Publié par Guy Millière le 1 août 2011

Une semaine après les faits, un regard d’ensemble sur la réaction des médias français et européens face aux actes abominables commis par Anders Breivik s’impose, et montre une cécité consternante et, hélas, significative. 

Anders Breivik est « chrétien », s’obstine-t-on à dire quasiment partout. En dehors d’une vague référence à l’ordre des Templiers, le rapport de Breivik au christianisme est pourtant très mince : il semble que la volonté d’incriminer un « chrétien », même s’il n’est pas chrétien soit la plus forte. Pourquoi cette haine du christianisme ? Le christianisme repose sur le respect de l’être humain, la compassion, l’éthique : tout ce que Breivik est venu fouler aux pieds.  
 
Anders Breivik est d’« extrême-droite », continue-t-on à lire. Les références que Breivik donne dans le galimatias de mille cinq cent pages qu’il a rédigé sont hétéroclites, et vont d’Hitler à l’extrême gauche en passant par l’écologisme radical, mais, puisqu’il cite aussi des auteurs d’extrême droite, et divers auteurs conservateurs, il est clair que la volonté de pointer du doigt l’«extrême droite », et d’en profiter pour amalgamer extrême-droite et conservatisme, ressemble pour certains à une véritable aubaine. Pourquoi cette haine du conservatisme et cette volonté perverse de l’associer à l’« extrême-droite » ? Pourquoi, surtout, cette ignorance de ce qu’est le conservatisme du monde qui parle anglais (celui que cite Breivik) ? Le conservatisme du monde qui parle anglais respecte l’individu, la vie, est partisan d’un gouvernement limité à ses fonctions régaliennes : il n’a strictement rien à voir avec l’embrigadement militariste, collectiviste et belliciste du fascisme ou du national-socialisme que cite obsessionnellement Breivik. 
 
Anders Breivik est « islamophobe », est-il ajouté sans cesse, et Breivik cite effectivement presque tous ceux qui ont écrit de manière critique sur l’islam dans le monde occidental aujourd’hui. Breivik dit aussi qu’il est prêt à passer des alliances avec les islamistes pour détruire l’ordre ancien et établir un ordre figé du chacun chez soi, les islamistes en terre d’islam et les Templiers en terre d’Europe : mais cela, les médias français et européens ne l’ont pas remarqué. Et ils ne disent, à ce jour, strictement rien des alliances que Breivik envisageait de passer avec les islamistes. Pourquoi cet aveuglement sur les alliances que Breivik évoquait avec les islamistes ? Et pourquoi ne pas dire que les islamologues cités par Breivik proposent d’adopter une démarche très différente, et qui n’a strictement rien à voir avec ce qu’écrit Breivik : combattre l’islam radical par la force s’il le faut, mais surtout par les idées, assumer la globalisation, dire que ce que sera l’islam en Europe dépendra de ce qu’est l’islam mondial. Breivik cite des islamologues dont il ne reprend fondamentalement en rien les analyses. 
 
Anders Breivik s’en prend au « multiculturalisme », est-il noté enfin. Et c’est exact. Mais il tient aussi des propos antisémites et énonce un regret très explicite qu’Hitler n’ait pas expulsé tous les Juifs d’Europe, et ait commis « l’erreur » d’en tuer beaucoup, sans quoi il serait un « grand homme » : cela les médias français et européens ne l’ont pas vu. Certains journalistes le présentent, au contraire, comme un ami d’Israël, quasiment un « sioniste ». Y aurait-il chez eux une volonté d’assimiler « sionisme » à « extrême-droite » ? Je le pense. Y aurait-il une dimension antisémite dans la réaction médiatique française et européenne. Pourquoi, sinon, avoir décrit Breivik comme un ami de la cause israélienne ? Breivik est fondamentalement antisémite et accepte Israël comme un moyen de vider l’Europe de toute présence juive : il n’a rien d’un philosémite ou d’un ami d’Israël. 
 
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Il semble évident qu’Anders Brevik est mentalement malade et vecteur d’une forme de psychose paranoïaque : celle-ci ne l’empêchant pas du tout d’être très déterminé, et d’avoir une logique dans son délire et d’avoir écrit un galimatias. C’est ce qui se dit dans la presse conservatrice américaine, analyses à l’appui, et je pense que c’est exact. 
 
