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On s’est un peu moqué de nous, au début, lorsque nous parlions de troisième guerre mondiale à propos de la guerre dite « froide » malgré ses 100 millions de morts. On s’est également un peu moqué de nous, au début, lorsque nous parlions de quatrième guerre mondiale à propos de l’islam radical. Les analyses parues durant la seule journée d’hier mercredi 13 août 2008 – celles de Hélène Carrère d’Encausse, Hélène David, Martin Birnbaum et Laurent Murawiec – analyses tantôt mentionnées, tantôt citées ci-dessous, tendent à démontrer qu’il s’agit bien de guerres mondiales, et que de surcroît, la troisième renaît, tandis que la quatrième est loin d’être terminée. Il est probable que l’on parvienne à calmer le jeu – russe – en Géorgie. Il est même probable que pour le calmer un peu il nous faille céder beaucoup. A vrai dire, depuis des générations, c’est à peu près tout ce que nous savons faire, les Américains étant parfois un peu plus courageux que les Européens, raison pour laquelle d’ailleurs les Européens – totalement dépourvus de gratitude et de reconnaissance – se déclarent anti-américains. La rumeur a circulé entre mardi et mercredi que nous céderions la Géorgie à la Russie et qu’en contrepartie la Russie nous laisserait en finir avec le nucléaire offensif iranien. Aujourd’hui jeudi on a plutôt le sentiment que nous allons céder la Géorgie à la Russie et qu’en contrepartie la Russie ne cèdera sur rien du tout et surtout pas sur l’Iran. L’Iran qui renforce ses liens avec la Turquie tandis que nos dirigeants gesticulent quelque part entre Pékin, Tbilissi, Fort de Brégançon et la plage. Les Européens nous voulons le pétrole, le gaz et la paix. Sur le très court terme nous pourrions obtenir les trois. Mais au-delà nous risquons tout perdre, le baril, la bombonne, la tranquillité et même un peu notre âme.
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Or donc, sur lefigaro.fr, hier mercredi 13 août 2008 à 22:22, dans un article intitulé « Le retour de la Russie sur la scène internationale » écrit par Hélène Carrère d’Encausse, de l’Académie française, on peut notamment lire : « Si, moralement, la Russie a quelque peu perdu à déployer sa force, politiquement elle a gagné sur deux tableaux. À terme, elle a montré que son appui pouvait aider des peuples à disposer de leur destin, alors qu’il y a quelques mois, à peine, la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo contre sa volonté semblait démontrer le contraire. Elle a aussi affaibli la Géorgie, non seulement militairement mais sur le plan international, diminué ses chances d’entrer rapidement dans l’Otan, et par là, mis un frein à l’éviction russe programmée du Caucase du Sud. Ce qui n’était pas la moindre de ses préoccupations. Cette guerre confirme, en définitive, le retour de la Russie sur la scène internationale, une Russie sûre d’elle-même, affichant ses intérêts nationaux sans complexe et, c’est nouveau, l’acceptation par la communauté des nations de traiter avec cette Russie-là et non avec un État diminué. Saakachvili, dans son projet fou de défier la Russie, lui aura rendu probablement le plus grand des services qu’elle ait connus au cours de ces dernières années ».
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Dans un article intitulé « Géorgie – Russie : Sous les obus, le pétrole », Hélène David pour Guysen International News, écrit notamment, hier mercredi 13 août 2008 à 22:52 : «…la situation pourrait rester tendue tant les enjeux économiques et stratégiques sont importants. Qu’il s’agisse de la Géorgie, de la Russie ou de l’Europe, il est dans cette affaire davantage question d’intérêts et de pouvoir que de frontières et d’intégrité territoriale… La visite du Président français Nicolas Sarkozy en Russie puis en Géorgie a mené mardi 12 août à un plan de paix entre les deux pays. Ce plan, qui doit encore être signé par les deux parties et avalisé par les ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne, prévoit la cessation des affrontements selon six points : le non recours à la force, la cessation définitive des hostilités, l’accès à l’aide humanitaire, le retour des forces géorgiennes à leurs cantonnements antérieurs, le retrait russe et l’ouverture de discussions internationales sur le statut futur de l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. C’est ce dernier point qui porte à débat puisqu’il remet en cause l’intégrité territoriale de la Géorgie, les provinces d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, étant officiellement – et malgré leurs aspirations indépendantistes – des territoires géorgiens. (…) Il va sans dire que les questions énergétiques ont une place non négligeable dans la compréhension de la suite des événements et prises de positions diplomatiques. Le Caucase dans son ensemble est une région stratégique dans l’acheminement des ressources pétrolières et gazifières d’Asie Centrale vers l’Europe. Si la Russie, grâce à l’immensité de son territoire, contrôle une majeure partie des pipelines et des exportations, la Géorgie est elle aussi un pays de transit important. Du moins l’était-elle jusqu’à ce que ses ports soient la cible des bombardements russes ces derniers jours. En 2006, des pétroliers européens tels que BP ou Shell ont financé la construction d’un pipe-line passant par la Géorgie. L’idée : contourner le quasi monopole de la Russie et, en instaurant une indépendance très relative, limiter la progression de sa puissance. (…) L’Union Européenne quant à elle, par la voix du président du Conseil en exercice Nicolas Sarkozy, est intervenue dans la gestion du conflit avec une rapidité déconcertante. Le but : préserver dans la région, un interlocuteur autre que la puissante Russie et entretenir avec la Géorgie des relations économiques qui mettent l’Europe à l’abri d’une dépendance envers la Russie. (…) La Russie cherche-t-elle pour autant, comme le prétend la Géorgie, à prendre le contrôle de ces provinces indépendantistes ? Si tel est le cas, la communauté internationale ne pourra rester sans mot dire, dépendance énergétique ou pas… ».
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En outre, toujours à propos de la Géorgie et la Russie, je ne peux qu’encourager vivement les lectrices et lecteurs à lire également l’excellent article d’hier mercredi 13 août 2008 de Martin Birnbaum écrit pour LibertyVox sous le titre « Requiem pour la Géorgie » et l’article tout aussi excellent intitulé « Mourir pour Tbilissi ? » écrit par Laurent Murawiec à Washington pour Metula News Agency, article également daté d’hier mercredi 13 août.
