Miguel Garroté – Comme c’est amusant. Au début de la récente crise financière, j’étais pratiquement seul à écrire que les accusations portées, contre « la haute finance internationale » en général, et contre les banques en particulier, que ces accusations visaient, en réalité, à masquer la responsabilité des Etats surendettés, parmi eux la France. De plus, au début de cette récente crise financière, j’étais pratiquement seul à signaler que les emprunts contractés par les Etats en raison de la crise, ces emprunts n’étaient pas expliqués de façon transparente. Je déplorais que l’on dise simplement que les Etats empruntaient sur « les marchés internationaux ». Ce terme ne voulant rien dire, les Etats finirent tout de même par préciser, qu’en fait, ils empruntaient à des « fonds souverains ».
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Et comme j’ai l’art de poser les questions qu’il ne faut pas poser, je demandais alors ce que l’on entendait par « fonds souverains ». Puis, légèrement fatigué par la mascarade, je m’aventurais à préciser, de mon propre chef et sans plus attendre, que par « fonds souverains », on entendait, en réalité, essentiellement des banques centrales et des banques d’Etats. Et je poussais l’audace jusqu’à écrire que la France, déjà surendettée, contractait des dettes auprès de « fonds souverains » asiatiques et arabo-musulmans. Autrement dit après de pays musulmans et auprès de la Chine communiste notamment. Je crois vaguement me souvenir qu’à l’époque, l’on s’en était vivement pris à ma petite personne, ce qui au demeurant n’a strictement aucune importance, même si sur le moment je m’étais méchamment énervé.
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Or, j’apprends maintenant, nous sommes deux mois après les faits cités plus haut, que l’Etat français compte émettre – l’an qui vient – 135 milliards d’euros d’emprunts, pour commencer. « Emettre un emprunt » étant le terme soft pour dire « encore s’endetter ». A ce propos, répétons encore une fois que la dette française dépend largement d’investisseurs étrangers, à savoir des banques centrales d’Asie et des fonds souverains du Moyen-Orient notamment (c’est dans la presse depuis peu ; nous l’avions écrit il y a deux mois…).
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Pour rester précis, fin octobre dernier, 62% de la dette française, officiellement évaluée à 996 milliards d’euros (plus de 1.300 milliards si l’on calcule la dette totale, y compris suite à la récente crise financière), 62% de la dette française, écrivais-je, était contractée auprès d’entités étrangères hors de France, contre seulement 40% de la dette américaine contractée auprès d’entités étrangères hors des USA. Cela signifie qu’avant de recourir aux « fonds souverains » étrangers en raison de la crise financière, la France était déjà dépendante à 62% de l’étranger.
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Des fonds dits souverains générés par le pétrole et le gaz
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Concernant l’Etat, la crise financière et la dette, Jean Rouxel, sur Les 4 Vérités, met les points sur les « i » et je lui passe ici le clavier : « En fin de semaine dernière, nous avons en effet appris l’arrestation à New York d’un dénommé Bernard Madoff, soupçonné d’escroquerie. (…) L’homme en question est l’ancien PDG de la bourse Nasdaq et on parle d’une fraude à plusieurs de milliards de dollars (entre 20 et 50 milliards selon les sources) ! (…) M. Madoff, profitant de sa notoriété, a créé une société de conseil en investissements (BMIS). Ladite société promettait des rendements exceptionnellement élevés ».
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« Et a commencé par les offrir à ses clients, en levant de nouveaux fonds. En d’autres termes, BMIS honorait ses engagements en en contractant de nouveaux. Un lecteur des ‘4 Vérités’ m’écrivait récemment pour me faire remarquer que cela lui faisait penser au système de retraite français. C’est exact : les retraites ne sont en effet servies qu’en prélevant les cotisations des actifs d’aujourd’hui. Mais c’est beaucoup plus général que cela : en réalité, c’est toute l’économie qui reposait jusqu’à cette crise sur ce mécanisme de la croissance par la dette ».
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« Entendons-nous bien. La dette n’est pas nécessairement mauvaise en soi. Mais elle ne peut être bonne que si elle correspond à un investissement. Et c’est bien cet investissement lui-même qui fournit de la croissance. En revanche, évidemment, l’endettement de l’État français pour payer les intérêts de la dette publique est profondément néfaste ».
