Publié par Guy Millière le 28 mai 2011

 

En quelques jours, pendant que j’étais en Israël, des discours portant sur le Proche-Orient se sont fait entendre qui ont et auront des conséquences.  

Barack Obama a, l’expression me semble adéquate, tiré le premier, par une déclaration solennelle prononcée jeudi 19 mai au Département d’Etat. Binyamin Netanyahu a immédiatement réagi, par un communiqué d’abord, puis lors d’une rencontre avec Obama devant la presse. Obama a, devant l’AIPAC, feint de reculer et de moduler ses propos sans rien en retirer en réalité. Netanyahu lui a répondu à nouveau, devant l’AIPAC toujours, puis, alors qu’Obama était en tournée de séduction en Europe, Netanyahu a prononcé un discours devant le Congrès des Etats-Unis.

D’autres déclarations ont accompagné l’ensemble : celles de membres éminents du parti républicain et du mouvement conservateur aux Etats-Unis, celles de membres démocrates du Congrès, celles de dirigeants de la communauté juive américaine et de journalistes américains, celles de dirigeants politiques et de journalistes européens, celles de journalistes arabes et de dirigeants palestiniens.  

Ce qu’on peut dire d’abord est que la position énoncée par Obama n’a strictement rien de surprenant : le fait qu’il ait parlé de retour d’Israël aux « frontières de 1967 » et d’Etat palestinien disposant d’une continuité territoriale, tout comme le fait qu’il ait demandé ce retour avant même qu’un accord de paix quel qu’il soit se trouve signé, et avant même que soient abordées la question de Jérusalem et celle des « réfugiés », se situe dans la droite ligne des déclarations prononcées par lui depuis le début de sa présidence.

Obama a toujours été un ennemi résolu d’Israël. Il a toujours voulu la destruction d’Israël. La « solution » qu’il n’a cessé de préconiser est le « plan de paix saoudien » qui prévoit précisément le retour aux « frontières de 1967 », la partition de Jérusalem et le retour des « réfugiés ».

Il n’y a là, donc, aucun tournant majeur, et juste une affirmation plus tranchée d’une position claire depuis longtemps.

La vision du Proche Orient que peut avoir Obama est celle qui lui a été transmise par Rachid Khalidi, ancien responsable de l’OLP aux Etats-Unis,  et Ali Abunimah, le fondateur et animateur d’Electronic Intifada.

Ce qui a pu surprendre est qu’Obama s’affiche aussi résolument « pro-palestinien » alors qu’il est en campagne pour sa réélection. Est-il trop sûr de lui ? A t-il cédé à ses tendances dogmatiques profondes ? Ne s’est-il pas rendu compte qu’il allait trop loin dans sa volonté de déstabiliser Netanyahu ? Il y a un peu de tout cela, sans doute. Il y a surtout une volonté de poursuivre une entreprise de délégitimation d’Israël qui n’a cessé depuis l’arrivée d’Obama à la Maison Blanche. Il y a eu, incontestablement, une volonté d’occulter la signification du rapprochement entre le Fatah et le Hamas.  

Ce qu’on peut dire ensuite est que les réponses de Netanyahu ont été fermes sans être provocantes, porteuses d’un rappel de données essentielles concernant l’inacceptabilité par Israël de frontières indéfendables, l’indivisibilité de Jérusalem, capitale d’ Israël, l’impossibilité de créer un Etat palestinien disposant de continuité territoriale sans couper Israël en deux, le rapport essentiel du peuple juif à la terre d’Israël, la nécessité impérative que les dirigeants arabes reconnaissent Israël en tant qu’Etat du peuple juif, le danger majeur incarné par l’Iran et par l’islam radical. On peut regretter que Netanyahu ne soit pas allé plus loin, mais on doit constater qu’il a tenu bon sur ces données essentielles, et on doit constater aussi que ses propos ont été extrêmement bien reçus par leurs destinataires américains.

Cela a constitué une victoire morale et politique écrasante pour lui, et une défaite cinglante pour Obama.

L’ovation debout reçue par Netanyahu au Congrès a constitué, elle, un formidable désaveu pour les positions d’Obama, et ce désaveu est allé bien au delà des républicains.

Netanyahu s’est comporté en homme d’Etat. Il a surclassé Obama de façon magistrale, mais ce n’est pas surprenant : Netanyahu surclasse Obama sans cesse depuis janvier 2009. Si Obama espérait qu’il en irait autrement cette fois, il lui faut constater qu’il a échoué. Cet échec empêchera-t-il Obama de récidiver ? Je ne pense pas : Obama a trop de haine envers Israël pour s’en tenir là. Mais  il sera difficile pour lui de récidiver trop vite et de manière trop ostensible, et c’est essentiel.  

Ce qu’on peut ajouter concernant les propos de républicains et conservateurs aux Etats-Unis,  de membres démocrates du Congrès, et de journalistes américains est qu’il a été très visible que les plus fermes soutiens d’Israël sont, outre Atlantique, républicains et conservateurs. Certains démocrates ont suivi, sans incarner l’ensemble du mouvement démocrate, et se sont ainsi démarqués d’Obama. Nombre de journalistes américains, même nombre de ceux orientés à gauche se sont eux-mêmes démarqués d’Obama. Ce qui traduit un certain nombre de faits : les Etats-Unis restent un pays très attaché à Israël, cet attachement est bien plus fort chez les conservateurs parce qu’il traduit un attachement aux valeurs fondamentales du judaïsme et du christianisme, cet attachement est plus faible chez les démocrates, tout particulièrement depuis une vingtaine d’années parce que le parti démocrate s’éloigne des valeurs fondamentales du judaïsme et du christianisme, Obama incarne une aile extrémiste de gauche au sein du parti démocrate, et seule cette aile extrémiste de gauche aux Etats-Unis est « pro-palestinienne ».

