Publié par Guy Millière le 28 octobre 2011
Un autre sommet de la dernière chance a donc eu lieu dans la nuit de mercredi à jeudi. L’euro est sauvé : jusqu’à la prochaine crise. Et celle-ci est pour bientôt. Quelques semaines. Quelques mois tout au plus.
 
La construction européenne, au commencement, visait à la mise en place d’une zone de libre échange économique et de libre circulation des citoyens des pays européens. Se sont très vite ajoutées des bureaucraties technocratiques qui ont pris de plus en plus d’importance et de puissance. Puis il a été décidé de passer à une prochaine étape : l’Europe politique. Celle-ci suscitant des réticences et signifiant des abandons de souveraineté, il fut choisi de créer l’euro, avec l’idée que l’unification politique suivrait. Nous sommes maintenant face aux résultats.
 
L’Europe est une structure informe et bancale au sein de laquelle il y a un Président qui ne préside pas, Herman van Rompuy, un Président de la Commission qui dirige l’ensemble des technocrates chargés de produire des réglementations à n’en plus finir, mais qui ne préside pas lui non plus, Jose Manuel Barroso. Il y a, à côté de cela, pour prendre les décisions, des réunions de chefs d’Etat ou de gouvernement qui ont de plus en plus de difficultés à se mettre d’accord et à décider quoi que ce soit, parce qu’ils ont chacun leurs impératifs de politique intérieure. Rien d’étonnant à ce que l’ensemble ait l’apparence d’un bateau ivre flottant comme un chien mort sur le fil de l’eau. 
 
L’euro est une monnaie artificielle, créée pour plusieurs pays qui n’ont pas les mêmes cultures, les mêmes économies, les mêmes rythmes de croissance, les mêmes gains de productivité, les mêmes lois sociales et les mêmes mœurs politiques. 
 
Son taux de change se fixe comme une moyenne entre les pays qui devraient avoir une monnaie plus faible et ceux qui devraient avoir une monnaie plus forte, et il avantage dès lors les premiers (les pays les plus rigoureux et les plus productifs) et asphyxie les seconds (les pays les moins productifs). 
 
Ses taux d’intérêts eux-mêmes ne peuvent être fixés en fonction de l’offre et de la demande d’argent dans un contexte donné, puisqu’il y a dix sept contextes différents, et s’ils sont adéquats pour un pays, ils ne peuvent l’être pour un autre, ce qui produit ici des effets d’asthénie, ailleurs des effets d’aubaine, propices aux bulles financières. 
 
L’euro est une monnaie orpheline d’une zone monétaire optimale qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais, car elle impliquerait une unification qui chaque jour semble plus impensable.
 
Ce qui est à l’ordre du jour est, officiellement, l’aide à la Grèce, et la demande faite aux banques, d’abandonner plus de la moitié de ce que la Grèce leur doit. 
 
Cela va impliquer, si les banques acceptent (nul doute qu’on va leur faire, comme on dit dans la mafia, une proposition qu’elles ne pourront pas refuser) une recapitalisation de celles-ci : autrement dit, pour compenser la perte d’argent découlant du fait que la Grèce fait défaut, on va injecter dans les banques de l’argent public. 
 
Comme celui-ci doit venir de quelque part, et que l’Allemagne est hostile à toute nouvelle création de monnaie par la Banque Centrale Européenne, donc à l’inflation, ce qui peut se comprendre, il reste à emprunter cet argent ou à le prendre par des taxes et impôts supplémentaires.
 
L’Allemagne accepte de payer encore cette fois, mais pas au delà d’une certaine somme. 
 
Angela Merkel a dû parler de guerre et d’apocalypse pour que l’acceptation soit acquise, et il est clair que ce sera la dernière fois. Angela Merkel a mis son avenir politique en péril et a même, sans doute, fait une croix dessus : il est visible que les Allemands sont de plus en plus réticents face à l’idée de payer sans cesse, et on voit circuler dans la presse allemande des textes proposant soit l’instauration d’un gouvernement européen dirigé par l’Allemagne et aux conditions allemandes, soit un geste faisant que l’Allemagne se détache de la zone euro et forme une Union monétaire avec les pays nordiques, laissant dans l’euro les pays dits du « Club Med » et la France, ce qui entraînerait un décrochage de la valeur de l’euro de trente pour cent environ. 
 
La France, par la voix de Nicolas Sarkozy, ne veut ni d’un gouvernement allemand, ni se retrouver en deuxième division, et Sarkozy courtise Merkel, qui a cédé, un peu. Néanmoins le divorce entre la France et l’Allemagne semble s’approcher et se produira, sauf si la France fait acte d’allégeance à Berlin, et encore : un acte d’allégeance ne sera pas nécessairement suffisant.
 
On peut le dire dès aujourd’hui: la Grèce ne sera pas sauvée par le plan de sauvetage, même si elle est placée sous l’étroite surveillance de bureaucrates européens, car elle a, avec l’euro, une monnaie trop forte pour son économie, ce qui empêche tout redémarrage économique, et, faute de pouvoir dévaluer, la Grèce est condamnée à la stagnation permanente, à une baisse du niveau de vie, et à un chômage élevé. 
 
On doit le dire : ni l’Espagne, ni le Portugal, ni l’Italie eux-mêmes ne sont sauvés, parce qu’ils auraient besoin eux aussi d’une dévaluation, et doivent se contenter de stagnation, de baisse du niveau de vie et de chômage. 
 