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« Pourtant, alors que tous les commentateurs sont scandalisés par le comportement de Bernard Madoff, on entend rarement des journaux dénoncer la fabuleuse escroquerie de la dette publique ! Disons donc, et redisons, à temps et à contretemps, que l’économie n’est pas un jeu d’écritures. L’économie socialiste a volé en éclats parce qu’elle reposait sur du pur virtuel. (…) Mais l’économie de marché peut elle aussi cacher sa misère derrière des villages Potemkine. En ‘créant’ de la croissance virtuelle par la dette », conclut Jean Rouxel. Et moi je n’ai plus rien à ajouter pour le moment.
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Copyright 2008 Miguel Garroté http://monde-info.blogspot.com
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Il faudrait commencer par s’intéresser à et connaître les mécanismes de la dette publique et de l’emprunt d’Etat, et mettre de côté certains fantasmes :
Pour s’endetter, l’Etat “n’emprunte pas à des fonds souverains étrangers, arabes ou asiatiques“, mais émet sur les marchés financiers des obligations appelées, dans ce cas, bons du Trésor. Ces titres sont achetés par d’autres agents (assurances, établissements de crédit, organismes communs de placement, non-résidents…), lesquels placent l’épargne des ménages qui ont un revenu suffisamment élevé… pour épargner. Au moment où l’Etat s’endette, ceux qui possèdent ces bons du Trésor appartiennent à la même génération que le reste de la population. Celle qui hérite de la dette publique hérite aussi des titres de cette dette. D’un strict point de vue financier, au niveau global, le transfert net d’une génération à une autre est nul. Prise dans son ensemble, notre génération n’est ni plus ni moins endettée que la génération précédente ou que la génération future.
L’accroissement de l’endettement public donne effectivement lieu à des transferts — non pas entre générations, mais au sein d’une même génération. En effet, les bons du Trésor sont des obligations qui rapportent chaque année à leur détenteur un intérêt, versé par l’Etat et donc, en dernier ressort, par les contribuables. Ces sommes ne sont pas négligeables : le projet de loi de finances pour l’année 2008 prévoit que soient versés environ 40 milliards d’euros d’intérêts au titre de la dette publique, ce qui représente environ 15 % du total des dépenses de l’Etat. A comparer avec, par exemple, le budget de la défense (36,7 milliards d’euros) ou celui de l’enseignement scolaire (59 milliards d’euros). Ces intérêts versés correspondent à peu près au montant prévu du déficit budgétaire.
Propositions pour la constitution de fonds souverains garants des entreprises françaises et européennes (ça vaut ce que ça vaut, mais ça a le mérite de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain) :
CDC fonds souverain ?
Comment trouver 360 milliards d’euros? En empruntant bien sûr. Mais au-delà de l’enveloppe annoncée par le gouvernement français lundi, c’est surtout sa crédibilité en tant qu’emprunteur qui est en jeu. Car «si ça marche bien, on ne sera pas obligé de débourser l’argent», précise Alexander Law, économiste chez Xerfi, à 20minutes.fr. Explications.
Un plan en deux volets
Ce ne sont pas 360 milliards d’euros qui seront empruntés. Le plan de sauvetage comprend en effet deux volets.
Le premier consiste en une caisse de 40 milliards destinée à renflouer le capital des banques et des assureurs en difficulté. Objectif: ne laisser aucun établissement en difficulté pour relancer la confiance.
Le second est une garantie des prêts interbancaires. En cas de défaillance d’une banque, ses créanciers (d’autres banques par exemple) seront remboursés s’ils ont souscrit au fonds de 320 milliards d’euros engagé par l’Etat. Mais il ne s’agit que d’une «caution» comme l’a expliqué François Fillon lundi soir. «Les cautions ne sont pas mises en jeu systématiquement, elles le sont même assez rarement», a-t-il expliqué.
Une double garantie
Pour Xavier Timbeau, économiste à l’OFCE, la garantie est même une mesure «redondante». Car si le renflouement du capital des banques fonctionne, la crise de confiance entre elles devrait prendre fin. La garantie des prêts constitue donc pour l’économiste «une double garantie pour lever toutes les inquiétudes.»
