Publié par Michel Garroté le 21 novembre 2011

 

 

Michel Garroté – Au-delà des déclarations à caractère diplomatique, deux faits s’imposent sur la réalité du terrain. Primo, la Turquie déclare, de façon certes voilée, mais néanmoins répétée, que comme les sanctions vont certainement échouer, elle envisage d’intervenir, militairement, en Syrie. Secundo, la Russie, également de façon voilée mais répétée, envisage d’intervenir, militairement, en Syrie. En clair, la Turquie et la Russie, prennent les devants, et, signalent, en passant, qu’elles s’opposeront à une intervention de l’OTAN, quand bien même celle-ci fut-elle mandatée par le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Le message turc et le message russe sont révélateurs : l’OTAN est intervenue en Libye. Elle ne doit donc pas intervenir en Syrie. Dans ce contexte, deux éléments sont à prendre en considération. Le premier élément, c’est que la Russie peut utiliser son droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU. Le deuxième élément, c’est que la Ligue arabe n’a pour ainsi dire plus aucun pouvoir, au sens à la fois réel et coercitif. Curieusement, personne ne s’intéresse, dans le dossier syrien, à l’influence, pourtant considérable, de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI).

Dans les jours à venir, les gesticulations, notamment arabes et européennes, l’emporteront-elles, sur l’éventualité, d’une intrusion militaire, turque et/ou russe, en Syrie ? La Turquie et/ou la Russie mettront-elles, effectivement et concrètement, leurs menaces à exécution ? Si oui, l’Organisation de la Coopération Islamique soutiendra-t-elle la Turquie lorsque celle-ci passera à la phase militaire ? Si oui, comment réagira la Russie ? Si oui, comment réagira l’Iran ? Si oui, quelles seront les conséquences pour le Liban et pour Israël ? Si oui, que feront le Hezbollah, le Hamas et le Fatah ? Voyons les faits les plus récents.

Des bus de pèlerins turcs, dans la nuit de hier dimanche à aujourd’hui lundi, près de la ville syrienne de Homs, ont été arrêtés par des soldats syriens qui, en outre, ont tiré contre les bus, selon les chaînes télévisées CNN-Türk et NTV. De nombreux pèlerins turcs empruntent la route syrienne afin de retourner en Turquie après leur pèlerinage à La Mecque. De son côté, l'agence de presse turque Anatolia a confirmé l’attaque des bus de pèlerins turcs par un groupe syrien armé. Quant au ministère turc des Affaires étrangères, il a confirmé une attaque, par des forces d’Assad, en territoire syrien, contre des pèlerins turcs.

Le Premier ministre islamiste turc Erdogan a déclaré, aujourd’hui, lundi 21 novembre, d’une part, que les jours du président Assad sont comptés ; et d’autre part, qu’Assad ne peut pas rester au pouvoir avec des chars et des canons. Erdogan a ajouté, s’adressant au dictateur syrien Bachar Al-Assad : « Le jour viendra où tu partiras aussi » (notez bien le « aussi »). Erdogan a critiqué les dernières déclarations, faites par Assad dans The Sunday Times, déclarations dan lesquelles le dictateur syrien s'est dit tout à fait prêt à combattre en cas d'intervention étrangère. Le Premier ministre islamiste turc Erdogan a lancé à Assad : « Tu vas lutter contre qui ? Tu vas combattre ton frère musulman que tu gouvernes ? ».

Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a affirmé, hier soir dimanche, que la Syrie est prête à se battre : « Si le combat nous est imposé, nous combattrons ». L'ultimatum de la Ligue arabe – enjoignant la Syrie de cesser la répression – a pris fin samedi à minuit. Assad a accusé la Ligue arabe de créer un prétexte à une intervention militaire occidentale qui provoquerait un séisme dans la région. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem a, de son côté, reproché à certains pays membres de la Ligue arabe d'utiliser celle-ci comme un outil pour parvenir au Conseil de Sécurité de l'ONU.

La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont en train de présenter une résolution à l'Assemblée générale de l'ONU condamnant la répression syrienne. La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne assurent qu’elles ont le soutien des pays arabes. Un vote doit intervenir demain mardi, deux jours avant une nouvelle réunion de la Ligue arabe. Jusqu’à présent, au Conseil de Sécurité de l’ONU, la Russie et la Chine avaient opposé leur droit de veto à une résolution condamnant la Syrie.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, allégué, aujourd’hui lundi, que la position de certains pays occidentaux – position appelant l'opposition syrienne à ne pas dialoguer avec le régime du dictateur Assad – s'apparente à une provocation (Certains pays occidentaux ? Lesquels ?). Lavrov a ajouté : « Il est indispensable que les violences cessent, mais cette exigence doit s'adresser à la fois au régime et aux groupes armés qui s'immiscent dans l'opposition syrienne ».

La Turquie a aussi déclaré qu'elle fera tout pour arrêter le carnage perpétré par le gouvernement syrien, en commençant « d'abord » avec des sanctions supplémentaires (et ensuite ?). Le régime d’Assad, de son côté, continue d’imputer une bonne part des violences en Syrie à des terroristes étrangers soutenus par des extrémistes religieux. Voilà pour les faits les plus récents.

En guise de conclusion, je note, que l’on parle beaucoup, en ce moment, d’éventuelles frappes préventives israéliennes, contre le nucléaire – offensif et létal – des mollahs intégristes iraniens. Et je note que l’on affirme, avec insistance et même avec lourdeur, que d’éventuelles frappes préventives israéliennes, contre le nucléaire iranien, mettraient « toute la région à feu et à sang ». Je trouve cette allégation plutôt surprenante. Car en effet, de nombreux analystes, totalement ignorés par les médias européens, ont fait la démonstration, que des frappes préventives contre le nucléaire iranien, ne mettraient pas « toute la région à feu et à sang ».

En revanche, un affrontement russo-turc en Syrie, sous le regard hébété de l’Union Européenne, de l’ONU et de la Ligue arabe, cela, oui, sans aucun doute, mettrait « toute la région à feu et à sang ».

Quand donc les Chancelleries européennes – avec leur vision héritée du 19e siècle – comprendront-elles, qu’aujourd’hui (nous sommes bien au 21e siècle), en Afrique du Nord et du Nord-est (Tunisie, Libye, Egypte), au Proche Orient (Syrie, Liban, Israël), au Moyen Orient (Iran, Irak, Arabie saoudite, Emirats du Golfe), en Asie mineure (Turquie), dans le subcontinent Indien (Inde, Pakistan) et en Asie centrale (Afghanistan etc.), l’ordre de priorité des menaces – et donc l’ordre de priorité géopolitique en général ainsi que l’ordre de priorité nos intérêts géopolitiques en particulier – changent régulièrement ?

Et que part conséquent, il faut impérativement rester, à la fois, flexible, vigilant et prêt à agir ?

© Michel Garroté Rédacteur en chef de www.dreuz.info

   

   

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