Publié par Dreuz Info le 22 mars 2010

Texte paru sous « Carte Blanche » dans le journal Le Soir

http://www.lesoir.be/forum/cartes_blanches/2010-03-05/fatima-zibouh-vehicule-une-ideologie-neoconservatrice-et-reactionnaire-757081.shtml

Il s’agit d’un texte collectif sous la signature de :

Sam Touzani, artiste ; Michel Graindorge, avocat ; Karima, directrice de « Insoumise et dévoilée » ; Chemsi Cheref-Khan, humaniste musulman ; Marcel Cools, avocat ; Nadia Geerts, auteur de « Fichu voile ! » (Ed. L. Pire); Aldo-Michel Mungo, éditeur ; Claude Demelenne, journaliste ; Alain De Kuyssche, militant laïque

DERRIERE LE VOILE : UNE IDEOLOGIE REACTIONNAIRE

Dans une Carte Blanche parue dans Le Soir du 17 février, un « collectif de professeurs d’université » réagit à la polémique déclenchée suite à la nomination de Fatima Zibouh, en tant que représentante d’Ecolo, comme membre suppléant du Conseil d’administration du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme. Ce texte nous étonne par ses approximations et ses contresens. Tous les signataires « ont pour point commun soit d’avoir travaillé avec Fatima Zibouh (ndlr : chercheuse à l’Université de Liège, portant le voile) soit de l’avoir connue via ses écrits et ses activités scientifiques ». Cette proximité semble avoir fait perdre à nos « professeurs » tout regard distancié et sens critique, vertus premières d’une démarche universitaire digne de ce nom.

La polémique, écrivent-ils, a été lancée autour de la personne de Fatima Zibouh. Cette affirmation est fausse. Ce n’est pas la personne de Fatima Zibouh qui est en question. Ce qui interpelle certains démocrates, c’est l’idéologie néoconservatrice et réactionnaire qu’elle véhicule. Bien sûr elle porte le voile. Mais au-delà de ce qu’elle a ‘sur la tête’, il y a ce qu’elle a ‘dans la tête’. Et là, peu de doute, le profil politique de Fatima Zibouh est franchement réactionnaire. Si nos « professeurs » quittaient parfois leur tour d’ivoire, ils sauraient que la « mouvance Zibouh » est très à droite sur le plan éthique, même si elle tente de brouiller les cartes par un discours très « à gauche » sur la question sociale.

Fatima Zibouh est membre de Présence Musulmane, la façade « laïque » de l’organisation des Frères Musulmans, une organisation structurée mondialement, relayant en Belgique l’idéologie du prédicateur islamiste Tariq Ramadan. Présence musulmane peut être située à la droite de la droite, s’opposant à l’avortement, à l’euthanasie, à l’homosexualité – « un nouveau dogmatisme avec quelques relents coloniaux voire xénophobes », selon Tariq Ramadan – opposée au mariage et au droit d’adoption pour les couples homosexuels. Lors de ses études, à l’Université Libre de Bruxelles, Fatima Zibouh a été administrateur du Cercle des étudiants arabo-européens, proche des thèses de Tariq Ramadan et qui relaye en Belgique les thèses communautaristes du mouvement français des “Indigènes de la République”.

Caroline Fourest, auteur du livre “Frère Tariq”, précise: “Tariq Ramadan soutient qu’il n’est pas un Frère Musulman. Comme tous les Frères Musulmans… il ment lorsqu’il nie tout lien organique avec la confrérie: il occupe le poste d’administrateur au Quartier Général de sa branche européenne, le Centre Islamique de Genève !”

L’objectif de cette Confrérie est de rendre illégitimes puis de détruire la morale et l’éthique occidentale afin d’installer un califat musulman mondial. Elle affiche une façade caritative, accueillante et tolérante. Mais elle est le moteur de l’Islam politique le plus pur et le plus dur. Une machine de guerre qui s’infiltre dans les rouages de nos sociétés ouvertes, profitant des carences de régimes considérés comme décadents.