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Mais les médias ne sont pas les seuls à aborder ce délicat sujet. Ainsi, aujourd’hui jeudi 14 août 2008 à 11:45, l’European Strategic Intelligence & Security Center informe que « selon le ministère géorgien de l’Intérieur, la Russie a commencé ce jeudi à rendre le contrôle de la ville de Gori et des villages avoisinants à la police géorgienne. Le général Vyacheslav Boriso, qui coordonne le transfert d’autorité dans la région, a toutefois déclaré que les troupes russes pourraient encore rester quelques jours à Gori, pour ‘enlever des armes abandonnées, et participer à la restauration de la loi et de l’ordre’. (…) la compagnie pétrolière britannique British Petroleum (BP) a toutefois annoncé avoir recommencé à pomper du gaz dans le gazoduc Caucase Sud (SCP), qui avait été provisoirement fermé pendant l’intervention militaire russe. Selon le groupe, les livraisons se sont toutefois poursuivies pendant cette période, grâce au gaz déjà présent dans l’infrastructure, qui relie le champ gazier de Shah Deniz, en Azerbaïdjan, à la Turquie et aux marchés occidentaux ».
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Puis on apprend sur tf1.lci.fr/infos à 11:54 que les présidents des républiques géorgiennes séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du sud ont été reçus au Kremlin par le président russe. Et à 12:05 que les forces russes détruisent la ville de Gori, près de la république séparatiste d’Ossétie du Sud, et le port de Poti, selon les autorités de Géorgie.
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A 12:45 l’AFP raconte que « Les forces russes étaient toujours postées jeudi à Gori, où des explosions ont retenti, et sont retournées au port géorgien de Poti, selon Tbilissi, remettant en cause le fragile cessez-le-feu en vigueur depuis deux jours. Une série d’explosions ont été entendues et de la fumée se dégageait à la mi-journée autour de Gori, principale ville géorgienne près de la république séparatiste d’Ossétie du Sud, a constaté un journaliste de l’AFP. Il semblait s’agir de tirs d’artillerie. Juste auparavant, un soldat russe avait demandé aux journalistes de quitter les lieux et tiré des coups de feu en l’air. Les forces armées russes sont de retour dans le port géorgien de Poti (ouest) et ont accru leur présence à Gori, en dépit de l’accord de cessez-le-feu, a affirmé à l’AFP un porte-parole du ministère géorgien des Affaires étrangères. (…) Au même moment, un photographe de l’AFP a vu 15 à 20 blindés géorgiens de transport de troupes, qui venaient de franchir un check-point de la police en direction de Gori, s’arrêter sur le bas-côté à 30 km de la ville ».
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A 12:58 on apprend sur Guysen.International.News que « pour le chef de la diplomatie russe, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie n’accepteront plus de faire partie de la Géorgie. ‘Le monde doit oublier l’intégrité territoriale de la Géorgie’, a ajouté Sergueï Lavrov ».
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A 13:33 Reuters informe que « des chars d’assaut russes sont entrés dans la ville portuaire géorgienne de Poti, escortant des camions de transport de troupes vers le port (…) Le capitaine du port de Poti a déclaré que les troupes russes avaient coulé six vedettes géorgiennes, sans doute à l’aide d’explosifs, après avoir averti les badauds de rester à l’écart ».
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A 16:49 on apprend sur Guysen.International.News que c’est le début des entretiens de Condoleezza Rice avec Nicolas Sarkozy. Que la secrétaire d’Etat américaine est arrivée jeudi après-midi au Fort de Brégançon (sud-est de la France). Que le chef de la diplomatie français Bernard Kouchner participe également à cette rencontre. Que près d’une semaine après le début du conflit entre Tbilissi et Moscou, ce déplacement marque la « volonté des Etats-Unis de reprendre la main ». Mais à 17:08 – soit 19 minutes plus tard – on apprend, toujours sur Guysen.International.News, que les « présidents » des républiques séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud ont tenu une conférence de presse commune au cours de laquelle ils ont affirmé leur détermination à obtenir l’indépendance. Est-il besoin de préciser : avec la bénédiction de la Russie qui apparemment se fiche de la volonté des Etats-Unis de reprendre la main – à Fort de Brégançon – avec Sarkozy et Kouchner ?
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Miguel Garroté
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Par Jean Tsadik © Metula News Agency
Dans le cas où les Russes auraient respecté l’engagement de retirer leurs troupes, que le président Medvedev avait énoncé face à Nicolas Sarkozy, on aurait pu assister à la fin du conflit de cinq jours qui a ravagé la Géorgie. L’Abkhazie et l’Ossétie du Sud seraient demeurées dans la zone d’influence de Moscou et Tbilissi ne les auraient, probablement, jamais récupérées.
Mais la 58ème armée ne s’est pas repliée. Au contraire, accompagnés de miliciens venus des provinces sécessionnistes, les soudards de Poutine ont dévasté et pillé d’autres villes et villages. A Gori, la ville martyre de ce conflit, les Russes ont fait un moment, ce jeudi matin, mine de transférer le contrôle des rues à la police de Mikhail Saakashvili, puis ils ont réinvesti la cité avec leurs chars.
Messieurs Sarkozy et Kouchner négociaient au Kremlin forts du mandat qu’ils avaient reçu de l’Union Européenne et avec l’aval de Washington. Vladimir Poutine a choisi de ne pas tenir compte de la parole donnée par sa baudruche de service, se moquant ainsi de la volonté du monde occidental.
L’enjeu de l’accord de cessez-le-feu, et de son application, consistait à savoir si on allait revenir à la situation entre Moscou et l’Ouest qui existait à la veille de l’invasion de la Géorgie ou si on allait se rediriger vers un nouveau round de Guerre froide, comme le prédit maintenant la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice.
Il semble que les néo-impérialistes russes prennent leurs décisions sur la base d’une vision déformée de la réalité, aveuglés qu’ils sont par les manifestations en trompe-l’oeil d’une grandeur retrouvée.
Les media russes se font d’ailleurs les échos de leurs dirigeants et les nouvelles qu’ils distillent en disent long sur l’état d’esprit euphorique qui prévaut dans le pays. On y trouve des gros titres tels que “Russie : une fois encore la protectrice de la paix et de la vie”, ou “M. Bush, ça suffit !”, et encore “Les USA doivent choisir entre leur projet virtuel en Géorgie et un véritable partenariat avec la Russie”.
Des déclarations qui ne laissent en rien augurer d’une volonté de respecter la parole donnée par Medvedev.
A Moscou, on est rapidement revenu à l’ambiance qui prévalait à l’époque que l’on croyait caduque où les divisions de l’URSS écrasaient sous leurs chenilles le Printemps de Prague. Attention tout de même, les temps ont effectivement changé et l’équilibre des forces avec eux.
Au milieu des dizaines d’informations – souvent contradictoires – qui nous parviennent de Géorgie, il est difficile aux non-spécialistes de faire la part des choses entre les événements photogéniques à caractère localisé et les informations possédant un caractère déterminant pour la situation de la région et de la planète.
Or une décision proclamée ces dernières heures par Washington est en passe de changer en profondeur les données de l’affrontement. Face aux tergiversations de l’armée russe, l’Administration Bush vient de prendre une décision qui va placer face-à-face ses GI’s et les soldats de Poutine.
