Ne demandez pas aux victimes de la Shoah ou aux Juifs chassés des pays d’Orient de ne pas soutenir « inconditionnellement » l’Etat juif. Ne demandez pas aux démocrates de ne pas soutenir la seule démocratie du Proche et du Moyen-Orient.
Par Michel Gurfinkiel
La plupart des Juifs de France soutiennent inconditionnellement Israël. C’est un fait. C’est aussi une sorte de nécessité ontologique, dont on ne saurait ni s’étonner, ni s’indigner. Pour trois raisons.
D’abord, l’expérience historique particulière de cette communauté. Les Juifs français d’aujourd’hui sont, pour la moitié d’entre eux, des survivants de la Shoah, ou bien des descendants directs, sur une ou deux générations, de ces survivants. Et pour l’autre moitié, des Juifs chassés des pays d’islam, ou bien, sur une ou deux générations là encore, leurs descendants directs.
Les deux tragédies, il convient de le souligner, sont liées entre elles. La Shoah, là où elle a eu lieu, a frappé indistinctement les Ashkénazes et les Séfarades. Les idéologies dont elle s’est nourrie, ou qui l’ont rendue possible, ont directement influencé ou réactivé celles qui, en Orient, ont conduit à l’épuration ethnique ou communautaire. Dans les deux cas, les Juifs ont été broyés en tant que Juifs. Dans les deux cas, ils ont été trahis : par des gouvernements en qui ils avaient placé leur foi et leur confiance ; par des sociétés dont ils se croyaient membres à part entière.
Comment, dès lors, les Juifs français ne seraient-ils pas attachés au seul Etat juif du monde, fondé et habité par d’autres rescapés de la Shoah et d’autres expulsés des pays d’islam ?
Mais cette raison ne suffirait peut-être pas à elle seule.
Deux raisons complémentaires lui donnent tout son sens : l’existence même d’Israël est toujours contestée à ce jour par la plupart de ses voisins et par des Etats plus lointains, en violation des principes et de la charte de l’Onu ; l’Etat d’Israël, en dépit de cet état de guerre perpétuelle et des menaces génocidaires qui pèsent sur lui, est une démocratie, et les décisions que ses dirigeants sont amenées à prendre sont donc, la démocratie étant à juste titre le principal critère moderne de la légitimité politique, absolument légitimes.
Le soutien que les Juifs français portent à Israël, si pur soit-il, fait pourtant l’objet de deux types de critique – ou de rejet.
Le premier émane de milieux non-juifs, et tout particulièrement de politiques, qui n’hésitent pas à évoquer à cet égard, ouvertement ou obliquement, en termes brutaux ou en recourant à l’insinuation, une « double allégeance ». Ou, ce qui revient au même aujourd’hui, au « communautarisme ». Je serai clair à leur propos. Leurs arguments s’inscrivent, au minimum, dans l’antisémitisme classique, qui ne concède aux Juifs d’existence que dans la soumission ou l’humiliation.
Je note la réapparition, dans leurs discours, de thèmes assez anciens. Il était courant et de bon ton, avant 1940 puis jusqu’en 1942, de distinguer entre les « Israélites » français, agrégés de longue date à la communauté nationale, qui se voulaient « discrets », et les « Juifs » étrangers, ou fraichement naturalisés, revendicatifs et bruyants. Haut Commissaire de Vichy à la Question juive, Xavier Vallat, prétendait encore sauver les premiers en sacrifiant les seconds.