Rappelons que l’an dernier, Frère Tariq a été démis de ses fonctions de conseiller de Rotterdam et d’enseignant à l’université Erasmus, pour avoir présenté une émission TV soutenant Ahmadinejad sur une chaîne financée par l’Iran.

C’est dans ce contexte que le voile de Fatima Zibouh pose problème, car il est l’affirmation d’un Islam politique intransigeant sur ses objectifs.

La nomination contestée d’une proche de la Confrérie salafiste est plus qu’interpellante au moment même où un commando de 80 Frères Musulmans faisait irruption dans une mosquée de Drancy, proférant des menaces à l’adresse de son imam, traité de mécréant, d’apostat et d'”imam des Juifs”, les termes employés équivalant à une Fatwa de condamnation à mort.

Actuellement, la branche belge de Présence Musulmane (PM), l’organisation dont est membre Fatima Zibouh, reste discrète dans le débat public. Il suffit de consulter le site internet de ses autres branches- au Canada, par exemple –pour constater que PM soutient les positions les plus controversées et les plus choquantes de Tariq Ramadan. Ainsi, PM « soutient la position de Tariq Ramadan prônant un moratoire sur l’application dans le monde musulman des hudûd, sanctions corporelles relevant du code pénal islamique ». Un simple « moratoire » ? On croit rêver. Lors de l’affaire des caricatures, Présence Musulmane a dénoncé « les caricatures insultantes du dernier des prophètes de l’islam ». Le droit à la libre expression et au blasphème ? Visiblement, cela inspire peu Présence Musulmane.

Au cours de ses études à l’ULB, et par la suite, Fatima Zibouh n’a cessé d’évoluer dans le sillage de Tariq Ramadan. En témoigne, sa participation, dans l’ombre du prédicateur suisse, à des colloques et événements organisés par l’European Muslim Network, qu’il préside, et le Centrum voor Islam in Europa.

Interpellant également sa présence dans un reportage, qui lui est consacré, sur Mediane TV, une chaine diffusée sur le Web. Peu connue du public, Mediane TV ouvre essentiellement son « antenne » à des prédicateurs salafistes, dont Hani Ramadan, frère de Tariq, qui dirige le Centre islamique de Genève, fondé par son père Saïd Ramadan, également fondateur de la branche palestinienne des Frères musulmans qui deviendra le Hamas.

Dans leur carte blanche, les défenseurs de Fatima Zibouh reprochent à ceux qui s’inquiètent de sa nomination de pratiquer « l’économie de la peur et le commerce de la rumeur ». Accusations sans fondement. Les motifs d’inquiétude se fondent sur des faits troublants. Le silence de Fatima Zibouh, qui par le passé n’a jamais voulu répondre aux sollicitations des journalistes, aggrave le malaise. Pourquoi n’accepte-t-elle aucune interview sur son activisme pro-Ramadan, sa proximité avec les théories des Frères Musulmans, son attitude face au Hamas, sa participation à Présence Musulmane… ?

Les « professeurs » courroucés écrivent également « Tout indique que ces débats prennent une tournure exacerbée par rapport à la présence des musulman(e) s dans l’espace public ». Ils se trompent. En quoi cette présence dérangerait-elle ?

La vraie question, que nos universitaires refusent de formuler, est la suivante : notre société démocratique progresse-t-elle ou régresse-t-elle en promotionnant dans son champ politique, au sens large, des représentants d’un ordre clérical archaïque et rétrograde ? Nous pensons, pour notre part, qu’elle régresse.

Car comme l’a très justement énoncé Willy Wolsztajn, Membre du collectif éditorial de la revue Politique «La bigoterie en marche aspire à recléricaliser la société ».

Ce sont nos libertés qui sont en question. Nous n’irons pas, comme Saint-Just, jusqu’à réclamer « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».

Mais nous exigeons qu’aux postes clé des institutions amenées à défendre ces libertés, on ne désigne pas des personnes dont l’attachement à toutes les libertés ne soit pas incontestable.

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