Sans que la plupart des observateurs s’en soient aperçus, dans le mouchoir de poche qu’est la Géorgie, les fantassins, les aviateurs et les marins de Washington et de Moscou vont se trouver à quelques kilomètres les uns des autres.
Un mouchoir de poche
Voir l’échelle de 50km en haut à gauche
C’est ce qui s’ensuit de l’ordonnance de George W. Bush, qu’il a lui-même annoncée, “de déployer des moyens militaires et des troupes” en plein cœur de la “zone de conflit”.
Bush a précisé que ce contingent n’était chargé que “d’une mission humanitaire”, tout en soulignant que “nous allons utiliser des avions américains aussi bien que nos forces navales afin de distribuer du matériel”, et d’avertir la Russie “de ne pas gêner les efforts de secours de quelque manière que ce soit”.
Dès que ces propos lui furent connus, loin de “mettre un terme à ses activités militaires chez son voisin et de rapatrier toutes les troupes envoyées ces derniers jours sur le territoire géorgien”, comme l’exige dorénavant le président américain, Moscou a, au contraire, ordonné à sa 58ème armée de faire volte-face.
Autour de Gori, les Russes se sont installés sur des positions défensives, et ils ont réinvesti le port névralgique de Poti.
A moins d’un revirement politique spectaculaire dont nous n’avons pas connaissance au moment de publier ces lignes, les navires de la Navy doivent déjà être en train de se frayer un passage entre les bâtiments de la flotte russe de la Mer Noire et de débarquer sur l’étroit rivage géorgien hommes et matériel.
L’U.S Air Force, quant à elle, patrouille à l’heure qu’il est dans le ciel géorgien, qu’elle partage avec l’aviation de Poutine. Nul doute que la situation devient d’heure en heure plus explosive et que l’on se demande ce qu’il va advenir lorsque les boys auront mis le pied, en nombre, à Poti et dans les quelques autres ports de la petite république.
D’un strict point de vue stratégique, on se doit de remarquer l’erreur d’appréciation des stratèges du Pentagone, qui, c’en devient une mauvaise habitude, n’avaient pas prévu l’invasion russe.
Pentagone, qui va maintenant devoir prendre des risques tactiques considérables afin de retourner une situation défavorable que les Américains avaient eu tout le loisir et le temps d’éviter.
Une faute d’évaluation qui provoque d’ailleurs la risée des militaires russes, qui inscrivent “Pour l’OTAN” sur les obus qu’ils envoient à la tête des Géorgiens et qui demandent aux soldats de Tbilissi en retraite si leurs prouesses au combat sont le résultat de l’entraînement qui leur a été prodigué par les 150 conseillers militaires yankees.
De Métula on redit que si les forces géorgiennes avaient été organisées en une armée de milice d’un demi million d’hommes, dotés de 500 chars modernes Merkava ou Abrams, d’une cinquantaine de chasseurs-bombardiers F-16, de missiles antiaériens Patriot et de divisions d’artillerie crédibles, Poutine n’aurait certainement pas pris le pari d’agresser la Géorgie.
De Métula, on redit que, dès lors qu’en 2005 George W. Bush était venu à Tbilissi annoncer à la population en liesse “L’Amérique se tient aux côtés du peuple de Géorgie”, c’étaient les mesures qui s’imposaient. Qu’il existait une autre alternative : celle qui consistait à garder ses distances avec Saakashvili et ne pas claironner à la cantonade que Tbilissi était en voie de rejoindre l’OTAN.
Effectuer ce genre de déclarations en se contentant d’envoyer 150 conseillers, c’était mettre en péril les cinq millions de Géorgiens, et, surtout, se rendre coupable de la pire faute en matière d’analyse stratégique : sous-estimer les réactions de l’adversaire.
Désormais, la petite république et ses habitants risquent de se voir transformés en théâtre de combats entre les deux plus grandes puissances militaires du monde. Ce qui avait toujours été évité, même lors du blocus de Cuba ou de celui de Berlin.
Et si Poutine n’a pas totalement perdu la raison, il évitera strictement – ça va être difficile en pratique ! – l’affrontement avec les soldats étasuniens. Cela reste la moins apocalyptique des hypothèses, mais elle implique un gel de la partition de la Géorgie, qui pourrait, à brève échéance, se trouver changée en remake de l’Allemagne coupée en deux.
http://pasta.cantbedone.org/pages/JWO6P-.htm
L’agression russe enGéorgie : les leçons pour l’Europe
Françoise Thom
Profitant de la torpeur estivale et desJeux Olympiques,la Russie vient de lancer une offensive de grande ampleur contre la Géorgie. Fidèles à leur habitude, les Occidentauxappellent les deux parties à mettrefin aux violences, comme si Tbilisi etMoscou avaient une part égale dansl’affrontement auquel nous assistons aujourd’hui : on se croit revenu àl’été 1938, lorsque les Britanniquesreprochaient à la Tchécoslovaquie d’opprimer les Sudètes. Moscou a jeté le masque lorsque Lavrov a déclaréà Condoleeza Rice que « Saakachvilidoit partir ».
Cela n’empêche pas les chancelleries européennes de déplorer « l’opacité » des intentions russes. Ce refus de voir l’évidence reflète le succès de la guerre psychologique que le Kremlinmène depuis quelques années contre lerégime du président Saakachvili et contrel’Occident. Devant ce conflit noussommes probablement impuissants. Au moins devrions-nous rester lucides.
Rappelons quelques faits. Le 28février dernier, le président Poutine rencontre le président géorgienSaakachvili, et exige, comme conditionpréalable au règlement des conflitsséparatistes, quela Géorgie renonce àl’adhésion à l’OTAN.
Lors du sommet de Bucarest enavril les Occidentaux refusent d’accorderle MAP (Membership Action Program) àla Géorgie et à l’Ukraine. Ceprogramme représentait une préparation à l’adhésion à l’OTAN, et nonl’adhésion elle-même. La décision prise à Bucarest envoie au Kremlin le mauvais message : les Etats européens semblaient avoir cédé àla pression russe, et s’étaient opposésà leur allié américain sur cette question.
Tout cela est jugé trèsencourageant par les dirigeants russes qui se mettent à augmenter la pressionsur la Géorgie, d’autant plus que la questionde l’adhésion à l’OTAN, formellement promise à Tbilissi et à Kiev, restait en suspens.
Le 16 avril, la Russieannonce l’établissement de« relations directes » avec les gouvernements séparatistesde l’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, décision qui revenait à une annexion n’osant dire son nom. Cette initiative, qui ne suscita que de faiblesprotestations en Europe et aux Etats-Unis fut suivie par un crescendo despressions et de provocations russes sur la Géorgie et les Occidentaux. Toutcela s’accompagne d’une campagne de presse en Occident visant à dépeindre leprésident géorgien comme un va-t-en guerre déséquilibré désavoué par sonpeuple.
