Publié par Michel Garroté le 23 février 2011

Parlez-moi de la France et non pas du Bon Dieu

Par Michel Garroté

Je lis sur http://benoit-et-moi.fr/ (extraits, de la version française, adaptés par mes soins, avec mes commentaires entre parenthèses) que l’excellent analyste catholique italien « Vittorio Messori estime (concernant la presse catholique) qu’en Italie (il mentionne également la France, plus bas dans la présente analyse), à part ‘l'Osservatore Romano’ (ndmg – qui n’est pas l’organe officiel du Saint-Siège contrairement à une idée reçue), les Italiens, en matière de presse catholique, ont le quotidien ‘l'Avvenire’ qui est assez diffusé (on le trouve notamment dans les kiosque) et qui est l’organe de la Conférence épiscopale italienne. Et, outre ‘Famiglia Cristiana’, de sensibilité ‘libérale’, quantité de publications spécialisées, au niveau régional ».

Vittorio Messori : « En France, il y a des revues spécialisées ou généralistes, de grande qualité, mais à tirage confidentiel et jamais citées dans les revues de presse. Et puis nous avons le quatuor (ndmg – de gauche) La Croix, La Vie, Pèlerin etTémoignage Chrétien. Ce dernier journal, proche du dépôt de bilan, qui compte parmi ses actionnaires la Société ‘Le Monde Diplomatique’, la ‘Société éditrice du Monde’ et ‘Bayard Presse’, fait partie des membres fondateurs d'ATTAC et soutient le mouvement altermondialiste, wikipedia ».

Vittorio Messori : « Ces quatre titres (ndmg – de gauche) sont connus du grand public, parce qu'au fond, ils sont "dans" le système et qu’ils assument tous des positions plus ou moins critiques contre "Rome" et manifestent une égale hostilité contre la "tradition" » (Note de Michel Garroté – En France, la confusion la plus générale, règne, quant à savoir ce qu’est – et ce que n’est pas – la "tradition ». Notamment, parce qu’en France, on a tendance, y compris chez les catholiques, à tout politiser – et de ce fait – à tout mélanger. Et pour aggraver encore les choses, les catholiques français, aussi bien "progressistes" que "conservateurs", ont une fâcheuse tendance à fixer leur "regard noir" sur Israël, qui ne leur a pourtant rien demandé, au lieu d’aborder, dans un esprit de courage et de vérité, la question de l’islam. Du reste, le "regard noir" des catholiques français, aussi bien "progressistes" que "conservateurs", ne se limite pas à Israël et il n’est pas rare de tomber sur des paroles et des écrits qui ne se disent pas antisémites et qui n’en sont pas moins judéophobes).

Vittorio Messori : « Si la foi est perdue, c'est aussi la pensée chrétienne qui disparaît, la vision chrétienne du monde, la perspective chrétienne sur l'histoire et aussi sur l'information. C'est justement pour cette raison que la presse catholique finit par être inutile, car elle risque de singer, de façon anachronique et provinciale, les positions et la mentalité de l'idéologie dominante. On m'envoie, sans que je les aie demandés, de nombreux journaux et magazines. Souvent, je les jette sans même ouvrir l'enveloppe de cellophane, parce que ce sont des pages officiellement "catholiques" mais en fait remplies d’"angélisme" et de répétition des arguments du politiquement correct ».

Vittorio Messori : « Ce jugement n'implique pas l'ensemble de la presse catholique, mais il est basé sur des données objectives. Je me demande, à la lecture de certaines publications ecclésiales : où est le sel ? Où est l'originalité, le signe de contradiction, le non-conformisme ? Où est, en un mot, la foi qui change la vision et la perspective ? Pourquoi devrions-nous lire les photocopies, souvent rapiécées et en retard, de la presse laïque ? ».

Vittorio Messori : « J'ai un exemple tout frais à proposer. Une nouvelle qui n'a certes pas atteint les grands circuits de l'information et qui pourrait intéresser les lecteurs que nous avons invités à cette conversation à notre table : l'unique hebdomadaire catholique allemand à diffusion nationale qui était resté en vie a fermé ses portes. Il s'agit de la "Reinische Merkur", initialement l'hebdomadaire des catholiques rhénans, resté le seul après la fermeture de tous les autres. Ces dernières années, il a connu une courbe descendante et une dérive ».

