Publié par Jean-Patrick Grumberg le 6 novembre 2011
Alors que la menace nucléaire iranienne revient sur le devant de la géopolitique, avec la publication, la semaine prochaine, du nouveau rapport, accusateur, de l’Agence Internationale à l’Energie Atomique, et que Nicolas Sarkozy, lors du G20, a promi « de ne pas rester les bras croisés, si l’existence d’Israël était menacée », il m’a semblé utile de s’éloigner du discours superficiel et agité du petit Président Français, et de publier cette enquête.
 
Le Figaro (1) rapporte ces propos d’Efraim Halevy, ancien directeur du Mossad : « Nous sommes en guerre contre l'Iran. La plus grande partie de cette guerre est clandestine. Et les deux parties ont intérêt à ce qu'elle reste secrète ». 
 
Richard L. Rubenstein a publié aux Etats-Unis une étude approfondie, qui vient d’être traduite en français sous le titre ‘Jihad et Genocide Nucléaire’ *. 
 
« Probablement l’analyse la plus profonde publiée à ce jour sur l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran », conclut Michel Gurfinkiel qui ajoute « on souhaiterait que chaque ministre et chaque député, en Europe et en France, prenne le temps de consulter cet ouvrage ». 
 
Extraits, avec l’aimable autorisation de l’éditeur (2) : 
 
Les capacités d’opposition d’Israël à la menace nucléaire iranienne. 
 
Israël n’est pas dénué de moyens de faire face à la menace iranienne. Selon le Wall Street Journal, lorsque son équipe éditoriale, au cours d’une conférence le 2 avril 2009, demanda à l’amiral Mike Mullen, président du Comité des chefs d’état-major interarmées (US), « si Israël était en mesure de causer des dommages significatifs aux dispositifs nucléaires de l’Iran », sa réponse fut simplement « Oui ».
 
Selon un des scénarios, Israël constate que l’Iran est déterminé à lancer une attaque nucléaire. Dans l’incapacité de prouver cette attaque, les Forces de Défense Israéliennes (FDI) déclenchent une attaque préventive paralysante avant que les armes nucléaires iraniennes ne puissent être mises en œuvre. Ce qui ne va pas sans difficultés. Néanmoins, certains observateurs de la sécurité considèrent cette action comme réalisable. Par exemple, Whitney Raas et Austin Long, l’un et l’autre rattachés au MIT (Massachusetts Institute of Technology), en sont venus à cette même conclusion dans une étude publiée dans International Security. Selon eux, plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’une attaque israélienne réussisse : trois équipements iraniens doivent être mis hors-circuit, 1) l’usine d’eau lourde et les réacteurs de production d’uranium en construction à Arak ; 2) le dispositif de transformation d’uranium à Isfahan ; et 3) le complexe d’enrichissement d’uranium à Natanz. La destruction du site de Natanz est capitale. La destruction des trois sites exigerait vingt-quatre bombes de 5 000 livres (2 300 kg) et vingt-quatre bombes de 2 000 (900 kg). Étant données les capacités limitées de l’Iran en matière de défense terrestre et aérienne, Raas et Long estiment que les FDI auraient besoin de trente-cinq F-15 et vingt-cinq F-16.
 
Raas et Long estiment que vingt-quatre avions israéliens doivent atteindre Natanz, six Isfahan et cinq Arak. Ils auraient à franchir de grandes distances au-dessus d’un espace hostile avant d’atteindre leur destination, mais Raas et Long considèrent que c’est réalisable.
 
Pour que la défense iranienne puisse s’y opposer, ils estiment qu’il faudrait qu’elle abatte au moins un tiers de l’aviation israélienne avant qu’elle n’atteigne ses cibles ; ce qui leur semble peu vraisemblable. Les avions israéliens, ou les missiles, pourraient également atteindre l’île Kharg, d’où sont exportés 90% du pétrole iranien, infligeant ainsi un sérieux dommage à l’économie de l’Iran.
 
