Publié par Guy Millière le 28 mars 2011

Rentrer d’un séjour aux Etats-Unis et se retrouver confronté au traitement de l’information en France est toujours un choc. Je viens de rentrer des Etats-Unis, et j’encaisse le choc.  

La façon dont on parle, en France, de la guerre en Libye, des agressions subies par Israël, de la situation au Yemen, en Egypte ou ailleurs dans le monde arabe, est absolument honteuse, et relève de l’intoxication mentale à haute dose.  

Commençons par la Libye.  

Ce qui devrait être dit et ne l’est pas, est que le régime du colonel Kadhafi a coopéré avec le monde occidental de manière active depuis 2003, et a contribué à la lutte contre le terrorisme islamique, ce qui lui a valu l’hostilité féroce d’al Qaida et des Frères musulmans, et des accusations d’être un suppôt des Etats-Unis et d’Israël.  

Ce qui devrait être dit est que, si le régime de Kadhafi est un régime dictatorial et brutal, ce dont nul ne peut douter, il ne constitue en cela pas une exception dans une région du monde où les régimes dictatoriaux et brutaux sont la règle. On peut, hélas, penser que s’il n’avait pas renoncé à soutenir le terrorisme, et s’il n’avait pas changé de camp, il serait aujourd’hui aussi tranquille que l’Iran d’Ahmadinejad, dont le respect des droits de l’homme n’est pas la spécialité, ou que la Syrie de Bachar el Assad, qui, jusqu ‘à nouvel ordre, peut faire tirer dans la foule sans s’attirer de remontrances vives, ou de mobilisation internationale.  

Ce qui doit être souligné est que si, parmi les opposants à Kadhafi, il se rencontre des gens épris de démocratie, il s’y rencontre aussi des djihadistes, des islamistes, des gens, en somme, pas du tout recommandables que, curieusement, Bernard Henri Lévy n’a pas rencontré lors de ses séjours à Benghazi.  

Ce qui doit être dit est que parmi les dirigeants de ces opposants, on rencontre d’anciens ministres de Kadhafi, dont strictement rien n’indique qu’ils n’entendent pas être dictateurs à la place du dictateur, et des recruteurs qui ont envoyé des combattants affronter les armées occidentales en Irak et en Afghanistan. D’après les rapports des services de renseignement américains, la région de Benghazi a fourni un nombre particulièrement important de combattants de ce genre.  

Ce qui doit être dit est que la « coalition » qui intervient en Libye a une composition étrange et des soutiens douteux. On trouve en son sein la France, qui s’est mise en pointe, le Royaume-Uni, l’administration Obama qui entend apparaître comme étant en retrait, et qui ne cesse de clamer qu’elle entend jouer un rôle aussi insignifiant que possible (bien qu’elle joue logistiquement un rôle majeur), et la Ligue arabe qui s’est d’ores et déjà empressée de se désolidariser des opérations militaires menées. On trouve, parmi ceux qui la soutiennent, les Frères musulmans et al Qaida, ennemis jurés de Kadhafi. Les plus perspicaces noteront aussitôt que ces braves gens soutiennent les talibans en Afghanistan, et qu’en somme, les armées française, britannique et américaine sont soutenues en Libye par des hommes qui soutiennent, alentour de Kaboul, ceux qui tuent des soldats français, britanniques et américains. Très cohérent, non ? 

Ce qui doit être ajouté est  que si le but de l’opération est un changement de régime, et le remplacement de la dictature de Kadhafi par des institutions démocratiques, rien n’est fait à ce jour pour que s’opère une avancée en ce sens : des institutions démocratiques ne naissent pas par génération spontanée. Elles ne naissent pas des entrailles, souvent nauséabondes, des Nations Unies. Elles impliquent un engagement concret, au sol, et de moyen terme : engagement que seuls les Etats Unis peuvent assumer et que, sous l’administration Obama, ils n’entendent aucunement assumer.  