Vittorio Messori : « La "Reinische Merkur" s'est d'abord associé avec les Luthériens et ainsi chaque semaine il publiait un encart, un supplément luthérien. Rien de mal, Dieu merci, le dialogue, c'est très bien, mais moi, j'ai eu l'impression de deux naufragés qui sont sur le point de couler et s'accrochent l'un à l'autre. Alors, les lecteurs ont déserté, le journal est devenu insignifiant, à l'enseigne du politiquement correct. Et ainsi, ses rares rédacteurs sont passés avec armes et bagages au journal (ndmg – de gauche) "Die Zeit", proche du conformisme de la bourgeoisie (ndmg – progressiste) et des intellectuels » (ndmg – gauchisants).

Vittorio Messori : « Ce qu'ils écrivaient pour la "Reinische Merkur" catholique, allait donc bien avec "Die Zeit". Il ne s'agit pas de mauvaise volonté, entendons-nous bien. C'est le fait que la disparition de la foi ait également fait disparaître la pensée catholique, la vision du monde catholique, la "katholische Weltanschauung", pour parler comme les Allemands. Une certaine presse catholique, sans sel, sans perspective chrétienne, a fini par être le dépositaire de tous les "ismes" : écologisme, féminisme, "solidarisme", "angélisme". Ou, dans certains cas, le "démagogisme" de l'héritage de 68 » (Fin de l’analyse de Vittorio Messori parue surhttp://benoit-et-moi.fr/).

Par ailleurs, je lis sur ‘Chrétiens dans la Cité’ (http://chretiensdanslacite.com/) que(extraits adaptés par mes soins, avec mes commentaires entre parenthèses) « les catholiques – en particulier les plus jeunes – font l'apprentissage de nouveaux modes d'intervention dans la société : campagnes via l'Internet, happenings, actions ciblées, information alternative. Minoritaires dans une société massivement sécularisée, ils vivent de plus en plus la condition de dissidents ou de résistants. Les blogs ont remplacé les samizdats. Dans un récent dossier, le quotidien La Croix (27/1) constate que l'heure n'est certainement plus à l'enfouissement et que les milieux d'Église, sous l'impulsion des plus jeunes générations, ont appris à maîtriser les nouveaux canaux de communication, à créer et mobiliser des réseaux pour exercer une influence sur les débats sociaux, avec une authentique créativité ».

‘Chrétiens dans la Cité’ : « Cependant l'éditorialiste (ndmg – de La Croix) estime que ce dynamisme risque de faire croire que l'Église veut imposer ses vues dans le débat public, ce qui lui semble répréhensible. Outre que l'on imagine difficilement l'Église imposer quoi que ce soit, compte tenu de ses faibles forces, ce genre de craintes s'apparente plutôt à un complexe d'infériorité mal digéré. Faire pression sur l'opinion n'a rien de condamnable en soi, pourvu que les méthodes utilisées soient moralement acceptables. Et elles sont complémentaires plutôt qu'exclusives d'un travail d'évangélisation : il y a un temps pour la guerre et un temps pour la paix ».

‘Chrétiens dans la Cité’ : « Mais il est vrai que les grands mouvements chrétiens, qui proposaient un engagement dans la durée, sont en crise. Même s'ils touchent encore plusieurs centaines de milliers de personnes, entre 350’000 et 400’000 membres actifs, selon l'épiscopat, rares sont ceux qui parviennent à enrayer la chute de leurs effectifs. Toutes les organisations d'action catholique vieillissent irrésistiblement et certaines disparaissent » (Note de Michel Garroté – Les « grands mouvements chrétiens », qui proposaient « un engagement dans la durée » ? C’est bien là le problème. Cela fait trente ans que « les grands mouvements chrétiens », qui depuis, sont devenus petits, privilégient la prise de parole, sous forme de « conférences », d’« enseignements », d’« instituts » et de « témoignages ». Or, si ces mouvements proposaient vraiment « un engagement dans la durée », ils auraient dû admettre, dès le début, qu’ils n’échappent pas au droit canon, au contrôle canonique ; et qu’ils ne sont absolument pas dispensés, de respecter, les règles communautaires classiques de l’Eglise catholique. Et puis, je ne ferais pas de commentaires sur les « 400’000 membres actifs » revendiqués par l'épiscopat français. Je ‘parlerai’ chiffres plus loin dans le présent article…).

‘Chrétiens dans la Cité’ : « Face à la difficulté qu'ont les jeunes en général et les jeunes chrétiens en particulier à échapper au zapping permanent et à s'engager dans la durée, ce qui implique de se former, de nouvelles formes d'activité ‘théopolitique’ restent à inventer » (Fin des extraits de l’analyse parue sur ‘Chrétiens dans la Cité’).

