâche l’un d’entre-eux.
Que s’est-il donc passé dans ce local, siège de l’association «Rencontre et développement», qui se consacre à l’aide des immigrés clandestins subsahariens en détresse en Algérie depuis des années?
«Cet homme de passage l’a injuriée parce qu’elle fréquente, aide et travaille avec des noirs!», explique Stanislas sur un ton impassible.
Ce Tchadien d’origine, installé à Alger depuis cinq ans, est, semble-t-il, insensible au racisme.
«Il ne faut surtout pas généraliser. Les Algériens sont accueillants, mais il existe, bien sûr, des gens racistes, agressifs qui détestent les étrangers», explique encore Stanislas, qui du haut de ses 35 ans veut «rester sage et prudent sur cette question».
Les jets de pierre, les insultes et le mépris, Stanislas connaît.
Mais il refuse de «vivre dans la haine», dit-il. Il va même jusqu’à justifier cette violence. «Les gens sont convaincus que nous avons tous le sida, que nous sommes des trafiquants de drogue et des descendants des tirailleurs sénégalais des troupes coloniales», lâche-t-il dans un sourire.
Un préjugé qui a la peau peau dure et creusent des failles dont beaucoup profitent.
Les Algériens sont aussi racistes entre-eux
Les Subsahariens travaillent sans être payés ou en touchant des sommes modiques, se font agresser, insulter et exploiter sans pouvoir se plaindre.
Ils affrontent l’hostilité populaire, vivent dans la précarité, subissent plusieurs formes d’injustices mais toujours dans le silence. Statut de clandestin oblige. Pour tenir le coup, «il faut donc faire preuve de beaucoup de philosophie», précise Stanislas.
Il n’a peut être pas tort quand on sait que les Algériens sont aussi racistes entre-eux. Les Kabyles n’aiment pas le reste des Algériens qui le leur rendent très bien. Les Algérois se sentent supérieurs à tous. Et ceux qui ont la peau blanches rejettent les femmes et hommes au teint basané ou pire les Algériens noirs puisqu’il y en a aussi.
Tous s’accordent à rejeter ceux qui ne sont pas Algériens et encore plus noirs, asiatiques ou de confession non-musulmane. Le racisme auquel font face les Subsahariens en Algérie, un problème à équations multiples.
Plus de 20.000 migrants subsahariens en Algérie
Des experts estiment leur nombre à plus de 20.000 dans le pays, principalement concentrés dans les villes du Sud (Ghardaia, Tamanrasset).
Ils sont également nombreux à l’ouest du pays où ils tentent de rallier le Maroc. Plusieurs réseaux de passeurs leur assurent des traversées du Maroc vers l’Europe bien que les frontières terrestres algéro-marocaines soient fermées.
Depuis une dizaine d’année, l’Algérie, de part sa position géographique, est devenue un pays de transit sur les chemins qui mènent vers l’Europe.
Mais plus de 57% de migrants subsahariens renoncent à leur aventure migratoire une fois arrivés en Algérie.
D’abord parce que les traversées vers l’Europe coûtent cher et ne sont pas toujours concluantes mais aussi parce que nombre d’entre-eux trouvent en Algérie ce dont ils manquent dans leurs pays d’origine.
Un travail, même mal rémunéré, et un semblant de sécurité pour ceux qui ont fui des conflits. Ils sont nombreux à rejoindre la capitale pour avoir plus de chance de s’établir définitivement en Algérie.
Le racisme dans tout ça? Ceux qui en sont victimes n’ont d’autres choix que de l’ignorer et les autres le minimisent. Les enfants sont les seuls à n’avoir aucun problème à l’afficher.
C’est encore plus dur d’être chrétien!
«Il y a du racisme en Algérie, comme partout ailleurs mais il est vrai que les enfants sont particulièrement violents avec nous dans les rues», raconte Hadj Mohamed, cinquantenaire confortablement assis sur l’une de ces chaises qui se louent à l’heure dans la célèbre place square port Said d’Alger.
Ce Nigérien fait partie des nombreux Subsahariens qui viennent passer leurs journées ici pour faire du troc, des affaires et prendre le pouls de la capitale. Il y cherche d’éventuels acheteurs pour écouler son stock de tapis.
«Contrairement aux adultes qui se retiennent, même s’ils n’en pensent pas moins, les enfants se lâchent. Mais vous savez ça ne nous empêche pas de vivre!», précise-t-il après avoir longuement parlé de la qualité de ses tapis.
Ignorer le racisme serait la meilleure arme contre le racisme? «Le racisme est partout mais il y a bien d’autres choses. J’ai décidé personnellement de ne prendre que ce qu’il y a de mieux chez les Algériens.»