Ce qui doit être ajouté est que le résultat risque fort d’être une situation chaotique, qui durera longtemps, et dont peuvent sortir ou bien un régime Kadhafi affaibli, mais ré-ancré dans l’hostilité à l’Occident, ou un régime infiltré par des djihadistes et des islamistes hostiles à l’Occident. Intéressant, non ? 

Ce qui doit être ajouté, enfin, est que la « responsabilité de protéger » les civils qui se trouve invoquée est une imposture. Il y a des civils à Benghazi et il y en a à Tripoli. Il y en a, aussi au Bahrein, en Syrie, en Iran, au Yemen, au Soudan, mais ceux-là ne semblent pas dignes de protection. 

*** 

Si on passe à Israël, précisément, on voit à quel degré l’imposture devient abjecte : les Israéliens semblent moins encore que quiconque être des civils dignes de protection. L’atroce tuerie d’Itamar n’a quasiment pas été évoquée dans les médias français. Les tirs de roquettes en direction d’Israël venant de Gaza ont fait l’objet de mentions très brèves.

L’attentat qui a fait un mort et une cinquantaine de blessés à Jérusalem a été passé par pertes et profits. Comme le dit un personnage du film Exodus, la viande juive ne vaut pas cher. Elle ne valait pas cher à l’époque. Elle ne vaut pas plus cher aujourd’hui, semble-t-il.  

Mon prochain livre s’appelle « Comme si se préparait une seconde Shoah » : non sans raison.

Il est clair que les dirigeants palestiniens incitent les populations qu’ils endoctrinent, côté Autorité palestinienne comme côté Hamas, a des actes génocidaires. Il est clair que des idées génocidaires animent aussi les dirigeants du Hezbollah, les dirigeants iraniens, ceux d’al Qaida, ceux des Frères musulmans.

Et je me dois de constater que la diabolisation d’Israël qu’on instille dans les médias français, l’indifférence aux Israéliens assassinés que les mêmes médias ajoutent à la diabolisation, et la façon très édulcorée dont ils rendent compte des discours des dirigeants palestiniens et iraniens, ou des propos du Hezbollah, d’al Qaida, des Frères musulmans, contribuent à créer une accoutumance propice à l’acceptation du pire, concernant Israël et le peuple israélien. Qu’en Europe, sept décennies après la « solution finale », on se conduise ainsi me donne la nausée.  

Pour peu qu’Israël réagisse aux agressions, par contre, Israël sera immédiatement condamné par les Européens, je n’en doute pas. Et la « responsabilité de protéger » les civils sera invoquée aussitôt, et sortie des tiroirs : pour protéger le Hamas et d’autres terroristes.  

*** 

En concluant, je dirai deux mots du monde arabe et de ce qui s’y joue.  

On parle encore, en France, de « printemps arabe ».  

S’il est trop tôt pour voir ce que sera l’évolution en Tunisie, on doit constater qu’en Egypte, comme je l’avais anticipé, les Frères musulmans captent chaque jour des parcelles supplémentaires de pouvoir.  

On doit constater qu’au Yemen, un départ du Président en place aujourd’hui sera une victoire pour l’islam radical, et pas du tout pour la moindre démocratie.  

On peut s’attendre à ce qu’en Syrie, Bachar el Assad puisse continuer à faire tirer dans la foule si cela s’avère nécessaire pour lui.  

Le « printemps arabe » va très vraisemblablement ressembler sous peu à un hiver aux couleurs sombres de l’islam radical.  

En France, on continuera néanmoins imperturbablement à dire que c’est le printemps, évidemment…  

Se retrouver confronté au traitement de l’information, en France, est toujours un choc lorsqu’on rentre des Etats-Unis, disais-je en commençant. J’ai désormais l’habitude de ce genre de choc. Hélas.  

Pour dire la vérité sur la Libye, sur Israël, sur le monde arabe, il y a, en France et en langue française, des blogs comme celui-ci, Les grands médias sont fermés : de façon quasi hermétique.

Guy Millière

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