Pour ce qui me concerne, l’analyse parue sur ‘Chrétiens dans la Cité’, comme beaucoup d’analyses catholiques françaises, me semble confuse et insuffisante. Ainsi, écrire qu’il y a « un temps pour la guerre et un temps pour la paix », puis ajouter que « de nouvelles formes d'activité ‘théopolitique’ restent à inventer », voilà qui – selon moi, excusez-moi de vous demander pardon – ne fera pas avancer le Schmilblick.

Toujours pour ce qui me concerne, les Eglises catholiques d’Europe en général et l'Eglise catholique de France en particulier, ont énormément de peine, pour des raisons historiques bien précises, à admettre que le nombre de prêtres ordonnés dans le monde – hors d’Europe – continue d’augmenter. Alors que ce nombre continue de diminuer en Europe ; et continue notamment de diminuer en France.

Les statistiques les plus récentes indiquent que l'Eglise catholique – dans l’ensemble du monde – compte plus de 410’000 prêtres, dont plus de 280'000 prêtres membres du clergé diocésain (paroisses) et plus de 135'000 prêtres du clergé religieux (congrégations). Une baisse de –9% du nombre de prêtres est à relever en Europe.

En revanche, les prêtres diocésains africains ont augmenté de +38%, les prêtres diocésains asiatiques ont augmenté de +30% et les prêtres diocésains d'Amérique centrale et du Sud ont également augmenté. Autrement dit, l’Eglise catholique continue de décliner en Europe, notamment en France. Et elle continue de progresser en Afrique, en Asie,  en Amérique centrale, en Amérique du Sud.

J’ai écrit plus haut que les Eglises catholiques d’Europe en général et l'Eglise catholique de France en particulier, ont énormément de peine, pour des raisons historiques bien précises, à admettre cela. Ces raisons historiques bien précises, sont, selon moi, faciles à expliquer. D’abord, le Saint-Siège de l’Eglise catholique demeure en Europe. Ensuite, la France a porté, à une époque désormais révolue, le double titre de « Fille aînée de l’Eglise » et de «  Educatrice des peuples ».

Il faut donc ici se mettre – ne serait-ce qu’un bref instant – à la place des catholiques de France ; et tenter de s’imaginer, ce que cela signifie aujourd’hui pour eux, de devoir assumer le déclin spirituel de leur pays ; et ce que cela signifie aujourd’hui pour eux, de n’être plus qu’un espace à très grande majorité athée, laïque et sécularisée, avec seulement 4% de la population – peut-être même moins de 4% – se rendant à l’Eglise le dimanche. Et ce, tandis qu’en Afrique et en Asie, le nombre de prêtres augmente respectivement de +38% +30%. Il faut bien reconnaître que la quasi-absence des catholiques français dan le paysage chrétien universel, cette quasi-absence provoque, parfois, chez eux, des réactions anachroniques où un complexe de supériorité affiché cache mal un réel complexe d’infériorité.

A propos d’anachronisme français, je lis, sur http://lesalonbeige.blogs.com/ que, je cite, « les éditions TerraMare viennent d'éditer un nouvel essai historique : Ces Français qui gouvernèrent le monde, de François Montgisard, diplômé d’études politiques, docteur en histoire du droit et spécialiste de l’expansion territoriale européenne outre-mer. Le travail réalisé dans cet ouvrage est imposant et exceptionnel, non seulement par la somme qui est réunie ici pour la première fois, mais aussi et surtout pour le témoignage qu’il porte aux yeux du monde sur l’histoire de France et de ses fils qui ont contribué à faire grandir la civilisation aux quatre coins du monde » (Note de Michel Garroté – Le titre du livre, ‘Ces Français qui gouvernèrent le monde’, en soi, est déjà une ‘énormité’. Car les Français n’ont JAMAIS gouverné le monde. L’allégation selon laquelle ce livre serait « imposant » pour le « témoignage qu’il porte aux yeux du monde sur l’histoire de France et de ses fils qui ont contribué à faire grandir la civilisation aux quatre coins du monde », cette allégation, avec deux fois le mot « monde » dans la même phrase, cette allégation, écrivais-je, révèle à quel point la quasi-absence actuelle de la France sur la scène mondiale est vécue, par certains catholiques français, de manière absolument décalée et pathétique).