Si le plan de sauvetage semble porter ses fruits sur les marchés boursiers, c’est parce qu’il est peu probable qu’un Etat comme la France fasse faillite. En pleine crise, l’Etat devient donc une valeur refuge pour les investisseurs.
Si l’Etat devait vraiment recapitaliser les banques qui en feront la demande et garantir les prêts interbancaires, il pourra donc facilement emprunter en émettant des bons du Trésor. Les acheteurs (entreprises, particuliers, etc.) deviennent ainsi les créanciers de l’Etat et sont rémunérés par les taux d’intérêts, moindres que les dividendes d’une action boursière, mais en revanche assurés.
« Pas d’argent frais »
Il n’y aura donc «pas d’argent frais mis au budget de l’Etat», a précisé François Fillon.
En revanche, les sommes empruntées augmenteront la dette de l’Etat (qui s’élève déjà à 65% du PIB, soit 1250 milliards d’euros au 1er semestre 2008).
Et «il faudra la rembourser un jour», précise Gilles Chemla, directeur de recherches au CNRS. Les intérêts de ces emprunts représenteront bien «un coût pour la collectivité» comme l’a rappelé Bernard Thibault de la CGT.
Alors pourquoi François Fillon a-t-il assuré lundi soir qu’il n’y aurait «aucune hausse d’impôts» et «aucune hausse des contributions»?
Selon lui, «l’Etat va gagner de l’argent sur les prêts qu’il fera aux banques et sur les garanties qu’il apportera aux entreprises». Quant aux prises de participation dans les établissements bancaires, «notre objectif n’est pas de les garder éternellement, a-t-il précisé, mais de les revendre dès que l’économie ira mieux». Une opération qui permettra à l’Etat de rembourser ses créanciers.DR ¦ Des billets d’euros
A.L.
C’est qu’à la différence de ce qui se passe en Grande-Bretagne, il n’est donné par l’Assemblée aucune suite aux rapports d’enquête de la Cour des comptes, alors qu’en Grande-Bretagne, les enquêtes du National Audit Office, équivalent de la Cour, donnent lieu à une cinquantaine d’audiences publiques devant une sous-commission de la commission des finances, le Public Account Committee, où les responsables des administrations sont grillés en présence du public et des médias à partir de ces rapports. Louis Joxe, Premier président de la Cour des comptes se plaignait déjà dès 1998 de ce manque d’intérêt de l’Assemblée pour ses rapports, et Philippe Séguin qui occupe sa place actuellement pouvait récemment encore accuser « l’insuffisante exploitation de tous ces matériaux [transmis au Parlement par la Cour des comptes] « et dire : « Nous sommes demandeurs de (…) structures nouvelles (…). Un exemple s’impose : celui (…) du Comité des comptes publics de la Chambre des Communes, le Public Accounts Committee. »
Une des particularités de la Constitution française a rendu cette transposition difficile : cette Constitution limite en effet le nombre de commissions des assemblées parlementaires à 6 et c’est pourquoi le second essai de copier les Anglais, la création de la sous-commission MEC (Mission d’études te de contrôle) a été limitée à une création provisoire qui doit être renouvelée tous les 6 mois.
Afin d’éviter que la création d’un CAP, Comité d’Audit Parlementaire, n’interfère avec les attributions de la commission des finances, l’iFRAP propose de créer une délégation au contrôle de la dépense publique.
Une délégation n’a pas les attributs d’une commission ; elle ne peut intervenir dans le débat budgétaire, ni porter de jugement sur un texte législatif. Tout son rôle se limite à être un organisme d’enquête, une sorte de commission d’enquête mais permanente. Cette délégation réunirait non seulement les personnages principaux de la MEC, des représentants des 6 commissions permanentes, et des députés représentant les différents courants puis, au cas par cas, le ou les rapporteurs spéciaux concernés par le rapport.
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@ Gad :
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Désolé, je ne peux pas réagir à tout ce que tu écris, à chaque phrase que tu écris, à chaque mot que tu reprends et décortiques, à chaque article que tu postes sur ce blog, car il y en aurait pour des heures et des heures de travail supplémentaires, or je travaille déjà toute la journée, pour divers médias, sites et blogues, et la nuit je dors.
