Publié par Dreuz Info le 12 avril 2010

 

 

  

 

 

   

Michel Garroté

   

Lundi 12 avril 2010 – 28 Nisan 5770

   

Samedi 10 avril, je me suis permis de ne pas relater le crash de l’avion présidentiel polonais en Russie tel que l’ont relaté mes confrères. Je me suis permis cela pour deux raisons. D’abord, la précipitation des autorités russes à imputer la responsabilité du drame aux pilotes polonais, avant même le début d’un commencement d’enquête et sans présenter les moindres condoléances ou la moindre compassion. Ensuite, la totale absence de recul de la part de mes confrères, qui ont repris servilement et telles quelles les déclarations des autorités russes. Cela dit, il est vrai que depuis samedi, la communication des autorités russes est devenue un peu plus civilisée. D’abord, les Russes informent que les Polonais participeront à l’enquête. Ensuite, les Russes ont présenté leurs condoléances. En outre, un de mes confrères a tenté une première analyse de cet horrible aller simple pour Katyn. Une première analyse qui ne donne pas l’absolution aux Russes.

  

Ainsi, dans un article intitulé « Smolensk – Le crash de l’avion présidentiel polonais décrypté », Thierry Vigoureux, lundi 12 avril sur Le Point.fr, analyse les faits :  « Les circonstances de l’accident de Smolensk qui a causé la mort de 96 passagers dont le président polonais Lech Kaczynski et de nombreux dignitaires civils et militaires, samedi, sont maintenant mieux connues. “Heavy fog” (brouillard épais), 500 mètres de visibilité, peu de vent, une température de 1°C et un point de rosée également de 1°C : c’est ce qu’affichait le dernier bulletin météo diffusé peu avant l’atterrissage du Tupolev 154M, un des deux triréacteurs de l’armée de l’air polonaise utilisés pour les voyages officiels. Le pilote décide d’atterrir sur l’aérodrome de la base aérienne militaire de Smolensk-Severny, au nord de la ville. Il se concentre alors sur les instruments de la planche de bord (horizon, altimètre, indicateur d’axe radioélectrique, etc.) tandis que le copilote regarde dehors pour tenter d’apercevoir les feux du balisage de la piste. Il tente trois approches suivies de remises de gaz et de “tours de piste”, mais ne parvient pas à procéder à l’atterrissage. Les contrôleurs aériens chargés de gérer l’approche à Smolensk s’aperçoivent que l’avion vole trop bas, au-dessus de l’aéroport. Ils demandent alors au pilote de “faire un palier” afin de retrouver un plan normal. Las, le pilote entame une quatrième tentative d’approche. Elle sera fatale. Le triréacteur se présente trop bas, trop tôt. Il accroche la cime d’un arbre de 8 mètres de haut, 1.200 mètres environ avant le seuil de la piste. A ce stade, l’avion aurait dû être à 60 mètres de hauteur. Les pilotes ont-ils été victimes d’un mauvais calage de l’altimètre ?

  

A ce stade, ce ne peut être exclu. Ont-ils bénéficié d’une procédure GCA (ground-controlled approach) qui permet, depuis le sol et à l’aide de deux radars, de suivre l’azimut et la pente de descente afin de mieux guider l’avion par radio, ou ont-il procédé à une approche autonome réalisée uniquement à l’aide des instruments de bord ? Il faut savoir qu’au sol, l’aéroport de Smolensk ne dispose pas de radiobalises ‘ILS’ qui auraient assuré la précision du plan de descente, mais seulement de deux balises ‘NDB’, un système qui remonte aux débuts du vol aux instruments, dans les années 1930. Dans ces conditions, pour atterrir en sécurité, il faut alors réunir près de 1.000 mètres de visibilité horizontale, ce qui n’était pas le cas pour l’avion présidentiel polonais. Ce vol Varsovie-Smolensk – d’une durée d’une heure – avait été spécialement affrété pour permettre à de nombreuses personnalités de se rendre à une cérémonie commémorant un événement douloureux dans l’histoire russo-polonaise, le massacre de Katyn. Se dérouter vers un autre aéroport offrant de meilleures conditions météorologiques n’entrait manifestement pas dans les objectifs de l’équipage aux commandes. Directement ou indirectement, celui-ci était soumis à une forte pression psychologique, celle d’arriver coûte que coûte à l’aéroport prévu pour la cérémonie. Dans le passé, des équipages ont déjà été limogés pour s’être déroutés. C’est heureusement rare. Une heure avant le crash du Tupolev présidentiel, un Yakovlev YAK-40 transportant la presse présidentielle, avait déjà atterri à Smolensk avec des conditions météo, semble-t-il, moins délicates. Mais un autre appareil, un Ilyushin IL-76 russe, après deux tentatives d’atterrissage, s’était, lui, dérouté.