Ce trope – contre lequel le Crif historique, celui de la Résistance, s’est expressément élevé en 1943, quand il a fédéré « Israélites » et « Juifs » dans un même combat – a rejailli sous la Ve République, à travers une nouvelle distinction, tout aussi fallacieuse que la première, entre Juifs ashkénazes, donc européens, donc français, donc capables de s’éloigner d’Israël, et Juifs séfarades, exotiques, inassimilables, donc inféodés à ce méchant Etat : je vous renvoie aux confidences du troisième président de cette République, Valéry Giscard d’Estaing, telles que les rapporte Renaud Camus, le Saint-Simon de notre temps, dans le volume de son journal intime consacré à l’année 2009 (Krakmo*, Fayard). On peut le discerner aujourd’hui encore, notamment dans des propos dont le Canard Enchaîné a fait état le 5 octobre 2011 : le président de la République notant avec « satisfaction » que la « communauté juive », c’est à dire quelques uns de ses dirigeants officiels, « s’est montrée digne et responsable à la suite de mon discours à l’Onu. ». Propos que les plus hautes autorités n’ont pas cru devoir démentir.
L’autre type de critique ou de rejet émane de milieux juifs minoritaires, mais influents, présents dans la plupart des hautes élites juives, en Israël, en Europe et en Amérique.
Cette doctrine a été formulée pour la première fois par un militaire et intellectuel israélien distingué, le général Yéhoshafat Harkabi, ancien directeur du Renseignement militaire de son pays. Harkabi estimait, à la fin des années 1970 et tout au long des années 1980, que la présence israélienne en Cisjordanie, à Gaza ou dans le Golan constituait une grave une erreur stratégique.
Harkabi était un grand soldat et un grand intellectuel. J’ai beaucoup appris, personnellement, dans ses articles et ses livres. Il avait certainement le droit de penser ce qu’il pensait, et le devoir de le faire savoir. Mais en 1987, il avait fait circuler un texte, Israël devant des choix fatidiques (étoffé par la suite et transformé en un véritable livre), où il estimait que puisque les Israéliens étaient incapables de faire par eux-mêmes les « bons choix », il fallait que l’Amérique les y contraignît ; et que puisqu’un lobby juif dissuadait les dirigeants américains d’exercer de telles pressions, il était souhaitable de créer, aux Etats-Unis et ailleurs, un contre-lobby qui neutralisât le premier, et incitât au contraire Washington à exercer sur Jérusalem des pressions irrésistibles. Car, observait-il, « l'amitié américaine à notre égard pourrait nous être non moins nuisible, paradoxalement, dans cette phase, que l'hostilité arabe ».
Diffuser un tel texte constituait un crime de lèse-démocratie. Ou bien le peuple est souverain, et l’on ne peut contester les décisions auxquelles il parvient à travers des débats où s’expriment toutes les opinions. Ou bien il ne l’est pas. Harkabi était d’avis qu’il ne l’était pas. Sa doctrine n’a pas cessé de rejaillir à travers diverses initiatives américaines et européennes, y compris au cours des dernières années (Shalom Arshsav, l’Initiative de Genève, J Street, J Call). Les démocrates la traiteront comme elle le mérite.
Reproduction autorisée, et même vivement encouragée, avec la mention suivante et le lien ci dessous :
© Michel Gurfinkiel, 2011
L’article original peut être consulté sur le blog de Michel Gurfinkiel
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Merci pour excellente analyse irrécusable.
Je comprends mieux les raisons des positions de Jcall et d’un Elie Barnavi, homme estimable par ailleurs.
« Dans les deux cas, ils ont été trahis : par des gouvernements en qui ils avaient placé leur foi et leur confiance ; par des sociétés dont ils se croyaient membres à part entière.
Ne sont-ils pas actuellement à nouveau trahis par les gouvernements et sociétés en qui ils avaient placé leur confiance et ce non seulement en France, mais dans de nombreux pays occidentaux, et en particulier en Belgique, en Hollande, en Suède, en Norvège, au Danemark, en Allemagne, en Espagne et en Grande Bretagne.
Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des organisations juives de France a dénoncé dimanche, lors de la Convention nationale du Crif, “la détestation” qu’ont les Verts d’Israël.
“Il y a un déferlement anti-israélien d’une partie du monde de l’information qui nous pose beaucoup de questions, à nous Juifs, dont la très grande majorité est extrêmement attachée à Israël et qui voit Israël représenté d’une façon qui nous paraît complètement contraire à la réalité”.