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Merci pour tes riches et nombreuses contributions et pour les articles que tu portes à notre connaissance. Cela fait partie du travail des idées de ce blog.
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Pour ta gouverne, fin 2007, soit il y a un an, le Président de la Cours des Comptes informait que la dette, concrètement, signifiait que chaque Français rémunéré devra un jour rembourser 48.000 euros. C’était il y un an. C’est une mauvaise nouvelle pour toi, pour tes enfants, pour tes futurs petits enfants. C’est une mauvaise nouvelle, mais c’est aussi la simple réalité. Je peux comprendre que cela t’est difficile à accepter, mais c’est ainsi. Maintenant, il faut que je me consacre à mon travail de ce jour.
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Ce sera donc tout, de mon côté, concernant ce sujet. Je n’ai de ce fait rien à ajouter ou à modifier à mon article ci-dessus qui du reste, ne fait que porter à la connaissance de nos lectrices et lecteurs, des analyses faites par des personnes en qui j’ai confiance, notamment les rédacteurs de les 4 vérités.
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Si mes informations et mes connaissances en matière économique devaient sembler incomplètes, on peut les enrichir, en consultant mes sources, concrètement, en lisant les articles publiés sur Rebelles.info par Claude Reichman, les articles publiés par Guy Millière sur Metula News Agency, sans oublier le blog « les 4 vérités » et par ce biais-là les analyses de l’Institut Turgot. Ce sont là mes principales sources et je les estime fiables.
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Miguel
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Par IsraelValley Desk
Rubrique: Actualité
Publié le 18 décembre 2008 à 10:32
Revue de Presse – Michel Bôle-Richard dans Le Monde.fr : “La gigantesque fraude de 50 milliards de dollars n’a pas fini de faire des dégâts dans la communauté juive américaine, mais aussi en Israël, où plusieurs sociétés ont investi massivement dans la pyramide montée par Bernard Madoff. Plusieurs firmes d’assurance comme Harel, Clal et Phoenix se retrouvent directement exposées par l’écroulement de cette fiction financière.
Les importants profits de cette société ont attiré nombre d’investisseurs qui, comme le dit le journal Haaretz, “ne cherchaient pas plus loin tant que les bénéfices rentraient, même si certains avaient quelques doutes sur les pratiques financières de M. Madoff”.
En Israël, les répercussions seront sans doute importantes en raison des dons fournis par les sociétés philanthropiques à de multiples institutions du pays. Il n’y a pas une rue, un parc ou un bâtiment qui n’ait sa plaque de remerciements avec les noms de généreux donateurs, pour la plupart américains.
La communauté juive américaine, forte de 5,5 millions de personnes, est la plus importante au monde après celle d’Israël et que les liens entre les deux pays sont étroits. A Jérusalem aussi, le scandale Madoff n’en est qu’à ses débuts”.—
Source: Le Monde.fr – Michel Bôle-Richard (Copyrights)
Par Dan Assayah
Rubrique: Actualité
Publié le 16 décembre 2008 à 08:47
Les victimes de Madoff se font connaître. De nombreuses associations caritatives juives et des associations liées au soutien de la mémoire de la SHOAH. Le Technion est aussi indirectement victime. Selon nos sources, Madoff était un des donateurs de cette institution prestigieuse en Israël.
La Presse Canadienne : “Une bonne partie de la finance internationale était tombée dans les filets de Bernard Madoff. Dans la liste des victimes présumées, des banques renommées du monde entier côtoient des hedge funds, des fonds de pension, des particuliers mais aussi de grandes fortunes comme le magnat de l’immobilier Mortimer Zuckerman, et des institutions. D’après le “Wall Street Journal”, la fondation caritative du réalisateur Steven Spielberg, la Fondation Wunderkinder, semble avoir investi dans le passé une part significative de ses avoirs chez Madoff. Toujours selon le journal, qui cite deux personnes informées des investissements de l’organisation, la Fondation Elie Wiesel pour l’humanité, fondée par l’écrivain rescapé de l’Holocauste, a été durement touchée.
Parmi les investisseurs lésés aux Etats-Unis, la Fondation Robert I. Lappin à Boston, qui finançait des voyages en Israël pour la jeunesse juive, a limogé son personnel après avoir révélé que l’argent récolté pour ses opérations avaient été investi chez Madoff”. Copyright © 2008 La Presse Canadienne. Tous droits réservés. —
Source: Copyright © 2008 La Presse Canadienne. Tous droits réservés.