  

De nombreux accidents sont provoqués par cette volonté de bien faire et de rejoindre la destination à tout prix. Pourtant, pendant le vol depuis Varsovie, l’équipage militaire polonais avait été informé à plusieurs reprises lors des contacts radio avec les centres de contrôle biélorusses, puis russes, des très mauvaises conditions météorologiques régnant à Smolensk. Il leur a été proposé de se diriger vers Minsk puis vers Moscou. Notons que ce ne sont que des suggestions faites par les aiguilleurs du ciel, et non des instructions de trajectoire données aux pilotes. Ceux-ci n’ont donc pas “désobéi” comme l’ont laissé entendre certains officiels russes. L’enregistreur de vol des conversations dans le cockpit montrera si une pression extérieure a incité plus ou moins fermement l’équipage à tenter d’atterrir. Les experts en accident et les psychologues qualifient de “viscosité mentale” ce refus d’assumer la réalité d’une météo désastreuse, quand on s’obstine à atteindre un objectif sans prendre de recul pour voir si cela est réalisable. Le stress d’une situation difficile peut faire perdre à un pilote une grande partie de sa capacité d’analyse et de réflexion. Même un simple calcul mental comme une addition peut devenir fastidieuse au point que des pilotes la posent sur papier. Pour éviter ce genre de situation liée aux facteurs humains générateurs de la majorité des accidents, les compagnies aériennes imposent à leurs pilotes le respect de procédures opérationnelles écrites très strictes. Dans le manuel d’exploitation, notamment, est défini ce qui doit être fait dans telle ou telle circonstance. Jamais un avion de ligne régulière n’aurait effectué trois approches interrompues.

  

En France, seuls les avions de l’Aéropostale étaient autorisés à descendre en dessous des minimas. Ainsi, si le brouillard, du vent fort ou un orage interdit à l’Airbus A 380 de se poser à Roissy-CDG, il se déroute d’abord vers Orly, puis vers Lyon, mais l’équipage ne peut décider de lui-même d’aller sur un autre aérodrome susceptible d’accueillir le très gros porteur. Certes, des appareils commerciaux atterrissent tous les jours dans le monde dans le brouillard par visibilité quasiment nulle. Mais trois conditions doivent être réunies. 1- L’avion, d’abord, doit être équipé des instruments permettant à un atterrissage ‘ILS’ de catégorie III, notamment avec deux pilotes automatiques en fonction. L’atterrissage tous temps est une invention française mise au point en 1968 sur les Caravelle 12 d’Air Inter. 2- L’aéroport doit aussi être équipé des radiobalises ‘ILS’ et des feux de piste (lièvre électrique avec des flashs montrant l’axe et la direction) permettant ces vols sans visibilité. 3- Enfin, l’équipage doit être qualifié à la pratique de cette procédure avec un dernier entraînement datant de moins de six mois. Avion ancien, équipé d’instruments rustiques, le Tupolev 154 ne permet pas ce type d’atterrissage. Et l’aéroport de Smolensk, on l’a vu, ne dispose que de deux antiques balises ‘NDB’ dans l’axe de la piste, une catégorie d’émetteurs appelée à disparaître dans le reste du monde. L’équipage, au mieux, disposait d’un GPS ajouté à la planche de bord, comme c’est souvent le cas sur les appareils de l’ère soviétique. Ce Tupolev 154, qui portait le numéro de série 90A837, avait été mis en service en 1990. Immatriculé 101 par les forces aériennes polonaises, il devait être rénové avec un changement des moteurs et une réfection de la cabine. Le ministre russe des Transports et le parquet ont rapidement déclaré que l’avion n’avait pas connu de problème technique. Une information un peu hâtive, car au même moment, le chef d’enquête expliquait que la lecture des enregistreurs de vol n’avait pas encore commencé ».

   

   

 

 

 

 

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