Raas et Long n’envisagent pas la possibilité que la Russie puisse livrer à l’Iran son système de missiles sol-air le plus moderne, le système SA-20, dénommé aussi S-300, lequel est réputé pouvoir atteindre une centaine de cibles en lançant jusqu’à douze missiles à la fois, et est beaucoup plus résistant aux détections électroniques que les précédents. Le 18 décembre 2008, l’Agence russe d’informations (RIA) annonça que la Russie était en pourparlers pour livrer ce système à l’Iran. Un tel déploiement opérationnel représenterait « un obstacle presque insurmontable » pour les forces de défense israéliennes conventionnelles. L’acquisition de ce système par l’Iran compliquerait aussi beaucoup tous les plans des États-Unis pour vaincre les capacités nucléaires de l’Iran avec des armes conventionnelles.
 
À l’heure où j’écris, on ne sait pas si la Russie a livré ce complexe à l’Iran. Depuis plusieurs années la Russie promet à l’Iran une technologie nucléaire, mais elle ne cesse d’en retarder la livraison. Cela met les Russes dans une situation avantageuse vis-à-vis des États-Unis, qui pourraient s’inquiéter davantage d’un Iran équipé d’un système complexe de défense aérienne que du transfert de la technologie nucléaire. Selon une source, les Russes pourraient se servir du Moyen-Orient « comme d’un levier pour obtenir des concessions de la part des États-Unis au sujet de leurs voisins immédiats ». L’invasion de la Géorgie par la Russie en août 2008 a rappelé que les Russes refusent toute ingérence américaine sérieuse en ce qui concerne ce pays, la Biélorussie, l’Ukraine et les pays d’Asie Centrale autrefois membres de l’Union Soviétique. La menace d’équiper l’Iran d’un système très performant de missiles sol-air pourrait être la manière russe de persuader une Amérique enlisée en Afghanistan de ne pas intervenir dans sa stratégie. Et de fait, le 17 février 2008, la nouvelle parut dans la Pravda selon laquelle la Russie reportait la livraison du système de missiles S-300, « dans l’espoir que cela renforcerait ses liens avec les États-Unis ».
 
Il est aussi possible qu’Israël prenne des contre-dispositions électroniques pour mettre en échec le système S-300. 
 
En août 2008, un haut-fonctionnaire de la défense en Israël déclara que « si le système était livré, un dispositif EW [guerre électronique] sera vraisemblablement mis en place pour le neutraliser ». Il ajouta que « aucune nation ne voudra acheter ce système s’il est prouvé qu’il est inefficace ». Nous reviendrons plus loin sur les dispositifs électroniques que pourrait installer Israël.
 
D’autres Israéliens croient qu’une attaque préventive est la seule option. Et quoiqu’une telle attaque doive d’abord se concentrer sur des objectifs militaires, les Iraniens, de leur côté, ont clairement annoncé qu’ils ne feraient pas de différence entre objectifs militaires et objectifs civils. Les Israéliens doivent prendre en compte de possibles tirs de missiles venant simultanément d’Iran, de Syrie, du Hezbollah et du Hamas. Une fois l’escalade commencée, comprenant que c’est leur existence-même qui est en jeu, les Israéliens pourraient se sentir contraints d’utiliser leur arsenal nucléaire en direction de cibles civiles.
 
Il y aurait alors, sans aucun doute, une riposte iranienne. Israël et l’Iran ont des capacités de seconde frappe. Le 17 janvier 2008, la radio israélienne annonça que le pays avait expérimenté avec succès un missile balistique de longue portée à charge non conventionnelle. Le même jour, le président Ahmadinejad déclara au cours d’une interview journalistique que « le régime sioniste … n’oserait pas attaquer l’Iran. La riposte iranienne le leur ferait regretter et cela ils le savent ». En d’autres occasions, l’Iran a menacé d’envoyer, en riposte à une attaque israélienne, ses missiles et ceux du Hezbollah.
 
En novembre 2007, Anthony Cordesman, du Centre d’Études stratégiques et internationales de Washington (CSIS), un analyste très estimé en matière de sécurité, ancien directeur des évaluations stratégiques auprès du Secrétaire à la Défense, examina les conséquences de l’échec probable des efforts diplomatiques destinés à empêcher l’Iran d’acquérir un arsenal nucléaire. En mars 2009, Cordesman et Abdullah Toukan, expert associé au Centre, présentèrent déjà une nouvelle étude sur le même sujet. 
 