Ni la Grèce ni l’Espagne, ni le Portugal ni l’Italie ne sont en mesure de rembourser leurs dettes aujourd’hui. 
 
Ni la Grèce ni l’Espagne, ni le Portugal ni l’Italie ne seront en mesure de rembourser leurs dettes demain. 
 
L’argent prêté à la Grèce sera englouti, malgré les baisses des salaires, des pensions, des allocations diverses, et il faudra à nouveau de l’argent dans moins d’un an, en grande quantité. L’Espagne, le Portugal, l’Italie sont les suivants sur la liste, et ils auront besoin d’énormément d’argent à engloutir pour eux –mêmes n’être pas tirés d’affaire. 
 
Le fonds de « stabilité financière », prévu dans le plan de sauvetage, montre d’ailleurs que ses concepteurs savent que cela ne va pas s’arrêter à la Grèce et à l’abandon d’un fort pourcentage de la dette grecque demandé aux banques, et à la recapitalisation de celles-ci en ce cadre. Les dirigeants européens savent qu’il s’agit de bien davantage, et connaissent la liste de pays que je viens de citer.
 
Ils savent, qui plus est, que pour sembler maintenir Athènes debout, puis Rome, puis Madrid et Lisbonne, ils se mettent eux-mêmes en péril. 
 
En s’endettant davantage pour que la Grèce n’implose pas en une implosion qui serait suivie immédiatement de celle de l’Espagne, du Portugal et de l’Italie, la France s’endette tant, qu’elle pourrait perdre sa note triple A auprès des agences de notation, ce qui pourrait rendre ses prochains emprunts bien plus coûteux. 
 
L’Allemagne ne s’endette pas, mais entame des réserves qu’elle avait faites pour des jours difficiles qui viendront à coup sûr.
 
Le fonds de « stabilité financière », disons-le, sera de toute façon insuffisant pour éviter que le navire Europe ne continue à sombrer, car le problème est ailleurs : dans la construction même du navire.
 
Signe de ce qui vient : les dirigeants européens parlent désormais d’une somme de mille milliards de dollars au moins pour l’immédiat. Somme que les pays européens de la zone euro ne peuvent réunir. 
 
Où trouver une pareille somme dans l’immédiat ? On parle des pays arabes producteurs de pétrole, l’Arabie Saoudite et les émirats du Golfe. On parle de la Chine et du FMI, et même des Etats-Unis, qui sont eux-mêmes surendettés aujourd’hui grâce à Obama. Voudront-ils, les uns et les autres, investir à fonds perdus sans arrières pensées dans un puits sans fond ? Les dirigeants des pays de la zone euro le parient. Ils jouent au poker. 
Comment tout cela finira-t-il ? Très mal, je pense, je l’ai déjà écrit plusieurs fois. Tôt ou tard, l’euro va se briser, et plus longtemps on le maintiendra, plus cela coûtera cher en argent, en absence de croissance, en pertes d’emplois et même en pauvreté.
 
Une Europe qui devrait sa survie provisoire à des pays du monde arabe et à la Chine se trouverait reconduite à un statut médiocre sur la surface du monde. Tout écart avec la politique voulue par le monde arabe et par la Chine aurait des conséquences. Les Etats-Unis doivent beaucoup d’argent à la Chine, mais ils restent la première puissance du monde et ont la première armée du monde, ce qui fait une très nette différence, qu’Obama s’emploie à effacer sans y être encore parvenu. 
 
Nous sommes dans une longue agonie qui a d’autres facteurs, on le sait. 
 
La démographie : au vieillissement accéléré de la plupart des pays d’Europe et à la dénatalité, s’ajoutent des flux migratoires qui font partir d’Europe des gens porteurs de capital intellectuel, et arriver en Europe des gens sans capital intellectuel. 
 
Des systèmes de redistribution sociale qui sont en déficit et au bord de l’effondrement : les systèmes de santé de la plupart des pays européens sont de plus en plus déficitaires, et contraints à des rationnements plus ou moins déguisés. Les systèmes de retraite sont quasiment en banqueroute, et d’ici quelques années à peine, on voit mal comment les retraites seront payées.
 
Ce qu’on présente comme une « crise des dettes souveraines » vient très largement aussi du fait que les Etats européens ont mis en place ces systèmes de redistribution sociale qui coûtent de plus en plus cher, suscitent de la passivité, dissuadent la création d’entreprises, et attirent les gens qui cherchent à vivre de la rente. 
 
Si on ajoute les zones de non droit, les banlieues de l’islam, l’hégémonie dans les médias, et le secteur de la culture de tenants d’un discours politiquement correct, qui empêche que les problèmes soient abordés de manière sérieuse et pertinente ; si on ajoute aussi que, d’ores et déjà, plus de la moitié de la population des pays européens reçoit des allocations sociales, ne paie pas d’impôts, et est toujours à même de voter pour que soient augmentés les impôts de l’autre moitié de la population, ou de faire des émeutes si les allocations ne sont pas versées, il n’y a pas de quoi avoir un milligramme d’optimisme. 
 
Il y a vingt ans, l’Europe représentait vingt cinq pour cent du PIB mondial : elle est tombée aujourd’hui un peu en dessous de dix-huit pour cent, et elle continue à descendre.
 
Reproduction autorisée, et même vivement encouragée, avec la mention suivante et le lien ci dessous : 
© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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