Madoff : alertes répétées depuis au moins 1999
Rédaction en ligne
mercredi 17 décembre 2008, 08:54
La liste des victimes de la gigantesque fraude du gérant de fonds new-yorkais Bernard Madoff continue de s’allonger, notamment en Europe où les responsables financiers mettent en cause les autorités de régulation américaines. Celles-ci vont enquêter en interne.
Peut-on éviter Madoff ?
Un scandale spectaculaire à 50 milliards de dollars. Et une bonne dose d’incurie, de la SEC américaine et des professionnels.
Comment cette arnaque a-t-elle pu prendre une telle ampleur alors que de l’aveu de la SEC “des allégations crédibles et circonstanciées concernant les pratiques fautives de Mr Madoff, remontant au moins à 1999, ont été à plusieurs reprise portées à l’attention du personnel de la SEC” selon un communiqué de son patron, Christopher Cox, publié mardi dernier ?
C’est une des nombreuses questions sur lesquelles cette affaire oblige à se pencher. Pour le reste l’essentiel, ou presque, a été dit. Bernard Madoff affiche tous les gages de l’honorabilité : ancien président du Nasdaq, la bourse américaine des valeurs technologiques, généreux donateur à des œuvres caritatives, honorablement connu à près de 70 ans dans le monde de la finance internationale, une longue expérience des marchés et un “track record” impressionnant. Bref avec sa chevelure de vieux lion, son air souple et son personnage de Juif new yorkais à la Woody Allen, Bernie Madoff avait tout pour séduire et inspirer confiance…
Finance romanesque
Et c’est bien d’une histoire de séduction et de confiance dont il est question dans cette exercice de cavalerie pyramidale : pendant des années Madoff a collecté des sommes colossales (environ 50 milliards de dollars selon le plainte de la SEC déposé le 11 décembre) en payant aux investisseurs un rendement substantiel quelques soient les conditions de marché.
En réalité, Madoff payait le rendement en prélevant sur le capital qui lui était confié. Comme il payait régulièrement, les capitaux ont fini par affluer, les sommes déposées par les nouveaux investisseurs permettant de répondre aux demandes remboursement des plus anciens. Tout serait allé pour le mieux dans le meilleur des mondes si le volume des retraits n’était tout d’un coup devenu trop important : 7 milliards de dollars à sortir en quelques jours.
Ne pouvant faire face à cet afflux de demandes de remboursement Bernard Madoff est alors obligé de jeter le masque. C’est ce que décrit par le détail la plainte du 11 décembre qui se lit véritablement comme un roman, en particulier les points de 1 à 24
On y apprend pourquoi le financier a commencé à lâcher le morceau début décembre à un collaborateur ; le détail de la réunion qui a eu lieu à son appartement où il avoue à 2 cadres qu’il est à la tête d’une vaste arnaque ; comment il envisageait avant de se dénoncer de verser par avance leur bonus à ses employés et de rembourser amis proches et membres de sa famille sur les 200 à 300 millions de dollars restant en caisse.
Quis custodiet ipsos custodes ?
Pour spectaculaire que soit l’affaire Madoff, elle n’est en tant que telle que vaste pantalonnade. Souvenons-nous qu’au début des années 2000 nous avons connu des arnaques d’une toute autre ampleur et autrement institutionnalisées, comme par exemple l’effondrement du courtier en énergie Enron ou encore Parmalat où étaient impliqués la direction de ses entreprises, mais aussi les cabinets d’audit, dont Andersen qui disparu purement et simplement à cette occasion.
On se souvient aussi de l’affaire Vivendi / Salustro-Reydel, le premier tentant de faire avaliser par le second, son commissaire aux comptes, des traitements comptables douteux. Opération qui avait entre autre eu pour effet la mise sur la touche du directeur de la doctrine (le gardien de la Loi en quelque sorte) du cabinet d’audit.
On était alors dans le cas relativement clair de structures de contrôle qui n’ont pas rempli leurs missions. Avec l’affaire Madoff, on est un peu plus dans une zone grise.