Il semble évident qu’Anders Breivik est un homme isolé, qui a conçu son plan et rédigé son manuscrit tout seul, même s’il semble avoir rencontré des membres de la (plutôt fasciste) British Defense League. C’est ce qui se dit dans la presse conservatrice américaine toujours, analyses à l’appui, toujours. Et je pense que, jusqu’à preuve du contraire, cela correspond aux faits. 
 
Il semble évident, ajouterai-je, que nul ne pourrait suivre la logique d’Anders Breivik, sauf, peut-être un autre homme atteint du même dérangement mental : nul, sauf un malade dans un état grave ne peut imaginer susciter un soulèvement de « Templiers » en massacrant des adolescents et en posant une bombe dans un centre ville. 
 
Il semble que si on veut tenter de trouver un sens dans le galimatias écrit par Anders Breivik, ce sens soit à chercher dans une référence délirante aux Templiers, mais pas du tout dans le christianisme, dans des relents fascistes, nationaux socialistes, mais pas du tout dans le conservatisme (et surtout pas dans le conservatisme qu’il cite), dans une idée du chacun chez soi et d’alliances tactiques avec les islamistes, et pas du tout dans un rejet de l’islam en lui-même, dans une idée de la pureté des cultures teintée d’antisémitisme, et pas du tout dans le philosémitisme. 
 
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Il semble évident aussi, ce doit être précisé en ce contexte, que le délire d’Anders Breivik s’est trouvé alimenté par une réalité : la dérive de l’Europe vers une police de la pensée généralisée qui annihile la réflexion, et la remplace par une bouillie informe, faite de détestations vagues vis-à-vis de tout ce qui serait extérieur à une pensée unique génériquement social-démocrate, et le glissement parallèle de l’Europe vers l’émergence de zones de non droit, de bandes ethniques et de poussées islamistes. 
 
Dans une démocratie fonctionnant normalement, il existe une liberté de parole, des débats logiques et rationnels, et tous les problèmes peuvent être abordés en regardant la réalité en face. 
 
Dans les sociétés européennes, qui n’ont plus rien de démocratique et qui ressemblent, comme vient de le rappeler à juste titre Caroline Glick, à la « démocratie totalitaire » décrite par Jacob Talmon dans ses analyses de la Terreur sous la Révolution française, la liberté de parole est asphyxiée, les débats disparaissent au profit des anathèmes et des amalgames, et il est impossible d’aborder certains problèmes sans recourir à une langue de bois, qui voile soigneusement certains faits et rend tabou de les évoquer. Cela n’incite pas ceux qui souffrent de cette situation d’ensemble, ou qu’elle révolte, à adopter un comportement violent. 
 
Mais une telle situation d’ensemble, lorsqu’elle croise la trajectoire d’un malade mental peut alimenter certains délires et entraîner certains comportements.  
 
Les Norvégiens se demandent aujourd’hui comment la Norvège, paradis policé du politiquement correct, a pu produire un Anders Breivik : je dirai que précisément, en étant un paradis policé du politiquement correct, de la pensée unique et de la bouillie susdite, et en se laissant gagner par des enclaves de non droit, par la développement de bandes ethniques et par des poussées islamistes sans pouvoir répondre, la Norvège constituait un terrain fertile pour qu’un Anders Brevik puisse y émerger.
 
Les médias français et européens se demandent gravement ce qui s’est passé, et leurs réponses biaisées, faussées, falsifiées par le politiquement correct, la pensée unique et la bouillie ne permettent pas de comprendre, au contraire. Elles témoignent de l’ampleur du mal européen qui plonge ce continent vers l’agonie et un lent chaos. 
 
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C’est en détruisant la démocratie et la liberté de parole, en installant une police de la pensée, une pensée unique, et une bouillie qui empêche de comprendre quoi que ce soit, qu’on produit des malades mentaux qui se conduisent comme Anders Breivik. Celui-ci est une abominable exception. Il pourrait y avoir d’autres exceptions, hélas. 
 
Les médias français et européens, en continuant obstinément à aller dans la même direction, mettent en place les conditions faisant qu’il peut risquer effectivement d’y avoir d’autres abominables exceptions. Les dirigeants politiques parlent globalement comme les médias. 
 