Cordesman partait de cette prémisse : l’acquisition d’armes nucléaires par l’Iran plongerait le monde dans la menace constante d’un échange nucléaire entre Israël et l’Iran. 
 
Dans la première étude, Cordesman s’opposait à Rafsanjani qui affirmait qu’à l’issue d’un tel échange Israël serait complètement détruit, tandis que l’Iran – quoique gravement touché – serait capable de survivre : Cordesman défendait la thèse inverse, Israël causerait d’énormes pertes en hommes, entre seize et vingt-huit millions d’Iraniens périraient lors des vingt-et-un premiers jours, avec un nombre incalculable de morts à plus long terme. Quant à Israël, il aurait probablement entre deux cent mille et huit cent mille morts. Passés les vingt-et-un premiers jours, le nombre des décès pourrait beaucoup s’accroître. Le facteur crucial qui permet de minimaliser les pertes sur le long terme étant la compétence de la défense civile et les équipements de santé publique ; Israël possède là une avance considérable. En théorie, il lui serait possible de se reconstituer démographiquement et économiquement. Mais « un rétablissement iranien n’est pas possible, au sens courant de ce terme ».
 
Selon Cordesman, la différence entre les résultats prévisibles proviendrait de la disparité des deux armements. On s’attend à ce que l’Iran dispose de moins de cinquante bombes, en majorité des bombes à fission, développant généralement une puissance de vingt à trente kilotonnes, jusqu’à cent kilotonnes pour certaines. Une bombe de cent kilotonnes peut provoquer des brûlures du troisième degré sur une distance de huit miles (environ treize kilomètres) ; une bombe d’une mégatonne les mêmes blessures sur vingt-quatre miles. On pense qu’Israël possède plus de deux cents bombes nucléaires à fission suralimentée ou à fusion, la plupart d’une puissance allant de vingt à cent kilotonnes, certaines d’une mégatonne, et équipées de systèmes d’envoi précis et sophistiqués. 
 
Dans leur étude de 2009, Cordesman et Toukan présentent une thèse plus précise de la capacité d’Israël à déclencher une attaque nucléaire contre l’Iran : « Une attaque militaire d’Israël contre les installations nucléaires iraniennes est possible et la meilleure route pour cela passerait le long de la frontière entre la Syrie et la Turquie, puis à travers une petite partie de l’Irak avant de pénétrer en Iran, et de revenir par la même voie. Cependant, étant donné le nombre d’avions requis, être ravitaillé en cours de route et atteindre des cibles sans être détecté ou intercepté est une mission complexe à hauts risques et rien ne prouve que la mission globale atteigne un taux de réussite élevé ».
 
En fait, aucun des deux camps ne pourrait « gagner » une telle guerre. 
 
Le scénario de Cordesman, selon lequel Israël pourrait survivre à la perte de huit cent mille personnes et aux dommages infligés à son infrastructure, me paraît profondément douteux même si Israël paraît capable d’infliger de plus grandes pertes à l’Iran. Si Cordesman voit juste quant à la capacité de survivre d’Israël, celui-ci devrait réserver une partie de son arsenal nucléaire afin de s’assurer qu’aucune autre puissance ne puisse tirer parti de ces frappes. Si l’Égypte ou la Syrie étaient tentées d’attaquer, ou même se préparaient à le faire, leurs centres urbains et les équipements comme le barrage d’Assouan et même le canal de Suez seraient détruits selon toute vraisemblance avec d’énormes pertes en vies humaines.
 
Le titre de l’étude de Raas et Long – « Retour à Osirak ? Estimation de la capacité d’Israël à détruire les installations nucléaires iraniennes » – indique la différence de vue entre leur étude et celle de Cordesman. Raas et Long s’intéressent surtout à la capacité d’Israël de détruire les sites nucléaires de l’Iran, tandis que Cordesman suppose que les deux camps seraient vite contraints de prendre pour cible les populations civiles de l’autre. Hélas, il y a des circonstances qui pourraient faire apparaître de tels massacres de masse sans précédent comme la meilleure option d’Israël confronté à la menace imminente d’une destruction totale.
 