Certes l’homme est un voleur. Mais on reste surtout abasourdi par la crédulité des investisseurs qui lui ont fait confiance. Dans le cas des particuliers, leur naïveté peut être compréhensible ; mais que penser des professionnels, banquiers, conseillers financiers et gérants de fonds, qui ont suivi Madoff ?
Chers Hedge Funds
UBP (Union Bancaire Suisse) explique dans un courrier confidentiel à ses clients qu’il a fait pour le mieux. La banque estime en effet que ses “analystes ont passé un temps important à comprendre et suivre la stratégie et le gérant [Madoff]”
On y apprend comment les fonds de fonds maison, comme UBP Multi-Strategy Alpha, Dinvest-Total Return ou encore TrendSquare ont investi dans des fonds Madoff tels que Fairfield Sentry ou Kingate Global. Des fonds qui affichent un historique de performances tout simplement étonnant puisque années après années ils ont progressé pratiquement sans à-coup avec une régularité de métronome.
On est saisi de voir comment ces fonds ont passé toutes les crises sans fléchir : l’explosion de la bulle spéculative liée aux valeurs technologiques à partir de 2000, la crise asiatique de 98… Bref, on est face à des fonds qui affichent un train de sénateur comparable à celui d’un fonds monétaire mais avec un rendement bien plus substantiel.
Il suffit pour s’en convaincre de comparer les courbes de performance de ces 2 fonds avec celles de quelques grands indices de Hedge Funds tel que les Trémont qui sont loin d’afficher une telle régularité alors même que, calculés à partir de plusieurs fonds, ils tendent à lisser les performances.
Mais d’où vient la performance ?
Autre facteur de doute : d’où vient la performance ? C’est ce doute qui a retenu un gérant de fortune suisse d’investir dans Fairfield Sentry. “Bien sûr, nous sommes à la recherche de fonds performants pour nos clients. Mais nous ne sommes pas prêts à acheter de la performance à n’importe quel prix. Si on ne comprend pas d’où vient la performance et le processus du gérant on n’y va pas.” Explique ce professionnel sans souhaiter être cité…
En réalité, plusieurs éléments étranges étaient susceptibles d’attirer l’attention d’un professionnel. Les performances d’abord ; mais aussi le fait que la société de Bernard Madoff assumait en même temps plusieurs fonctions qui sont normalement dissociées. En particulier BMIS (Bernard Madoff Investment Securities) étaient dépositaire de fonds confiés par les investisseurs. Cela s’explique par le fait que BMIS assure d’autre part des fonctions de brokers et donc tient de ce fait des livres de compte pour ses clients. Mais en l’occurrence, les sommes confiées à Madoff comme gérant, non comme broker, auraient dû être placées entre les mains d’un tiers indépendant, un dépositaire.
Autre curiosité : le commissaire aux comptes n’était autre qu’une officine… détenue par Madoff et des proches. Et que penser encore de la façon dont les fonds étaient valorisés, en interne ?
Travail de fonds
Ce travail d’investigation, un concurrent de Barnard Madoff l’a réalisé au fil des années, alertant la SEC, le gendarme des marchés financiers américain, à plusieurs reprises. Jusqu’à lui adresser en 2006 un mémorandum très documenté afin d’argumenter pourquoi il était convaincu que Bernard Madoff était un fraudeur.
Il est vrai que Harry Markopolos, comme l’explique le Wall Street Journal, avait de bonnes raisons d’en vouloir à Bernard Madoff : lui-même gérant de hedge fund, il avait un patron qui lui mettait la pression afin qu’il produise des performances comparables à celle de Madoff. C’est ce qui a conduit Markopolos à se pencher sur la gestion de Madoff pour en démonter les mécanismes…
Un travail que certes ne peut pas faire chacun. Mais quelques principes de base permettent bien souvent de limiter les dégâts lorsqu’il s’agit de choisir un placement financier : ne pas s’arrêter aux seules performances pour apprécier un fonds, se demander comment les performances ont été obtenues, essayer de voir quels risques sont associés au fonds. Et, lorsque que l’on ne comprend pas d’où vient la performance, passer son chemin….
Frédéric Lorenzini est Directeur de la Recherche de Morningstar France. Il est joignable à l’adresse suivante :
Je demande pardon pour mon comportement anti-chrétien.