Le salon beige : « Chacun sait que la France a longtemps compté des départements en Algérie. Qu’un roi Bourbon règne encore aujourd’hui en Espagne. Qu’un président d’ascendance bretonne a établi une dictature au Chili. L’on sait moins que des soldats français ont débarqué de l’Argentine à la Corée, en passant par le pays de Galles, le Spitzberg ou le Mozambique. Que des corsaires croisés ont pris Djeddah, le port de La Mecque. Que le premier roi d’Albanie était le frère de Saint Louis. Que la Norvège eut un (éphémère) Premier ministre dont la famille venait de Metz » (Note de Michel Garroté – Un « roi Bourbon règne encore aujourd’hui en Espagne ». D’abord, il ne règne pas, car l’Espagne est une monarchie constitutionnelle, dotée d’un gouvernement et d’un parlement. Ensuite, il a participé à la promotion de l’avortement, ce qui n’est pas très catholique espagnol, mais peut-être est-ce très bourbon français, et, à vrai dire, on n’en sait rien, et, en plus, on s’en moque. Un « président d’ascendance bretonne a établi une dictature au Chili ». Si j’ai bien compris, il ne s’agit pas du Breton Jean-Marie Le Pen, originaire de La Trinité sur Mer. Si j’ai bien compris, il s’agit d’Augusto Pinochet. Celui-ci fait donc partie de ‘Ces Français qui gouvernèrent le monde’…).

Le salon beige : « Établis sur différents continents, Français, Wallons, Suisses romands, Valdôtains, Vaudois, Monégasques, Aranais, Normandiliens, Franco-Canadiens, Cajuns et Créoles de Louisiane, Caldoches, Békés, Franco-Mauriciens et Huguenots expatriés forment un peuple aux origines globalement communes », conclut LSB (Note de Michel Garroté – Tous ces peuples « forment un peuple » ? François Montgisard, auteur de cette étrange vision, aurait-il hiberné – plusieurs siècles – avant de se réveiller pour écrire tout cela ? Tout cela, avec seulement 4% de la population française actuelle – peut-être même moins de 4% – se rendant à l’Eglise le dimanche. Tout cela, avec une politique étrangère de la France qui, en 2011, soulève la stupéfaction aux quatre coins du monde…). Fin des extraits du nouvel essai historique mentionné sur http://lesalonbeige.blogs.com/.

A tout cela, il faut ajouter que la population française (la vraie ; pas celle énumérée par François Montgisard ; et qui inclurait, selon sa vision, les Suisses romands et les Békés…) est de 65 millions d’habitants seulement, pour une population totale de 7,5 milliards d’habitants (7500 millions) à l’échelle de l’ensemble de la planète. De plus, il y a plus d’un milliard trois cent millions (1300 millions) de chrétien sur terre. Mais en France, il n’y a que trois millions de catholiques se rendant à la messe le dimanche.

Trois millions de catholiques pratiquants français sur un total de 1,3 milliard (1300 millions) de chrétiens à l’échelle du globe. Les catholiques pratiquants français représentent donc 0,2% du peuple chrétien universel. On ne peut donc – effectivement – plus parler de France ‘Fille aînée de l’Eglise’, de France ‘Educatrice des peuples’ et de Ces Français qui gouvernèrent le monde’…

L’on pourrait me rétorquer que ce n’est pas juste de comparer trois millions de catholiques pratiquants français à 1,3 milliard de chrétiens à l’échelle du globe, 1,3 milliard de chrétiens qui ne sont pas tous pratiquants. Cette objection serait pertinente si la France n’avait jamais été qualifiée de « Fille aînée de l’Eglise » et d’«  Educatrice des peuples ».

Seulement voilà, les catholiques pratiquants français (0,23% du peuple chrétien universel ; et 0,04% de la population mondiale) ont entendu dire que – jadis – ils étaient la « Fille aînée de l’Eglise, éducatrice des peuples » (je signale, juste en passant, qu’il ne s’agit pas d’un « dogme »). Comment les catholiques pratiquants de France parviennent-ils à assumer cette situation ?

Ne serait-il pas plu simple que les catholiques pratiquants de France admettent, une bonne fois pour toutes, qu’ils ont été successivement affaiblis par la Réforme protestante, par la Révolution bolchevique et par la Révolte de Mai 68 ?

Une radioscopie, précise et pointue, de l’état réel de l’Eglise catholique de France en 2011, permettrait, peut-être, un jour, de fixer un certain nombre de constats réalistes (d’objectifs réalistes aussi…). Et d’éveiller ainsi, chez les intéressés, un brin d’humilité.

Tel ne semble pas être le cas pour le moment.

Michel Garroté

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