Un scénario plus audacieux, mais non moins pessimiste, est dû à Andrew F. Krepinevich, président du Centre de prévision budgétaire et stratégique de Washington. 
 
Krepinevich intitule son chapitre d’étude sur Israël et l’Iran : « Armageddon : l’attaque d’Israël ». 
 
Il ouvre et clôt ce chapitre par une réflexion sur l’été de 1914, lorsque les grandes puissances européennes s’orientaient vers une guerre que nul ne désirait et que presque tous s’attendaient à être de courte durée. Au lieu de quoi « des formations massives de soldats, de l’un et l’autre camps, furent fauchées par les puissances de feu modernes, laissant une tache ineffaçable sur la profession militaire et une cicatrice sur les nations européennes ». Selon Krepinevich, « les récents événements du Moyen-Orient ont mis la région – en fait le monde – dans une situation qui promet, si elle ne le garantit pas, une issue analogue aux événements cataclysmiques qui ont été déclenchés il y a un siècle (…) ». Reste cependant une différence capitale. La guerre prochaine, à supposer qu’elle survienne, pourrait être « la première depuis presque soixante-dix ans au cours de laquelle des armes nucléaires seraient employées ».
 
Dans le scénario de Krepinevich, l’Iran met en place un dispositif nucléaire en 2011. N’obtenant pas de soutien pour des sanctions sérieuses de la part de l’ONU, les États-Unis répugnent à agir seuls. Dans un premier temps, le Hezbollah et le Hamas, mandatés par l’Iran, limitent leur attaque à des tirs sporadiques de missiles à courte-portée ; puis – sous la pression de la détérioration de l’économie en Iran – ils intensifient leurs frappes, utilisant des missiles téléguidés de précision et à longue portée, fournis par l’Iran. Un défi encore plus sévère atteint Israël lorsqu’un de ses navires de combat est touché et gravement endommagé par un « Silkworm » chinois, missile de croisière anti-navire, tiré par le Hezbollah. Le commerce maritime d’Israël est exposé aux frappes et les ennemis d’Israël semblent avoir porté un coup décisif à son économie. Parmi les possibilités qui s’offrent à Israël, il y a l’option « Armageddon » qui demande, en représailles, des attaques de missiles contre les installations portuaires d’Iran. Tandis que les Israéliens se mobilisent, l’Iran menace Israël d’une destruction nucléaire totale.
 
Au beau milieu de la crise, le président iranien en appelle à la venue du Douzième Imam, au cours d’un discours qui signifie, selon certains observateurs, que l’Iran est désireuse « de déclencher le feu d’une conflagration à grande échelle (…) incluant la possible utilisation d’armes nucléaires ». (Il faut signaler que le scénario de Krepinevich est le seul qui prend en compte l’élément apocalyptique dans les discours officiels du gouvernement iranien). 
 
Dans une tentative pour trouver une solution diplomatique, le président des États-Unis envoie à Téhéran le Secrétaire d’État, première visite de ce type depuis la Révolution islamique, mais les États-Unis ont une faible emprise. Ils ne peuvent pas non plus déployer un système perfectionné de missiles de défense dans la région parce que les iraniens interpréteraient vraisemblablement cela comme une volonté d’attenter à ses capacités nucléaires. Krepinevich cite ensuite le point de vue de Najaf Ali Mirzai, ancien diplomate iranien, sur la force de l’Iran relativement aux États-Unis : « On trouve des partisans de l’Iran un peu partout – il y en a en Irak, il y en a en Afghanistan, ils sont partout. Et vous savez, les soldats américains au Moyen-Orient sont les otages de l’Iran, dans une situation où la guerre est imposée à ce pays. Ils sont littéralement entre les mains des Iraniens. Ceux-ci peuvent où ils veulent les prendre pour cible et ce ne sont pas les missiles “Patriot” qui vont les défendre, ni quoi que ce soit d’autre ». Cependant, en dépit de l’avantage territorial apparent de l’Iran, les deux acteurs majeurs se dirigent vers une guerre que – comme celle qui commença en 1914 – « tous, vraisemblablement, regretteront ».
 