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Au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, des dirigeants européens ont construit, au nom du rejet du fascisme et du national-socialisme, un édifice absolutiste reposant fondamentalement sur la défiance vis-à-vis de la démocratie, sur la défiance vis-à-vis du marché, sur la remise du pouvoir à des technocrates censés être « éclairés » et avoir les « bonnes idées », sur des orientations de type social-démocrate. 
 
La suite est connue : constitution d’Etats providence hypertrophiés, prise en main des médias, des universités, de tout le secteur de l’enseignement par les tenants des « bonnes idées », dissémination par ce biais d’un rejet graduel de tout ce que la civilisation occidentale a produit de plus fécond, et que christianisme, conservatisme au sens où je l’ai défini plus haut, et judaïsme, préservent et incarnent, diffusion d’un relativisme généralisé. 
 
Les résultats sont là : la démocratie est très largement abolie en Europe, ce qui entraîne des révoltes des peuples, les marchés dirigés sont asthéniques, les « bonnes idées » des technocrates ont construit un château de carte en train de s’effondrer, les Etats providence sont en faillite, les « bonnes idées » sont hégémoniques, la haine du christianisme, du conservatisme, du judaïsme, se disséminent, le relativisme produit tout à la fois la non intégration de fragments vastes des communautés musulmanes, et la crispation symétrique de gens qui glissent vers l’extrémisme de droite, pour certains, vers l’extrémisme de gauche pour d’autres. 
 
A l’intersection de la crispation et de la maladie mentale, il peut y avoir un Anders Breivik et des atrocités. 
 
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L’Europe qui s’est construite ressemble à une grande fuite en avant vers un précipice. 
Dans cette fuite en avant, il y a d’autres ingrédients dont il faut parler : une attitude d’apaisement vis-à-vis de l’islam radical qui a pour pendant des réactions de haine globale pour les populations musulmanes. La montée d’un « antisionisme » qui n’est qu’un masque supplémentaire pour le nouvel antisémitisme européen et permet, au nom de l’apaisement, à cet antisémitisme de se mêler à l’antisémitisme islamique. 
 
La Norvège est un pays qui incarne la quintessence de la fuite en avant européenne, même si elle n’est pas dans l’Union Européenne. L’économie y garde une apparence de prospérité parce qu’existe l’effet de rente venu d’exploitations pétrolières : ce n’est pas une prospérité reposant sur la création entrepreneuriale. La Norvège est aussi l’un des pays européens qui vont le plus loin dans la direction de l’apaisement vis-à-vis de l’islam radical. C’est l’un des pays les plus antisémites d’Europe, et c’est le pays le plus « antisioniste » d’Europe.
 
Les jeunes socialistes norvégiens sur lesquels Anders Breivik a tiré étaient réunis dans un camp de formation très politiquement correct, très « pensée unique », très porteur d’apaisement vis-à-vis de l’islam radical, et très imprégné d’antisémitisme déguisé en « antisionisme ».  
 
Ces jeunes très politiquement corrects et très « pensée unique » rêvaient de soutien au terrorisme arabe pourvu qu’il tue des Juifs, et ne craignaient donc pas un attentat islamiste. C’est un autre type d’attentat auquel ils ne s’attendaient pas, qui a pris leur vie. 
 
Avoir vu, quelques jours plus tard, l’ambassadeur de Norvège en Israël donner un entretien à un quotidien israélien, le Maariv, et justifier le terrorisme « palestinien », incriminer Israël, soutenir le Hamas, dire que les attentats d’Oslo n’étaient pas justifiés mais que ceux qui tuent des Juifs en Israël le sont, a montré ce qu’est la Norvège aujourd’hui, et ce que pourrait devenir l’Europe si on continue à y dire et à y écrire ce qu’on y dit et ce qu’on y écrit. 
 
Guy Millière 
 
PS : Les « jeunes du Fatah » viennent de publier un communiqué condamnant les attentats d’Oslo. Perdre des compagnons de lutte est toujours triste. Ils ne pourront plus rêver ensemble de tuer des Juifs. Les « jeunes du Fatah » avaient été invités l’an dernier sur l’île d’Utoya par les jeunes travaillistes norvégiens. Aucun communiqué n’a été publié par les « jeunes » du Hamas.
 
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© Guy Millière pour Dreuz.info

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