On peut noter que si  certains dirigeants de la communauté juive  américaine ont émis de vives réserves vis-à-vis des propos d’Obama, nombre d’entre eux sont restés très en retrait et, tout en applaudissant Netanyahu, ne se sont pas dissociés des propos d’Obama : ce qui montre qu’il existe un problème dans les liens entre la communauté juive américaine et Israël. Lorsqu’ils ont à choisir entre un soutien à Israël et un soutien au parti démocrate, nombre de dirigeants de la communauté juive américaine ne choisissent pas Israël. Norman Podhoretz a publié en 2009 un livre expliquant pourquoi les Juifs américains  ont été huit sur dix à apporter leurs suffrages à Obama : une grande partie des Juifs américains ont, a écrit Podhoretz, quitté le judaïsme pour adhérer à une autre religion, celle des dogmes de la gauche américaine.

Ce qu’on peut préciser ensuite est que les réactions de dirigeants politiques et de journalistes européens ont été profondément différentes, puisqu’en Europe, les propos d’Obama ont fait l’objet d’une approbation quasiment unanime, tandis que ceux de Netanyahu ont été reçus avec hostilité et circonspection. Le fossé creusé depuis des années entre les Etats-Unis et l’Europe ne cesse à l’évidence de s’élargir. Le fossé creusé entre Israël et l’Europe ne cesse lui-même de s’élargir. L’Europe est de plus en plus éloignée des valeurs qu’Israël et les Etats-Unis ont fondamentalement en commun. Les positions de l’aile extrémiste de gauche « pro-palestinienne » aux Etats-Unis sont, en Europe, celle de quasiment toute la classe politique et médiatique. Le moins qu’on puisse dire est que c’est très inquiétant, même si ce n’est pas du tout nouveau.  

Ce qu’on doit remarquer enfin est que les réactions des journalistes arabes et des dirigeants palestiniens ont été encore plus extrêmes que celles des dirigeants politiques et journalistes européens. Obama a beau être le Président des Etats-Unis le plus hostile à Israël depuis 1948, il a beau s’être déclaré en faveur des « frontières de 1967 », il a beau avoir tenu des discours louangeurs vis-à-vis de l’islam, ce n’est pas suffisant pour les journalistes arabes qui, semble-t-il, ne seraient éventuellement satisfaits que si Obama prônait la destruction immédiate d’Israël ; ce n’est pas suffisant non plus pour les dirigeants palestiniens, qui ne veulent pas même des « frontières de 1967 » puisqu’ils veulent, à la rigueur, un Etat à la place d’Israël, sur les décombres sanglants d’Israël.  

A quoi doit-on s’attendre, en ces conditions générales, dans les mois à venir ?  

A une poursuite de l’entreprise de délégitimation d’Israël par Obama, mais affaiblie : il a trop de haine, disais-je, pour en rester là, mais la défaite que vient de lui infliger Netanyahu aura des conséquences.  

A un renforcement politique de Netanyahu en Israël : renforcement que traduisent les sondages, et qui lui donnera davantage de possibilité d’affirmer ses positions sans risquer de se trouver déstabilisé par une opposition désormais très décrédibilisée (les positions de Tzipi Livni, sur qui Obama entendait s’appuyer, frôlent désormais le ridicule).  

On peut anticiper aussi un renforcement du discours de soutien à Israël dans le camp républicain et conservateur aux Etats-Unis, une tentative des démocrates de limiter les dégâts créés par Obama sur ce plan, et une recomposition graduelle de la représentation de la communauté juive américaine : des soutiens importants d’Obama sont en train de quitter le navire.  

On peut anticiper des positions européennes de plus en plus nettement hostiles à Israël, qui s’énonceront en synergie avec l’hostilité arabe croissante envers Israël.  

Une déclaration unilatérale d’indépendance d’un Etat palestinien en Judée-Samarie pourrait être entérinée par l’assemblée générale des Nations Unies cet automne : elle sera accompagnée par un veto américain, car Obama ne pourra pas, désormais, faire autrement.  

Elle sera vraisemblablement accompagnée aussi par une reconnaissance de cet Etat palestinien par plusieurs pays européens, parmi lesquels, sans doute, la France.  

Elle pourrait déboucher sur des violences et sur un redoublement de vigueur des campagnes anti-israéliennes en Europe.  

Le gouvernement israélien me semble en mesure de résister aux violences et de répondre aux campagnes. Il le devra. Je ne doute pas qu’il s’y prépare déjà.  

Tôt ou tard, Israël devra passer d’une posture défensive à une posture plus offensive. Le moment de ce changement de posture semble approcher.  

Il viendra peut-être plus tôt que prévu. Des « flottilles pour Gaza » se préparent à déferler. Le 5 juin, diverses organisations prévoient des opérations insurrectionnelles de débordement des frontières d’Israël inspirées de la récente « journée de la nakbah ».

Guy Millière

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