Dans tous les scénarios cités, si Israël se contente de détruire les installations nucléaires de l’Iran, opération dont le succès est incertain, cela n’annulera pas la menace à long terme d’un génocide. Avec le temps, l’armement dévastateur et les équipements peuvent être rebâtis ou remplacés. La colère et l’humiliation qui s’ensuivraient dynamiseraient la volonté de reconstruction et de vengeance. Cependant, à moins que l’Iran ne mette fin à l’acquisition d’armes nucléaires, Israël n’a que peu de choix politiques, aucun n’étant satisfaisant. En dépit des risques évidents, une frappe préventive visant la population civile pourrait apparaître à certains Israéliens le choix le plus raisonnable. Je tremble en écrivant ces mots, mais je rappelle à mes lecteurs que les dirigeants de l’Iran ont, de manière répétée, menacé de détruire complètement Israël, non l’inverse. Dans ces circonstances, si la diplomatie échoue, le seul moyen pour Israël de prévenir une éventuelle revanche après une offensive contre les installations militaires serait de détruire d’abord les centres urbains. Au plus près de la frappe préventive, la stratégie de « feu sur lancement » consisterait alors à viser ceux-ci juste au moment où serait connu le lancement des missiles contre lui.
 
En déclenchant une attaque préventive ou un « feu sur lancement » visant les principales concentrations urbaines iraniennes ainsi que les centres industriels, Israël pourrait infliger des dommages considérables. Et il ne dépendrait pas de la seule force aérienne, car il dispose du missile Jéricho-3, un missile balistique sol-sol pouvant porter une tête nucléaire, chimique ou biologique, jusqu’à, dit-on, 4 500 kilomètres. Ce missile paraît pouvoir résoudre le viol d’un espace aérien ennemi. De plus, Israël possède trois sous-marins « Dolphin Class » de fabrication allemande, capables d’envoyer des têtes nucléaires à 2 500 kilomètres. D’ailleurs, si Israël estime qu’il doit frapper les principaux centres urbains, des tirs de haute précision ne sont pas même nécessaires.
 
Vingt pour cent environ de la population iranienne, soit douze à quatorze millions de personnes, vivent dans la métropole de Téhéran, que Cordesman décrit comme « un bassin topographique (avec) un réflecteur montagneux » formant un espace « presque idéal pour une destruction nucléaire ». En raison de l’abominable perte en vies humaines et des gigantesques perturbations de l’économie globale, cette stratégie se retournerait contre son auteur et ce serait une « victoire à la Pyrrhus ». En supposant qu’Israël survive à la riposte iranienne, ses relations avec toutes les autres nations seraient empoisonnées pour de nombreuses années, avec de graves conséquences dans tous les aspects de la vie israélienne. De quelque manière qu’on interprète leurs déclarations, les dirigeants iraniens envisagent depuis presque trente années un jihad génocidaire. Comme ils ont depuis le même temps diabolisé Israël, les dirigeants iraniens et les partisans d’Ahmadinejad responsables de sa réélection en juin 2009, n’auraient vraisemblablement aucun scrupule à viser des centres civils israéliens dès un premier assaut. En dépit de ces menaces, Israël ne peut pas déclencher une frappe nucléaire préventive sans devenir définitivement le paria du monde. La rage et la violence des protestations occidentales lors de la guerre de Gaza ne seraient rien en regard de la violence de masse qui exciterait les Musulmans en colère et leurs alliés occidentaux en réponse à une telle attaque israélienne – aussi nécessaire soit-elle contre un Iran préparant une frappe nucléaire. Cette violence très vraisemblable qui répondrait à l’attaque serait incontrôlable. 
 
Malheureusement, un élément crucial des estimations israéliennes est que l’on ne peut après Hitler ignorer ou nier les menaces iraniennes comme s’il s’agissait d’exagérations. En cas de crise nucléaire, l’inaction ou l’action inefficace équivaudrait au suicide de la nation.
 