On ne saurait exclure que ce choix de la guerre s’explique par les intrigues liées aux luttes de pouvoir au Kremlin. Visiblement, l’ex-président Poutine supporte mal de se voir relégué à l’intendance. Comme en 1999, une petite guerre victorieuse au Caucase peut sembler un excellent moyen d’unifierles clans dirigeants et de bloquertoute dérive libérale du régime.
Pour les Européens, les enjeux du conflit dépassent infiniment lesort des régions séparatistes de Géorgie et celui de la Géorgie elle-même.
Ce pays constitue la seule voied’accès aux ressources en pétrole et en gaz dela Caspienne et de l’AsieCentrale que Moscou ne contrôle pas. La volontéacharnée du Kremlin de se débarrasser du régime pro-occidental du président Saakachvili ne fait que s’insérer dans la stratégied’encerclement énergétique de l’Europe par la Russie.
Cependant, l’examen ducomportement russe appelle d’autres réflexions : depuis l’arrivée au pouvoir du présidentMedvedev, la Russie ne cesse depréconiser la création d’un “nouveau système de sécurité européen”, qui lui permettrait de marginaliser l’OTAN et d’exclure tout autant des Etats-Unisd’Europe.
Dans un tel dispositif, appuyéesur son hégémonie énergétique, elle seraiten position dominante face à des Etatseuropéens dispersés et une UnionEuropéenne en liquéfaction. Une remarque du représentant russe Tchourkine à la réunion du Conseil de Sécurité de l’ONUdu 8 août est révélatrice. Celui-ci a observé quela Géorgie ne se serait pascomportée de la sorte si elle n’avaitpas eu des appuis à l’étranger. Autrementdit, sans le soutien occidental et surtout américain, elle aurait depuis longtemps capitulé. Cette logique nous permet de comprendre pourquoi le Kremlin tient tant à priver lesEuropéens de l’alliance avec les Etats-Unis et à isoler chaque Etat européen.
La Russie n’est pas une puissancede statu quo. C’est un Etat insatisfait de ses frontières, en conflit avec tous ceux de ses voisins qu’il perçoit comme plus faibles, un pays animé d’une infinie volonté derevanche, qui ne croit qu’au mensonge, à la ruse et à la force brutale. L’Europe voitse dresser près d’elle un Etat-voyou.
Qu’au moins le courage desGéorgiens nous force à regarder cette réalité en face.
Françoise Thom est maître de conférences en histoire à l’université de Paris IV Sorbonne
The Government of Georgia has today filed a complaint at theInternational Criminal Court in The Hague, against the RussianFederation for alleged acts of ethnic cleansing, conducted on Georgiansovereign territory between 1993 and 2008.
The casehas been filed on Georgia’s behalf by its legal adviser, Payam Akhavan,Professor of International Law at McGill University in Montreal,Canada. Mr Akhavan is a world renowned expert on the issue of warcrimes and international law in relation to atrocities. He was thefirst Legal Adviser to the Prosecutor’s Office at the InternationalCriminal Tribunals for the Former Yugoslavia and Rwanda, and played akey role in developing its foundational jurisprudence.
The Application is based on a UN HumanRights treaty and claims that beginning in the 1990s until the recentmilitary invasion of Georgia, Russia has supported the violent ethniccleansing of Georgians by separatist forces from the Abkhazia and SouthOssetia regions, through the supply of weapons, recruitment ofmercenaries, and direct military intervention by Russia’s own armedforces, resulting in large-scale atrocities against Georgian civilians.
Since the ceasefires of the 1990s,Russian peacekeepers have consistently denied the right of return of300,000 internally displaced persons, and recent Russian moves todismember Georgia’s territory by recognizing the separatistauthorities, and the recent full-scale Russian invasion of Georgia, areintended to make both the ethnic demography of the separatistterritories and their independence permanent.
Georgia requests the Court to declare that Russia has acted contrary to international law, that it mustrefrain from any further support for the separatist authorities including withdrawal of all its forces from Georgia, and that Russiamust pay compensation to Georgia for its unlawful acts.
Professor Akhavan said:
“This historiccase is an expression of Georgia’s confidence that its cause is justunder international law. Russian propaganda has consistently accusedGeorgia of aggression and genocide. It will now become apparent beforethe Court that without doubt, the people of Georgia have been thevictims of Russia’s support for separatism and ethnic cleansing. IfRussia has any respect for international law, it will bring itsdifferences to the Court rather than imposing its will by violenceagainst a much smaller neighbor.”
L’armée russe contrôle un tiers du pays, alors qu’une colonne de plus de cents blindés russes se dirige vers Kutaisi, la deuxième ville du pays.
On doit hélas se rendre àl’évidence. La Russie de Vladimir Vladimirovitch Poutine et de DmitriMedvedev constitue, à nouveau, un danger pour l’Europe.
Faisonsun parallèle historique avec les débuts la guerre froide. Nous nepouvons plus nous contenter des illusions de Yalta (1945) ; nousattendons encore la doctrine Truman (1947) mais nous nous situons déjàentre le long télégramme de Kennan et les deux discours de Churchill àFulton et Zurich (1946). Nous pouvons même anticiper l’éventuelprochain coup de Prague (1948) : il se prépare contre l’Ukraine. Lafermeté et la solidarité occidentales peuvent enrayer cette pente, lesconcessions ne l’empêcheront pas mais au contraire l’accéléreraient.
Commeau bon vieux temps du soviétisme, où Brejnev frappa la Tchécoslovaquieen 1968 pour intimider la Roumanie, ce qui a été entrepris contre la”révolution des roses” accomplie à Tbilissi de décembre 2003 vise trèsprécisément la “révolution orange” de l’année suivante à Kiev.
L’accordde cessez-le-feu négocié, ou plutôt avalisé à Moscou le 12 août par laprésidence de l’Union européenne, équivaut à une capitulation pour lapartie géorgienne. On nie sa souveraineté sur un territoire auquel lafaillite de l’Union soviétique avait rendu son indépendance comme àl’ensemble des républiques de l’Empire.
De plus je constate quele ministre russe des Affaires étrangères ose revendiquer que sesdirigeants passent en jugement. Je cite l’agence Novosti du 12 août à15 h 56 : Le ministre russe des Affaires étrangères
a-t-il [osé] affirmer lors d’une conférence de presse à Moscou.
Autrement dit les démarches se voulant apaisantes de l’Europe constituent autant d’encouragement pour l’Ours.
Loind’écarter le danger elles renforcent la tentation de multiplier lesinitiatives brutales de gens à peine sortis de la voyoucratiesoviétique, et d’un État mal libéré des mafias.
