Publié par Dreuz Info le 13 mai 2008

La violence et le suprématisme ne sont pas les seuls problèmes graves posés par l’Islam et embrouillés par de soi-disant spécialistes, comme le révèle bien la désolante démonstration publiée aujourd’hui par la Tribune des droits humains (c’est là d’ailleurs un petit jeu qui devient sérieusement répétitif):

L’Islam est victime d’interprétations patriarcales du Coran qui datent d’une époque révolue et ne correspondent pas au message spirituel égalitaire original.

Égalitaire le message spirituel de l’Islam? Peut-être. Qui sait? Mais il n’y pas que la spiritualité dans la vie…

Coran 4:34
Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs bien. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l’absence de leurs époux, avec la protection d’Allah. Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne cherchez plus de voie contre elles, car Allah est certes, Haut et Grand !

Coran 4:11
Voici ce qu’Allah vous enjoint au sujet de vos enfants: au fils, une part équivalente à celle de deux filles.

Coran 2:282
Faites-en témoigner par deux témoins d’entre vos hommes; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler.

 Poursuivons:

«Il est devenu banal de présenter l’Islam comme étant l’un des principaux freins à la modernité, aux droits de la femme. Résultat: nous, les femmes musulmanes, passons notre temps à nous justifier, à nous confondre en excuses devant la situation des femmes en terre d’Islam que ce soit au Nigeria, au Soudan, en Afghanistan…».

C’est bien aimable de reconnaître en passant qu’il y a de quoi se plaindre.

Asma Lamrabet, médecin à l’hôpital des enfants de Rabat (Maroc), coordinatrice d’un groupe de recherche et de réflexion sur la femme musulmane et auteure d’ouvrages sur la question, dénonce volontiers le discours ‘médiatico-politique simpliste’ de certains en Occident, prompts à qualifier l’Islam de « rétrograde » et pour qui «la femme musulmane est devenue l’icône culturelle de l’oppression au nom du religieux».

En fait de discours simplistes, nous allons être servis:

Or, si elle admet volontiers que la situation des femmes musulmanes est loin d’être idéale, ce ne sont pas les textes sacrés qui en sont responsables, juge-t-elle: «Nulle part dans le Coran, il n’est dit que les hommes sont supérieurs aux femmes».

C’est en effet une chose que le Coran ne dit pas, précisément, en ces termes. Et alors? Quoi de plus simpliste que de choisir une information négative pour fonder une théorie affirmative? La question est de savoir ce que dit le Coran, pas ce qu’il ne dit pas. Mais c’est un peu plus complexe, évidemment. 

Une affirmation que confirme Azizah al-Hibri, professeur de droit à l’université de Richmond, en Virginie (Etats-Unis) et présidente de l’association Karamah d’avocates musulmanes pour les droits de l’Homme: «Le Coran dit que les hommes et les femmes sont créés à partir de la même âme; ils sont de même nature spirituelle et humaine.

Pas de citation ni de référence coranique? Quel dommage! Je dois m’avouer incapable de trouver à quel verset cette professeure de droit peut penser. Mais je peux offrir la liste de tous les versets qui contiennent le mot «âme». C’est instructif aussi.

Le Prophète lui-même disait que les femmes étaient les moitiés scindées de l’homme. Vous voyez, on est loin de la vision d’une Eve créé à partir de la côte d’Adam!»

Une recherche dans le Coran sur le mot «Ève» ne donne hélas que deux occurrences, entre parenthèses, les deux fois en situation de péché ou de condamnation. Sinon, Ève n’est jamais mentionnée en son nom propre dans le Coran. Tandis qu’Adam y a droit à 29 mentions, dont quelques-unes où les anges se prosternent devant lui. Dans la Bible, pour reprendre la comparaison un peu perfide de la professeure, Ève est tout de même «la mère de tous les vivants».

Et quand un/e Musulman/e dit «le prophète a dit», il/elle veut en principe parler d’un hadith, d’une anecdote transmise par ouï-dire. Sinon, il/elle dirait «le Coran dit», ce qui a beaucoup plus d’autorité. Voici autre chose que «le prophète a dit» (tiré d’une collection de la meilleure qualité disponible, reconnue universellement dans l’Islam) à propos des femmes:


Une fois, alors que le messager d’Allah se rendait à la Musalla pour faire la prière, il passa près des femmes et leur lança: «Ô femmes, faites l’aumône, car j’ai vu que la majorité des habitants de l’enfer est composée de vous autres femmes

Elles lui demandèrent alors: «Et pourquoi en est-il ainsi, ô messager d’Allah?» Il répliqua: «Vous jurez souvent et vous vous montrez ingrates envers vos époux. Je n’ai vu personne d’aussi déficient en intelligence et en religion que vous. Un homme sensé et prudent pourrait fort bien être égaré par certaines d’entre vous

Les femmes demandèrent alors: «Ô messager d’Allah! Qu’est-ce qui est déficient dans notre intelligence et dans notre religion?» Il dit: «N’est-il pas ainsi que le témoignage de deux femmes équivaut au témoignage d’un homme?» Elles l’admirent. Il poursuivit: «C’est là la déficience de leur intelligence. Et n’est-il pas vrai qu’une femme ne peut ni prier ni jeûner pendant ses règles?» Les femmes acquiescèrent. Et il dit: «C’est là la déficience de leur religion.»