Benny Morris, éminent historien israélien, a esquissé le scénario de loin le plus triste. Un proverbe arabe dit ceci : « Mange-les au déjeuner avant qu’ils ne te dévorent au dîner ». Quoique cela puisse être le choix cruel qui guette Israël dans un futur pas si lointain, Morris a déclaré que celui-ci n’oserait pas opter pour cette voie fatale et que l’Iran utiliserait ses missiles balistiques Shahab III et IV pour infliger à Israël une seconde Shoah, peut-être même plus destructrice : « Par un clair matin, dans cinq ou dix ans, une journée ou une année après l’acquisition de la bombe par l’Iran, à Qum les mollahs convoqueront une réunion secrète (…) et donneront au président Ahmadinejad, alors en son deuxième ou troisième mandat, l’aval fatidique ».
 
À la différence d’Anthony Cordesman qui pense qu’Israël pourrait mieux survivre que l’Iran à une attaque nucléaire, Morris estime qu’Israël est incapable de résister à une attaque bien préparée et coordonnée. Selon lui, à la différence de la première Shoah, la seconde n’entraînerait aucune culpabilité de la part de ses auteurs et de ses témoins. En fait, ce serait même vraisemblablement une importante occasion de réjouissance dans une bonne partie du monde musulman. Que ce soit « la rue » ou l’élite, les Musulmans ont été « éduqués » par une gigantesque et continuelle propagande s’efforçant toujours d’accuser les Juifs et le sionisme d’être « l’incarnation absolue du mal » ; l’impératif catégorique religieux est donc qu’« Israël soit détruit ». Parallèlement, dans un effort de diabolisation, la plupart des médias occidentaux, particulièrement en Europe, ont diffamé Israël en l’accusant d’être « un État raciste oppresseur », « un anachronisme en trop » dans une époque multiculturelle.
 
Morris soutient qu’Israël, isolé sur le plan international, sera paralysé par l’indécision, espérant contre toute espérance que l’Iran agira « rationnellement ». Mais cet espoir se révélera chimérique. « Les Iraniens lanceront leurs missiles (continue Morris). Et, comme lors de la première Shoah, la communauté internationale ne fera rien. Tout sera terminé pour Israël, en quelques instants ».
 
Le scénario de Morris est de loin le plus effrayant et le plus affligeant. Il faut pourtant le prendre au sérieux. 
 
Morris a été un observateur bien informé d’Israël et de ses conflits pendant des décennies. Il connaît le peuple et ses dirigeants bien mieux que la plupart des autres analystes. Il ne discute même pas de la capacité de réplique des sous-marins nucléaires israéliens, peut-être en raison de sa conviction que, quoiqu’il en coûte à leur peuple, les Iraniens anéantiront Israël à l’heure de leur choix, croyant fermement que Allah protégera l’Iran, ou que la destruction d’Israël n’a pas de prix trop élevé.
 
Morris n’examine pas non plus « l’option Samson ». Depuis la naissance de l’État d’Israël, il y a eu des dirigeants musulmans qui n’ont pas hésité à menacer d’extermination les « sionistes », l’État hébreu et son peuple, quoiqu’ils ne disposaient pas des forces dont l’Iran dispose ou dont il disposera dans un avenir prévisible. Il était bien sûr inévitable que les dirigeants israéliens réfléchissent aux réponses possibles devant le scénario du pire, mais une réponse fut écartée : il ne se produirait pas une seconde Shoah telle que l’envisage Morris ; aucun ennemi ne referait ce que les Allemands ont infligé aux Juifs d’Europe.
 