On peut sedemander pourquoi les dirigeants russes s’engouffrent de la sorte danscette voie, aussi dangereuse pour eux et pour leur pays.
Aprèsune longue relecture du dossier et des différents points de vue, etmalgré toute la sympathie qu’inspire légitimement un jeune présidentcomme Saakachvili et un petit pays comme la Géorgie, confronté à ungros empire, il ne s’agit pas ici de prendre position entre deuxnations, deux littératures, deux musiques, deux cultures.
Il s’agit de choisir entre la liberté des peuples et une oppression impérialiste.
Celle-cidéfigure toute l’admiration que mérite, pour une part, l’Histoire de laRussie. Elle restitue l’horreur qu’au contraire inspire cette autretradition annoncée par les opritchniki d’Ivan le Terrible au XVIesiècle et l’assassinat du métropolite saint Philippe de Moscou (1569),monstrueusement continuée par les crimes du bolchevisme contre l’âmerusse au XXe siècle.
Quand on aime vraiment la France, on exècrela Saint-Barthélemy, la révocation de l’État de Nantes, la Terreur etl’héritage jacobins.
Certes, aussi, certains types d’arguments peuvent toujours se renvoyer comme des balles de ping-pong.
Danscette affaire, de bons esprits faux affectent de chercher à savoirjusqu’où le gouvernement de Tbilissi a été ou non manipulé pourrecouvrer le 8 août sa souveraineté sur un territoire séparatiste de 4000 km2 et 70 000 habitants, tout cela dégageant de fortes odeurs depétrole, à en croire la presse.
On se demandera en revanchejusqu’à quel point la Russie et son Premier ministre ont prisconscience de la contradiction entre leur attitude dans cette affaireet tout ce qu’ils ont développé autour de celle du Kosovo : commentprétendre s’opposer à toute révision de frontières dans les Balkans etla pratiquer ouvertement dans le Caucase.
Rappelons à ce sujetque le démembrement de la Yougoslavie, — dont j’ai toujours pour mapart dénoncé les dangers, les mensonges et [tous] les crimes – ne peutpas se comparer avec l’éclatement de l’Union soviétique.
CertesTito a laissé, à son échelle, un héritage aussi purulent que celui deStaline et Khrouchtchev. Mais le système artificiel produit des traitésde Versailles, Saint-Germain en Laye et Trianon instituant le royaumedes Serbes, Slovènes et Croates, mis à la sauce communiste, a sombrépar les révoltes de ses périphéries. Jusqu’au dernier souffle Belgradea cherché à le maintenir et il a fallu les bombardements de 1999,demandés à Clinton de son propre aveu par Chirac, pour faire céder lamalheureuse vieille capitale gouvernée par un autiste.
Aucontraire, l’URSS est morte à Moscou, tout à fait pacifiquement, sansintervention extérieure. La Fédération de Russie elle-même en dressa leconstat. En 1991 la métropole a reconnu sa propre incapacité à dirigerun ensemble aussi étendu et plurinational. Elle hérite tout de même duterritoire le plus vaste du monde, 17 millions de km2 de l’enclave deKoenigsberg (“Kaliningrad”) à Vladivostock, englobant 88 républiques,aussi légitimement séparatistes en puissance que l’Ossétie.
Sil’on considère que l’action souveraine de la Géorgie du 8 août méritesanction, de la part de l’ancien grand frère, que penser de ce queMoscou accomplit depuis les années 1990, sans réussite tellementconvaincante, en Tchétchénie ? Vladimir Vladimirovitch désigne leprésident américain, sous l’aimable sobriquet de “camarade Loup”. Et,depuis 2003 il critique toutes ses initiatives en Mésopotamie. Tout sonargumentaire s’effondre comme un château de cartes, etc. etc.
Indécrottablenationaliste partisan, dans l’absolu, d’une Europe confédérale etindépendante, qui puisse même un jour servir de trait d’union entrel’Amérique et la Russie, on doit avoir le courage de prendreaujourd’hui la mesure de la situation exacte de l’heure.
Puisquenous devons à nouveau en Europe occidentale considérer la puissancemilitaire et l’arsenal russes comme des dangers dirigés éventuellementcontre nous, et tant qu’une véritable Communauté européenne de défensen’aura pas été instituée, l’OTAN demeure le seul cadre sérieux de notresécurité stratégique. Car depuis 1966, et le retrait de l’organisationmilitaire intégrée, jamais les gaullistes n’ont su construired’alternative crédible à cette défense atlantique, ayant eux-mêmessaboté le projet de défense européenne dès 1954.
On doit donc balayer toutes les arguties et toutes les menteries des neutralistes à sens unique.
Quelle aubaine, dira-t-on, pour la diplomatie américaine.
Jevoudrais m’en assurer : je pense au contraire que nos alliés américainsdésirent plus encore que nous se voir allégés du fardeau de la défensede l’Europe qu’ils assument, à leurs frais, ceux du contribuable desEtats-Unis, du fait de notre carence et de nos divisions.
Oh je reconnais ma capacité d’erreur. Je la considère même comme certaine puisque les médias nous mentent.
Maisil se trouve que nous recevons l’image d’un pays immense, regonfléfinancièrement par le cours du pétrole et des matières premières,capable d’aligner des centaines de blindés, ayant entrepris brutalementde modifier, à son profit, les frontières juridiques d’un Étatsouverain sensiblement plus petit.
Si cette représentation ne setrouve pas rapidement corrigée par des actes généreux, par exemple enfusionnant en un seul État neutralisé et indépendant les deux”Osséties”, celle du nord n’ayant pas plus de raisons de demeurer”russe” que celle du sud de redevenir géorgienne, nous serons amenés àne plus prendre au sérieux aucune des protestations de pacifisme dugouvernement du grand frère.
Nous devons même et surtout regretter les lâchetés et les reculades de l’Europe.
Le4 avril à Bucarest, sous la pression de la diplomatie allemande, etavec l’assentiment des représentants français, on a différé l’admissiondans l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie pour ne pas déplaire àMoscou.
Plus grave encore le 13 août à Bruxelles on a encoreassisté à un début de découplage diplomatique. Dès le 13 juillet dansla Stampa le très influent ministre italien Frattini incitait l’Europeà ne pas froisser, “humilier” la partie russe. Le 11 août il réitéraiten demandant que la Russie ne se trouve pas “isolée”. De tels sophismess’opposent aux appels à la fermeté des représentants de la Suède, de laPologne et des Pays Baltes.
Oui nous savons qu’il existe undébat. Divers courants s’opposent au sein de l’Union européenne. Celas’appelle la démocratie. Le ministre allemand social-démocrateFrank-Walter Steinmeier apparaît même en désaccord avec la chancelièreAngela Merkel. On ne peut pas, à cet égard, sous-estimer les liensd’affaires de l’ancien chancelier Schröder avec Gazprom.