 Et ça repart:

Selon Azizah al-Hibri, le Coran reconnaît au contraire une série de droits aux femmes. Ainsi, affirme-t-elle, est-il «incorrect de dire qu’elles ne peuvent pas travailler. Le Prophète par exemple consultait régulièrement les femmes sur les affaires de l’Etat et il entendait qu’elles jouent un rôle majeur tant au sein de la famille que dans la communauté».

Encore une fois, aucune référence. Et je ne vois pas du tout de quoi Mme al-Hibri pourrait bien parler. Peut-être le même genre de contorsions que Mme Radjavi quand elle présente le prophète comme un chantre de la démocratie directe? Nous ne le saurons probablement jamais.

Quant aux mutilations génitales, crimes d’honneur et mariages forcés, ils n’ont tout simplement rien à voir avec l’Islam: «Aucun mariage n’est valable en Islam sans le consentement libre et éclairé des deux époux. Et les crimes d’honneur sont considérés comme tels, à savoir des crimes».

Quelle éblouissante démonstration! Un peu court sur les références (une ou deux auraient suffit), mais on ne va pas chipoter devant tant de conviction.

Asma Lamrabet et Azizah al-Hibri ne se sont jamais rencontrées (les entretiens ont été réalisés séparément); l’une est marocaine, l’autre est libano-américaine; l’une porte le foulard, l’autre pas; mais elles tiennent un discours étrangement similaire. Pour elles, le problème vient du fait que les premiers juristes ont interprété les textes sacrés en partant de la société patriarcale et traditionnelle dans laquelle ils vivaient. «Ces interprétations ont été reprises par des générations successives de juristes et ont fini par devenir des lois immuables», explique Asma Lamrabet. «Il faut donc distinguer les textes sacrés de la jurisprudence (fiqh); or c’est dans cette jurisprudence sclérosée qui n’a plus évoluée depuis des siècles que l’on retrouve les pires discriminations envers les femmes». (…)

Eh oui, encore pire que dans le Coran et les ahadith. Il faudrait vraiment un jour traduire tout ça, pour se faire une idée. Et voir si ces travaux ne seraient pas un peu mieux référencés, aussi. Car certains de ces horribles juristes machistes citent volontiers leurs sources, eux.

Témoins de la vivacité de la réflexion actuellement en cours en Islam, les deux expertes reflètent aussi un courant grandissant qui s’efforce de trouver une troisième voie entre un rigorisme conservateur et ce que Asma Lamrabet appelle la ‘vision nihiliste’ de certains modernistes qui veulent faire table rase de toute la tradition islamique. Et cette voie passe par une réinterprétation actualisée et contextualisée des textes sacrés.

Bien sûr. Comme Mme la professeure ne donne aucune précision, je propose de découvrir un aspect (l’autorisation de battre son épouse) de la principale tentative en date (que j’aie étudiée personnellement): une nouvelle traduction (anglaise) du Coran qui tente d’en réinterpréter essentiellement les aspects machistes. Ensuite, continuons:

Autrement dit, pour combattre ces croyances intériorisées sur la supériorité supposée de l’homme et libérer les femmes musulmanes de leurs béquilles, il faut, estime Azizah al-Hibri, «en revenir aux textes originaux et redécouvrir ce que l’Islam enseigne sur les questions de genre»; parce que, ajoute Asma Lamrabet, «la fidélité au texte coranique, c’est justement savoir le relire dans chaque contexte avec un nouveau souffle».

Il faudra un sacré souffle, en effet.

Soyons sérieux. Ces femmes font l’apologie de l’Islam tel qu’il est. Elles ne proposent strictement rien de concret, de substantiel, qui permettrait de transformer les usages d’une civilisation. Elles vendent du vent. Et elles le vendent à un public bien précis: l’Occident. Concrètement, leur action favorise le retour à des lois fondées sur le Coran. Comment peut-on être assez naïf pour leur faire confiance sur leur bonne mine et diffuser leurs affirmations sans aucun contrôle? Ce doit être l’effet de la galanterie occidentale…

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