Qamis marron et chapelet entre les doigts —signes de son appartenance à l’Islam— ce Nigérien semble bien intégré dans la société. Son secret? Etre musulman. Ce qui est loin d’être le cas de la majorité des immigrés subsahariens installés dans le pays.
Mais s’ils ont un point en commun, c’est la pudeur. Ils ont, pour leur plupart, beaucoup de mal à parler de racisme. A le dénoncer, se l’expliquer ou à lutter contre.
C’est qu’ils sont otages d’une situation très inconfortable. De part l’irrégularité de leur situation, ils subissent plusieurs formes d’injustices tout en silence.
La clandestinité est lourde à porter mais pas question pour autant de retourner au pays. Se serait le pire des échecs à assumer auprès de leurs familles et proches. Alors ils restent et vivent dans l’ombre.
«Mais en Algérie, il y a pire que le racisme anti-noir», insiste, Stanislas. «Je suis chrétien et ici c’est plus dur que d’être noir».
Le racisme religieux en Algérie, une autre histoire, beaucoup plus violente…
Par Fella Bouredji
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Cet article a été publié initialement sur Slate Afrique le 28 août 2012 et mis à jour le 9 décembre 2016.
très bon article chère Fella ,
Malgré que le racisme existe réellement en Algérie ,je suis algérien et ce comportement me répugne ,n’empêche l’article l’accentue un peu trop quand même ,n’oublions pas que l’Algérie accueille le plus grand nombre de réfugiés subsahariens dans nord africain et ces personnes subissent les mêmes problèmes qu’en Europe .
pas de statut ,pas de papiers ,racisme ..etc ,mais à des degrés discutables
Les algé-rien son les plus raciste aux monde ils ne s’aime pas entre eux l algerie déteste les autres
A Béchar, et dans les oasis de la Saoura, les noirs étaient désignés dans les conversations des algériens “arabes” par hartan ou hartani, ce qui signifie esclave.
Il est vrai qu’avant l’arrivée des “criminels français chers à Macron” qui les avaient libérés, ils étaient pour la plupart des esclaves depuis des siècles. Le langage ne perd pas toujours les traces du passé.
Nota : qu’ils étaient beaux les oasis du Touat !
déjà les algériens ne piffrent âs les marocains et vice versa
Très triste cet article !!!
Hier encore, en Algérie, la femme noire était “donnée gratuitement” comme 4ème épouse ! Surtout dans les campagnes où une femme représentait (c’est souvent encore le cas) une bête de somme supplémentaire pour travailler aux champs ! En outre, les Arabes étant les plus grands esclavagistes de tous les temps, ont toujours méprisé les populations noires ! Ils ne sont guère plus tendres avec les asiatiques !
Le vivre ensemble c’est pas toujours folichon, on a beau dire , les faits sont têtus. Après, c’est chacun son truc pour faire avec.
Chacun chez soi et le racisme disparaitra comme par enchantement.
Tant que je me rappele, l`Algerie est en Afrique. De quand l`Afrique est Blanche Neige ???
Il faut arrêter ces contre vérités et il faut arrêter de présenter l’Algérie comme un pays “raciste” et nos frères africains comme des “moins que rien”. C’est une honte pour ceux qui écrivent ces articles pour des raisons politiques, pour ceux qui les commentent en les soutenant sachant leurs auteurs et leurs objectifs. C’est aussi une honte pour le pays d’accueil et les pays d’origine qui n’ont pas su organiser ensemble l’accueil de ces communautés africaines qui viennent en Algérie dans l’espoir d’y trouver un travail et une dignité. L’Algérie peut les accueillir pour peu qu’ils soient orientés vers les secteurs demandeurs de main d’œuvre, et dotés de documents de résidence. Les ambassades des pays d’origine doivent s’organiser dans cet objectif, encadrer leurs communautés respectives et négocier leur séjour. Le croissant rouge algérien devrait apporter son aide et son assistance à ces familles en détresse qui viennent frapper à notre porte dans l’espoir de trouver une générosité, mais avant cela, une organisation. Il est vrai que l’Algérie traverse une situation difficile au regard de l’insécurité qui règne à ses frontières. Mais elle est capable, comme elle l’a toujours fait en direction de nos frères africains, de partager un morceau de pain avec ceux qui viennent vers nous. A condition de respecter les lois et la sécurité des biens et des personnes.
L’Algérie n’est pas une poubelle pour accueillir tous les noirs. Les Algériens font partie des peuples les moins racistes.
Les noirs racistes envers d’autres noirs, ça s’appelle comment ? En Afrique du Sud, les étrangers africains se font massacrer par leurs frères de couleur.