Aucontraire le 12 août, le secrétaire général de l’OTAN, le NéerlandaisJoop de Haap Scheffer a su condamner à “l’usage excessif etdisproportionné de la force par la Russie”.
Or je lis sur le site de l’Express (13 juillet) au sujet de cette intervention extrêmement claire la phrase suivante :
Pourquoi ce “mais” ?
Pourquoi cette fin de phrase ? “Considérée” ? Par qui ?
L’Express est notoirement écrit et réécrit par des gens qui savent ce qu’ilsimpriment : ceci veut dire qu’au sein de la rédaction de ce journal ladésinformation fonctionne.
Que penser aussi de l’articleéditorial d’Yves Thréard daté du 13 août publié dans le Figaro sous letitre “Incontournable Russie”. Tout d’abord une demi-vérité :
Certes une réaction militaire neparaît pas à l’ordre du jour. Mais il existe des degrés, un demi-sièclede guerre froide l’a prouvé, et d’autres types de confrontation, derésistances, de contre-feux, que l’expédition coloniale, seul typed’opérations que semblent connaître les fils des cuisiniers de Staline,sans d’ailleurs toujours y exceller.
Voila donc comment onintoxique la France : tout le reste de cet éditorial du Figaro développe tous les arguments coutumiers au parti de la capitulationdevant l’Empire et ses maîtres.
Or il existe plusieurs différences notables entre l’ancienne puissance soviétique et celui des maîtres actuels du Kremlin.
Nousne nous trouvons plus en présence d’un pouvoir communiste. Il nedispose ni de l’appareil international de son prédécesseur, ni desmoyens intérieurs permettant de mettre un budget colossal au service desa puissance militaire.
Sa population a presque été divisée pardeux : 142 millions d’habitants en 2007, deux fois moins que lesÉtats-Unis, moins que le couple franco-allemand à lui seul, trois foismoins que l’Union européenne.
Les soviétologues d’hierdénonçaient la russification apparente des républiques d’Asie centrale.Aujourd’hui un journal aussi favorable au gouvernement de Moscou que leGiornale de Milan (30 juillet) pouvait lancer un “cri d’alarme” contrel’islamisation de la Russie qui compte déjà 20 millions de musulmans etque les “spécialistes” prévoient, nous annonce-t-on, majoritairementmahométane en 2050. Sans croire nécessairement en de tels scénarios onne peut qu’enregistrer les statistiques inquiétantes de la démographierusse, à côté desquelles l’Europe occidentale semble en pleine vigueurnataliste.
Le pétrole, le gaz naturel, l’or et les matièrespremières constituaient déjà la véritable force de l’économiesoviétique. Mais celle-ci donna longtemps l’illusion del’électrification, de l’industrialisation, des performances de larecherche scientifique. Aujourd’hui : retour sur terre, la Fédérationfonctionne comme une immense république bananière. Elle se sent dopéepar des cours très élevés que probablement elle a contribué àmanipuler, depuis plusieurs années, avec l’appui de ses amisvénézuéliens et iraniens. Mais, outre que les niveaux de prix nepeuvent monter jusqu’au ciel, ils supposent des acheteurs qui setrouvent précisément les pays auxquels elle tend à se confronter.
Sontrouble et dangereux partenariat avec la Chine se joue désormais dansun rapport renversé. Les dirigeants de Pékin n’éprouvent plus aucuneadmiration pour la patrie de Lénine, ils ressentent à son égard plusqu’une pointe de mépris et ils connaissent parfaitement le rapport desforces notamment démographiques en Extrême-Orient. Les limites del’idéologie eurasiatique se mesurent très vite : vue de l’empire duMilieu, un Russe fait simplement figure de Diable blanc au long nez unpeu plus pauvre que les autres, éventuellement plus méchant.
Tout cela doit nous inciter à défendre une attitude plus ferme et aussi plus solidaire des pays européens.
L’éparpillementde nos nations constitue un terrible point faible. Le partenairemoscovite développe une tactique de relations systématiquementbilatérales notamment dans le domaine énergétique où il croit pouvoirexercer une forme de chantage naïf à l’approvisionnement. Il détientcertes 27 % des ressources mondiales de gaz naturel, mais 73 % setrouvent ailleurs.
Dans un tel contexte, outre lesinconditionnels de l’OTAN, d’autres pourront dire merci aux brutalitésde nos excellents amis russes : elles nous auront démontré la nécessitéd’adopter le plus rapidement possible un certain nombre d’accords ausein de l’union européenne et notamment ce Haut-Commissariat à lapolitique étrangère, disposition certainement irritante pour le Quaid’Orsay et le Foreign office mais que personne ne critiquait ni dans leprojet de constitution capoté en 2005 ni dans le traité de Lisbonne.
Dans l’épreuve on découvre et on apprécie toujours ses amis.
Rappelons à ce sujetque le démembrement de la Yougoslavie, — dont j’ai toujours pour mapart dénoncé les dangers, les mensonges [2] et [tous] les crimes – ne peutpas se comparer avec l’éclatement de l’Union soviétique.
CertesTito a laissé, à son échelle, un héritage aussi purulent que celui deStaline et Khrouchtchev.
Mais le système artificiel produit des traitésde Versailles, Saint-Germain en Laye et Trianon instituant le royaumedes Serbes, Slovènes et Croates, mis à la sauce communiste, a sombrépar les révoltes de ses périphéries [3]. Jusqu’au dernier souffle Belgradea cherché à le maintenir [4] et il a fallu les bombardements de 1999, demandés à Clinton de son propre aveu par Chirac, pour faire céder lamalheureuse vieille capitale gouvernée par un autiste[5].
[1] “Auxtermes de laConstitution de 1974 (article 2), la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie était formée desix républiques, dont la Serbie, et de deux provinces autonomes le Kosovo et la Voïvodine. Elle avait donc huit composantes.
Quatre d’entre elles : Slovénie, Croatie, Bosnie et Macédoine, ont au cours des années 1991-1993, proclamé leur indépendance, approuvée par un référendum populaire, puissollicité leur reconnaissance internationale. Après examen de leur candidature par lacommission Badinter, elles ont obtenu leur reconnaissance et unsiège à l’ONU. Sur le territoire desquatre autres : les républiques de Serbie et du Monténégro, lesprovinces de Voïvodine et duKosovo, aucun processus de ce genre n’a été mené à son terme. Dès 1989-1990, la Serbie a usurpé illégalement les pouvoirsconstitutionnels jusque-là exercés par la Voïvodine et le Kosovo[dispositions constitutionnelles auxquelles ses propres Droits sur cesterritoires étaient eux-mêmes subordonnés : de sorte que cette annexionforcée, étant illégale, lui a sans doute assuré un contrôle defacto mais a en même temps annulé ses Droits sur les territoires enquestion].