Il y a eu un moment, lors de la guerre de 1973, où les dirigeants ont craint le pire, mais ils ont toujours refusé de répéter l’épisode de Massada. Après que les Romains détruisirent le second Temple en 70, les survivants zélotes se retranchèrent dans la forteresse de Massada où ils firent front pendant trois ans à la dixième légion romaine. Lorsque la résistance devint désespérée, ils mirent fin à leurs jours, à ceux de leurs épouses et de leurs enfants, plutôt que de se rendre aux Romains et d’endurer l’esclavage ou pire. Neuf cent soixante Juifs moururent à Massada. En mourant, ils n’entraînèrent pas leurs ennemis dans la mort. Au contraire de Samson, rendu aveugle par les Philistins. La Bible décrit ainsi la vengeance de Samson : « Que je meure avec les Philistins ». Et Samson s’arc-bouta avec force et le temple de Dagon (la divinité principale des Philistins) « s’écroula sur les tyrans et sur tout le peuple qui s’y trouvait. Les morts qu’il fit mourir par sa mort furent plus nombreux que ceux qu’il avait fait mourir durant sa vie ».
 
Si le choix de Samson était suivi par un Israël condamné, cela entraînerait dans la ruine la majeure partie du Moyen-Orient. Menacer quelque nation d’extermination est dangereux, singulièrement si elle est équipée d’armes de destruction massive. Agir ainsi envers les Israéliens après la Shoah confine à la démence !
 
Examinons finalement une hypothèse un peu plus optimiste due à Jérôme Gordon, ancien officier des services de renseignements. 
 
Notant bien que les scénarios de Cordesman et Toukan, datés de 2009, impliquent un ravitaillement au-delà de la frontière turco-syrienne à la fois à l’aller et au retour d’Iran, Gordon soutient que « les Forces de l’air israéliennes (IAF) auront du mal à trouver un endroit où les avions ravitailleurs puissent naviguer sans être repérés par les Syriens ou par les Turcs ». Il indique que l’attaque réussie d’Israël contre le réacteur nucléaire syrien le 6 septembre 2007 a cependant « démontré la maîtrise des contre-mesures électroniques (ECM) par l’IAF et sa capacité à déjouer les détections radar ». Et encore : « Les manœuvres jointes des armées de l’air israélienne et grecque l’été dernier (2008) ont montré la capacité de l’IAF à piéger (par des moyens électroniques) le système de missiles anti-aérien russe S-300 ».
 
Et il poursuit en indiquant que les missiles de croisière Typhoon, équipés par la marine israélienne de têtes porteuses conventionnelles ou nucléaires, peuvent être lancés contre des cibles iraniennes depuis les sous-marins rapides Dolphin, qui naviguent soit en Méditerranée Orientale, soit en mer d’Arabie au-delà du détroit d’Ormuz.
 
Il ajoute qu’Israël est aussi en mesure, avec ses missiles balistiques Jericho II et III, de déclencher une attaque par Impulsion Électromagnétique (EMP) contre le réseau électrique et le système de commande et contrôle iraniens, désorganisant toute l’économie du pays, en particulier son programme de développement nucléaire. Les Jericho III pourraient être équipés d’une faible charge nucléaire – moins de trois kilotonnes – pouvant être déclenchée à basse orbite, moins de quarante kilomètres. Les dommages collatéraux d’une telle attaque israélienne EMP contre l’Iran pourraient être la destruction des satellites à basse orbite voisins de l’attaque et la détérioration des réseaux et complexes électriques des États arabes du Golfe. En cas de succès, une telle attaque diminuerait d’autant les risques du côté israélien.
 
Gordon conclut son analyse par une réflexion sur un autre atout possible d’Israël : « Étant donné son rang mondial dans les prouesses de la guerre cybernétique, Israël pourrait bien disposer déjà d’une autre option non-conventionnelle, à savoir le piratage du réseau pilotant les installations nucléaires de l’Iran. Cela pourrait viser en même temps le réseau de contrôle et de commande des Gardes de la Révolution, tout en évitant les pertes liées à l’aviation et aux missiles lors d’une attaque conventionnelle ». 
 
Richard L. Rubenstein
 
Reproduction autorisée, et même vivement encouragée, avec la mention suivante et les liens ci dessous : 
Extraits de Jihad et Genocide Nucléaire * pour Dreuz.info. © Les provinciales, 2010, traduit de l’américain par Ghislain Chaufour.
 
(1) http://www.lefigaro.fr/international
 
(2) http://www.lesprovinciales.fr/Jihad-et-genocide-nucleaire.html
 
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