Publié par Guy Millière le 18 février 2011

La conférence que nous avons donnée à Neuilly, Daniel Pipes, Michel Gurfinkiel et moi-même sera disponible en ligne. Elle a été filmée dans son intégralité. Elle a permis aux trois cent cinquante personnes présentes de découvrir la pensée de l’un des très grands islamologues américains. Je ne vois que Bernard Lewis qui puisse être situé à la même hauteur que Daniel. Dans son exposé, celui-ci insiste sur plusieurs points qui doivent être rappelés. Le premier est que ce qui s’est passé à Tunis et au Caire n’a pas été des révolutions, mais des coups d’Etat sur fond d’émeutes. En Tunisie, c’est un fait, c’est le général Rachid Ammar qui a fait partir Ben Ali. En Egypte, c’est le maréchal Tantawi qui a mis fin au mandat de Hosni Moubarak. Michel Gurfinkiel pense qu’il s’agit de révolutions et évoque des démocraties totalitaires. Je pense, pour ce qui me concerne, que les révolutions, pour l’heure, ont avorté, mais que leur avortement n’est pas définitif. Daniel Pipes estime que l’administration Obama a été prise par surprise. Je suis, j’ai déjà eu l’occasion de m’expliquer sur ce point, d’un avis différent.  

Le deuxième point sur lequel Daniel insiste concerne Israël. Une guerre ne s’arrête, dit-il, que lorsqu’il y a un vainqueur et un vaincu. Or, ajoute-t-il, pour l’heure, il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Il procède ensuite à une comparaison avec la situation en Europe. L’Allemagne, souligne-t-il, n’était pas vaincue en 1918 ou, tout au moins, ne se considérait pas comme vaincue. Elle a macéré dans le ressentiment, a glissé vers le nazisme, et a perpétré la shoah et la Deuxième Guerre Mondiale. Il a fallu la défaite irrémédiable de 1945 pour que les choses changent. Je partage cette analyse. Je pense qu’Israël n’a pas gagné avec assez de netteté pour que le monde arabe et musulman se considère vaincu. Daniel considère que la victoire viendra d’un changement des mentalités dans le monde arabe et musulman. Je pense que ce changement de mentalité implique la dissuasion militaire et, le cas échéant, une victoire écrasante d’Israël, et non des demi victoires comme l’opération Plomb durci à Gaza ou les opérations contre le Hezbollah au Liban.  

Le troisième point, et j’en parle parce qu’un regard extérieur et avisé comme celui de Daniel est utile, concerne l’Europe.

Daniel s’est déclaré optimiste quant au futur. La montée de l’islam a commencé voici trois décennies au moins, a-t-il dit. Elle se poursuit. La prise de conscience du danger islamique est plus récente, et non seulement elle est en pleine croissance, mais elle croit plus vite, continue-t-il, que la montée de l’islam. Il en déduit la possibilité de juguler l’islamisation. Je me montre plus circonspect, tout comme Michel Gurfinkiel : Michel parle, avec indignation, de l’« effondrement intellectuel et moral de l’Europe ». Je parle, avec consternation, de la confiscation de la démocratie, et de la mise en place d’une forme de totalitarisme doux, constitué du prêt-à-penser diffusé par l’enseignement, la radio, la télévision, les médias.  

Dans la partie consacrée aux questions du public, je cite Daniel, et je parle d’islam modéré, ce qui crée des remous dans l’auditoire, et j’insiste sur les racines juives et chrétiennes des cultures occidentales, en ajoutant que le laïcisme militant n’offre que des réponses trop courtes, ce qui suscite des remous plus amples encore. Je n’en pense pas moins qu’en laissant s’estomper ses racines juives et chrétiennes, l’Europe perd les fondements de sa civilisation. Et je pense aussi que, quand bien même il est minoritaire et souvent inaudible, quand bien même les portes de l’interprétation sont fermées depuis des siècles, ce qui a enfermé l’islam dans un dogmatisme stérile et stérilisateur, il importe de garder l’idée d’islam modéré. En évitant, bien sûr, qu’elle soit galvaudée. L’organisation de cette soirée me conduira à découvrir que le livre de Daniel Pipes, L’islam radical à la conquête du monde, que j’ai traduit et préfacé, est épuisé. Cela me semble un bon signe, et impliquer une réédition, que j’espère effectuer dans le cours de cette année.  

Un dernier mot. J’ai tenu à inviter à cette soirée un ami journaliste d’origine algérienne, travaillant à France 24.  Il a passé tout le temps des émeutes au Caire. Il parle l’arabe. Il a été arrêté, roué de coups, interrogé vivement. Ce qu’il dit me semble accablant pour les manifestants du Caire comme pour les militaires. J’aurai l’occasion d’y revenir. Ce qu’il dit est très différent de ce qui s’énonce sur les grandes chaînes de télévision. Disons qu’il y a plus d’antisémitisme qu’on ne l’a énoncé, plus d’islam et d’islamisme, plus de violence, une absence totale de compréhension de ce que c’est que le droit. Daniel se félicitait de ce que n’avait eu lieu pour le moment qu’un coup d’Etat, il avait raison. Michel parlait de démocratie totalitaire, et il avait raison aussi. Je dirai que si la démocratie vient en Egypte, elle ressemblera très vite à 1793, au chaos, et à la terreur. J’en prends, tristement, le pari.

Guy Millière

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