Puis, en 1992, elle s’estunie au Monténégro dans une fédération appelée “RFY”, approuvée par des votes largement favorables en Serbie, au Monténégro et en Voïvodine, mais presque totalement boycottée au Kosovo. N’étant pas reconnue commecontinuatrice de l’ancienne RFSY, mais ne demandant pas non plus sa reconnaissance comme étatnouveau, la RFY [n’a obtenu qu’en 2001 un] siège à l’ONU, et [à l’issue des “accordsde Belgrade de mars 2002, elle a étéremplacée par une “Union de la Serbie et du Monténégro” dont la”charte constitutionnelle”affirme dans son préambule que le Kosovo fait partie de la Serbie. Cetattelage a cependant disparu en juin2006, avec l’indépendance duMonténégro].
“Au Kosovo, cependant, l’indépendance d’une “république du Kosovo” a été proclamée et largementapprouvée par référendum dès 1991et, depuis, les institutions de cette république ont fonctionné régulièrement, quoique clandestinement.
“Sur quoi, donc, [se sont appuyées] les grandespuissances pour refuser au Kosovo la reconnaissance, alors que les procédures préliminaires : voteparlementaire, référendum, ont été les mêmes pour les quatrerépubliques ? On ne peut seréférer, semble-t-il, qu’à un seul et unique passage de la Constitution de 1974 déjà citée (article 2), parlant des provinces de Kosovo et de Voïvodine “qui fontpartie de la République de Serbie”. Cette mentionisolée, jetée au détour d’une proposition relative, sansqu’aucune conséquence en soit tirée, esten contradiction flagrante avec le restedu texte, qui à d’innombrables reprises mentionne conjointement”républiques et provinces” comme des entités distinctes pourvues de compétences égales.
“Ilen résultait quela Serbie n’avait aucun pouvoir sur les deux provinces, comme lenotait très justement (pour le déplorer) le juriste serbe KostaCavoški :
‘lesprovinces autonomes, chacune prise séparément, et laSerbie, réduite à une superficie restreinte, sont égales entreelles et pratiquement indépendantes les unes des autres, de la mêmefaçon que laMacédoine est indépendante du Monténégro et vice-versa.’
“Il n’y a donc sur cepoint aucune différence entre les quatre républiques dont l’indépendance a été reconnue et le Kosovo, à qui [onl’a alors] refusée.
“La même Constitution, dès les tout premiers mots de sonpréambule, affirme le ‘droit desécession’ des ‘peuples deYougoslavie’. Certes, dans le jargon titiste, le terme de ‘peuple’ désigne les six ethnies sud-slaves ‘constitutives’ de la Yougoslavie et celui de ‘nationalité’ toutesles autres, non sud-slaves, dont les Albanais. Mais l’article 245 du même texte indique que ‘les peuples et lesnationalités sont égaux en droits’. Donc, si les peuples ont ledroit de sécession, les nationalités le possèdent également.
“Le préambule ditaussi :
‘Les peuples et les nationalités exercent leurs droits souverains dans les républiques socialistes et dans les provinces autonomes socialistes’.
“On en conclura queles peuples et les nationalités ne peuvent exercer leur droit desécession que dans le cadre d’unerépublique ou d’une province. Ce fut le cas pour quatre des ‘peuples’ dans les quatre républiques aujourd’hui reconnues. C’est aussi celui d’une des “nationalités” : lesAlbanais au Kosovo.
“En revanche, uneethnie minoritaire dans sa république ou sa province ne peut faire valoir ce droit, qu’il s’agisse d’un “peuple” comme les Croates de Bosnie ou les Serbes de Bosnie et de Croatie, ou d’une “nationalité” comme les Albanais de Macédoine ou les Hongrois de Voïvodine.
“C’estdonc à justetitre que la communautéinternationale n’a jamais accepté de reconnaître comme états ni la”Krajina”, ni la “Herceg-Bosna”, ni la “Republika Srpska”, simpleentité au sein de la Bosnie. C’est à juste titre aussi qu’elle refuse les tendances à la sécession qui peuvent se manifester chez les Albanais de Macédoine. Contre toutes ces prétentions, le principe du maintien des frontières existantes joue à plein. Le cas du Kosovo est différent : il estidentique à celui des quatre républiques précédemment reconnues.
“Iln’est donc pasvrai que l’indépendance du Kosovo créerait un précédentdangereux pour les régions situées plus au sud, notamment pour laMacédoine, et compromettrait l’équilibre des Balkans. L’intégrité dela Macédoine devrait continuer à être activement défendue contre lesprétentions de tous ses voisins, et ce au nom desmêmes principes. id=dc2m8p62_258gfsbt9ch
Paul Garde, A quel titre leKosovo appartenait-il à la Yougoslavie ?, http://docs.google.com/Doc?
[2] “En 1986, circule dans les milieux politiques serbes un Mémorandum rédigépar 16 membres de l’Académie des Sciences de Serbie, tous Serbes, et,en théorie, parmi les esprits les plus brillants de leur pays. Ce Mémorandum condamnel[a définition] des républiques et provinces autonomes réalisé par Tito [en 1945 à la suite des travaux de la Commission Dilas],dénonce la persécution dont seraient victimes les Serbes du Kosovo [] etajoute que
“saufà l’époque de l’État indépendant de Croatie [c’est-à-dire l’Étatoustachi mis en place en Croatie et en Bosnie-Herzégovine par les nazisentre 1941 et 1945] jamais les Serbes de Croatie n’ont été aussimenacés qu’aujourd’hui”
[Paul Garde, Vie et mort de la Yougoslavie, p. 284.].
“A partir de 198[7], M. Slobodan Miloševic, [chef] dela ligue communiste de Serbie, va orchestrer cette propagande. Ilaccuse Tito et ses fidèles d’avoir agencé [un] démantèlement de la Serbie et se proclame chef des patriotes serbes. Les slogans racistes des Tchetniks sont repris [Hérodote,n°67, pp. 31-32.]. En [septembre ] 1987, Slobodan Miloševic devient lenouveau président de la ligue communiste de la république de Serbie.C’est la “révolution culturelle serbe” [Vie et mort de la Yougoslavie, pp. 251 à 296.].
M. Miloševic organise de grands rassemblements qui sont l’occasion demanifestations albanophobes et celle de réaffirmer que toutes lesminorités serbes des républiques de la fédération yougoslave [seraient]menacées [dans Vie et mort de la Yougoslavie, p. 234, Paul Garde affirme qu’en 8 ans il y a eu 4 assassinats commis par des Albanais contre des Serbes.].
