Publié par Guy Millière le 5 mai 2011

On n’a, sans aucun doute, pas fini de découvrir ce qu’il y a à découvrir concernant l’élimination de Ben Laden. Des explications se feront jour au fil des mois à venir. 

Il y a néanmoins déjà, ce qui est lamentable mais typique de l’ère Obama, le recours au mensonge : le porte-parole de la Maison Blanche a nié ce que chacun sait à Washington et au sein de l’armée, à savoir que les renseignements qui avaient conduit à la localisation de Ben Laden avaient été obtenus par des interrogatoires à Guantanamo, en particulier ceux d’un homme arrêté en Irak en 2004. Reconnaître ce qui est dû à la politique de George Walker Bush, qu’Obama n’a cessé de combattre, aurait été digne et élégant, mais la dignité et l’élégance ne sont pas du tout caractéristiques de cette administration.  

Il y a aussi, ce qui est tout aussi lamentable, la transformation d’une victoire symbolique dans la lutte contre le terrorisme islamique, en une opération de propagande politique au service de la campagne Obama pour 2012 : cela a commencé avec le discours du dimanche soir, dans lequel Obama s’est cité lui-même une trentaine de fois, et a mentionné à peine les vrais héros, les Navy Seals. Cela a continué avec les photos : Obama Commandant en Chef suivant les opérations sur un écran vidéo, Obama pensif en gros plan, Obama déterminé, avec un regard d’aigle, en plan moyen. Cela va continuer avec le passage d’Obama sur le site de Ground Zero à New York. Les photos de Ben Laden mort n’ont pas été montrées et, a décidé Obama, ne le seront pas : cela permet d’alimenter les rumeurs diverses, cela permet d’envisager de les sortir du dossier à un moment propice, et cela évite qu’aux Etats-Unis, on regarde autre chose que le seul, l’unique, Barack Hussein Premier. On dit aussi que les photos seraient trop « horribles » : qui veut-on épargner ainsi ? de qui se moque-t-on ? 

Il y a, par ailleurs, ce qui se dit et semble avéré (on en saura plus bientôt), le fait que l’administration Obama et l’armée savaient depuis longtemps où Oussama se cachait, mais qu’Obama a refusé de donner le feu vert à diverses actions préparées et planifiées et a, cette fois, été mis devant le fait accompli (ou laisser d’autres décider à sa place), et prévenu au moment où l’opération était enclenchée : ce qui ne serait, à mes yeux, pas surprenant, tant les tensions entre l’armée, les services de renseignement, et l’administration sont grandes. Le « Commandant en Chef » aurait ainsi été vacillant, dépassé par les événements avant de feindre d’en être l’organisateur et de les récupérer à son compte. On dit en supplément, et c’est le Porte parole de la Maison Blanche qui parle, qu’Obama, sur l’écran, ne suivait pas vraiment les opérations et n’a pas vu l’exécution de Ben Laden. L’opération de propagande politique serait-elle une mise en scène ? On peut se le demander. 

Il y a, enfin, ce qui va suivre, et qui commence à s’énoncer. Fareed Zakaria, commentateur très écouté à la Maison Blanche, a dit que c’était la fin d’al Qaida, que le danger du terrorisme international islamique était très surestimé, que l’ère des interventions militaires à l’étranger devait s’achever, que les idées même d’al Qaida étaient en plein reflux et qu’on entrait dans une ère de démocratie dans le monde arabe, qui offrait des opportunités que les Etats-Unis devaient saisir. Zakaria est loin d’être le seul à raisonner ainsi : des propos de ce genre abondent dans le New York Times, le Washington Post et sur CNN. 

On peut s’attendre, je l’ai déjà dit, à un retrait rapide d’Afghanistan et à un partage du pouvoir entre Karzai et les talibans, jusqu’à ce que Karzai lui-même soit éliminé. Dès lors : dix ans d’intervention en Afghanistan pour rien ? Il semblerait, oui.   

On peut s’attendre à ce que soit parachevé le retrait d’Irak et à ce que le pays glisse pleinement dans la zone d’influence iranienne. Dès lors, huit ans d’intervention en Irak pour rien ? Si : dix ans pour que Saddam soit remplacé par des serviteurs du régime terroriste voisin.  

En Egypte, le pouvoir passe entre les mains des Frères musulmans. Au Yemen, cela devrait être le cas aussi. En Syrie, il semble que la Maison Blanche a pris contact avec la branche locale des Frères musulmans là encore qui, si Assad tombait, serait très disposée à prendre la succession. En Tunisie, les islamistes donnent de la voix et se font entendre chaque jour davantage. En Libye, les « rebelles » sont eux-mêmes islamistes et proches des Frères musulmans : ils ont même le soutien d’al Qaida au Maghreb islamique….  

La « démocratie » dans le monde arabe offre des opportunités, comme dit Zakaria : mais ajouter que ce sont des opportunités pour les Etats-Unis serait très excessif. Sauf si on voit les Etats-Unis comme destinés à devenir une puissance de seconde zone dans un monde dominé par l’ONU et par diverses dictatures et régimes autoritaires. Ce monde a été imaginé, est-ce un hasard, par Fareed Zakaria, dans un livre qu’Obama a lu attentivement en 2008 : The Post-American World. Ce monde, Obama pourrait bien être en train de s’efforcer de le faire naître. Il ressemblerait à l’apaisement, à un cartel d’autocrates tenant la planète, à une prédominance d’un islam politique du Pakistan à l’Europe, à une prépondérance accordée à la Chine. La liberté dans tout cela ?

Trouvez d’urgence quelques formules dans la novlangue évoquée par George Orwell dans 1984 : tout comme la guerre c’est la paix, la liberté est sans aucun doute la servitude, et la servitude, par conséquent est la liberté.  

L’engrenage sera-t-il arrêté ? On le saura à l’automne 2012. Pas avant, hélas. Et à l’automne 2012, ce ne seront pas seulement les Etats-Unis qui joueront leur destin.

Guy Millière

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