[C’est] entre octobre 1988 et [mars] 1989 [queles dirigeants politiques de la Serbie détruisent juridiquement laYougoslavie] :
sous la pression de manifestations de masse, les dirigeants des liguescommunistes [de la Voïvodine et du Monténégro] sont destitués etremplacés par des équipes fidèles à M. Miloševic. [En mars 1989, cesont l’armée et la police qui destituent la direction politique duKosovo et qui font modifier de force la constitution du Kosovo. Le 27mars 1989, la constitution de la Serbie est à son tour altérée : cescoups de force successifs privent de facto la Voïvodine et du Kosovode leur statut constitutionnel de quasi-républiques et de ce fait détruisent la Constitution fédérale yougoslave de 1974 c’est-à-dire la Yougoslavie puisque celle-ci, en tant qu’Etat fédéral, n’existait juridiquementque par cette Constitution. Miloševic n’en conserve pas moins pourson propre compte leur représentation, égale et directe, à laPrésidence collective de la Yougoslavie. Du fait de ces coups d’Etat et coups de force anti-constitutionnels], au sein duprésidium collectif de la Yougoslavie, s’opposent [désormais un] camp nationalisteserbe (Serbie, Voïvodine, Kosovo et Monténégro) et [un camp] non-nationalisteserbe (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Macédoine).
“… En janvier 1990, lors du dernier congrès de la ligue communiste yougoslave, M. Miloševic [doit constater l’échec de sa tentative de prendre le pouvoir dansl’ensemble de la Yougoslavie par le biais de ses instances centrales ; ildécide immédiatement de détruire la Yougoslavie pour la remplacer parune Grande Serbie imposée par la force des armes, qu’il appellera faussement “Yougoslavie” pour rejeter sur les autres nations sa propre responsabilité d’avoir détruit la Fédération].
“A partir de 19[89], la télévision et la presse serbes assimilentcontinuellement les Croates aux Oustachis, traitant de fasciste[s lescaciques titistes à la tête de la république de Croatie, puis] M.Franjo Tudman, [sonnouveau] président [à partir de mai 1990]. Elles l’accusent de vouloirpréparer un nouveau génocide. [Or, ] M. Tudman est [au contraire] unancien résistant. Il a combattu, entre 1941 et 1945, avec son frère etson père, dans le rang des partisans contre les Allemands et lesOustachis [Vie et mort de la Yougoslavie, p. 67.]. Le 15 mai 1991 a lieu la rotation annuellede la présidence tournante de la fédération. Le camp nationaliste serbe(Serbie, Monténégro, “Kosovo”, Voïvodine) bloque l’élection normalementprévue à l’ordre du jour du Croate et bras droit de M. Tudman, M. StipeMesic [Vie et mort de la Yougoslavie, p. 307.]. La fédération n’a plus de président.
Bertrand Liaudet : L’État français et la purification ethnique : entre capitulation et collaboration. Observatoire des crises et conflits, 2° édition, mars 1995, pp. 5-6.
GeorgianDaily signale:
Aujourd’hui, le gouvernement de Géorgie a déposé une plainte auprès de la Cour Pénale Internationale à La Haye contre la Fédération de Russie pour actes supposés de nettoyage ethnique menés sur le territoire de la République de Géorgiede 1993 à 2008.
Le dossier a étédéposé pour le compte de la Géorgie par sonconseiller juridique Payam Akhavan, Professeur de Droit international àl’Université McGill de Montréal, au Canada.
Le PrAkhavan est un expert mondialement connude la question des crimes de guerre etdu Droit international relatif aux atrocités.
Il a été le premier conseiller juridique du bureau du Procureur des TribunauxPénaux Internationaux pourl’ex-Yougoslavie et le Rwanda, et il ajoué un rôle-clé dans le développementde sa jurisprudence fondatrice.
La plainte se fonde sur un traité international desNations Unies sur les Droits de l’homme, et affirme que depuis les années1990 jusqu’à l’invasion récente de laGéorgie, la Russie a soutenu le nettoyage ethnique de Géorgienspar les forces séparatistes des régionsd’Abkhazie et d’Ossétie du sud, enfournissant des armes, en recrutant des mercenaires, et par l’interventiondirecte des propres forces armées de la Russie, avec pour effet des atrocités sur une grande échelle contre les civils géorgiens.
Depuis lescessez-le-feu des années 1990, lesforces russes “de maintien de la paix” n’ont cessé de nier aux 300 000 personnes déplacées le Droit derentrer chez elles, etles initiatives récentes de la Russie pour démembrer le territoire dela Géorgie en reconnaissant les autoritésséparatistes, et la récenteinvasion russe de la Géorgie visent àperpétuer la démographie ethnique etl’indépendance des territoires séparatistes.
La Géorgiedemande à la Cour de déclarer que la Russie a agi contre le Droit international, qu’elle doit s’abstenir de tout soutien aux autoritésséparatistes, y compris en retirant l’ensemble de ses forces deGéorgie, et que la Russie doit payer desréparations à la Géorgie pour ses actes contraires au Droit.
Quant au ProfesseurAkhavan, il a déclaré :
“Ce procès historique est l’expression de la conviction de laGéorgie que sa cause est juste auregard du Droit international. La propagande russe n’a cessé d’accuser laGéorgie d’agression et de génocide. Ilsera désormais prouvé devant la Cour que, sans doute aucun, c’est le peuple de Géorgie qui estvictime du soutien de la Russie au séparatisme et au nettoyage ethnique.
Si la Russie a le moindre respect pour le Droitinternational, elle portera ses différences d’opinion devant la Cour plutôt que d’imposer sa volonté par la violence contre un bien plus petitvoisin.”
By Harry de Quetteville and Andrew Pierce, The Daily Telegraph, 15 Aug 2008
Russia threatened a nuclear strike against Poland after a landmark deal to site American global anti-missile shields in the country.
http://pasta.cantbedone.org/pages/bBZPgt.htm
http://online.wsj.com/article/SB121876011005742789.html?mod=opinion_main_commentaries
OPINION
L’imposture de la ‘protection’ par le Kremlin
par DAVID B.RIVKIN JR. et LEE A. CASEY, Wall Street Journal, 15 août 2008; Page A15
L’invasion de la Géorgie sera un moment décisif pour la crédibilité de l’Amérique et pour la stabilité dumonde. Si le régime Medvedev—ou plutôtPutin—réussit, en employant laforce, à renverser un gouvernement démocratique et pro-occidental, au prétexte transparent de”protéger” la population deGéorgie contre son propre état, la scène aura été dressée pour des agressions semblables contre les autres États –de la Baltique à l’Ukraine, qui sont voisins de la Russie mais qui regardent du côte del’Occident et de la liberté.
Aux dangers de l’après-11 septembre s’ajouteront les défis d’une nouvelle guerrefroide.
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