“Les faiseurs d’opinion ont des positions qui, vis-à-vis d’Israël, se retrouvent souvent dans les partis d’extrême-gauche et aussi chez les Verts”, a poursuivi le président du CRIF.
“Ce qui me paraît particulièrement significatif, c’est l’influence que ça a pris dans un parti considéré comme significatif en France, mais qui ne fait pas tellement de voix. Comment le parti écologiste qui, pour des raisons absolument incompréhensibles, logiquement, idéologiquement incompréhensibles a fait du combat contre Israël un de ses étendards”.
“Je ne vois absolument pas en quoi la critique d’Israël, la détestation d’Israël et le soutien au mouvements pro-palestiniens y compris dans leurs actions les plus illégales, en quoi cet élément constitutif du programme des Verts est écologique”.
“S’il s’agit de prendre la défense des opprimés, il y a des dizaines et des dizaines et des centaines de millions d’opprimés dans le monde, dont la situation est beaucoup plus grave, qui auraient beaucoup plus mérité d’obtenir le soutien sans faille de ce parti”.
“En réalité”, a ajouté Richard Prasquier, “on sait très bien qu’il s’agit d’une posture simplement électoraliste. Cette confusion des positions et l’influence que ces mouvements ont sur une partie des faiseurs d’opinions médiatiques font que le soutien que nous apportons à Israël est continuellement mis en cause. » (Lu sur Guysen)
Le facteur électoraliste est l’un des causes principales de la trahison de nos pays envers les citoyens d’origine juive, auxquels nos gouvernements privilégient les immigrés musulmans. L’autre raison est le rachat de nos démocraties par les potentats arabo-musulmans dont l’Arabie Saoudite et récemment le Qatar, qui est sur le point de faire du Grand Duché de Luxembourg sa filiale européenne. Les produits de la finance islamique ne sont-ils pas la nouvelle spécialité de la place financière. Un vent favorable souffle dans la direction de l’arabisation de l’Europe, des organisations européennes et internationales et cela va de pair avec la montée de l’antisémitisme. L’Europe, félonne et cupide bascule dans le camp des ennemis d’Israël, comme elle l’avait fait le siècle dernier en tombant dans le piège mensonger de l’idéologie nazie, non pas par cupidité à l’époque, mais par jalousie et haine du peuple Juif. Ce mariage, contre nature, entre l’Europe et les nations islamistes, ne peut se réaliser qu’au détriment d’Israël et des peuples européens, toujours majoritairement inconscients des menaces qui pèsent sur leur tête. Tous les Juifs d’Europe doivent soutenir « inconditionnellement » Israël, car un avenir sombre se prépare et Israël sera leur seul refuge.
Moi même, obscure chrétienne, je soutiens Israël,et le proclame haut et fort à ceux qui se font une fausse idée de la valeur du peuple juif et qui n’ont pas cherché plus loin par lâcheté que ce que les calomniateurs leur ont seriné!Moi c’est dans mon cœur que je perçoit le mieux les choses!!
Soutenir Israël, c’est justice, une affaire de conscience. Le cœur suit aisément.
Messieurs,
Vous êtes lus par de nombreuses personnes. Parmi celles-ci vous n’avez pas que des spécialistes de l’histoire juive. Nombreux sont ceux qui construisent leur culture qu’à travers les médias.. La com. pro-musulmane est de bonne qualité, il conviendrait que celle faite par les juifs le soit également…
Petit exemple: les juifs Sépharades n’ont pas été chassé des terres d’Islam, ils ont été chassé des terres juives, il y avait des juifs au Maghreb avant même que l’Islam existât…
Cordialement.
la double menace sur la perennitè de la communautè juive en France est de plus en plus forte: A chaque èlection et entre elles a chaque incident au proche -orient la classe politique française dans son ensemble condamne Israel et les mèdias incitent la population a agresser verbalement et physiquement tout ceux qui de près ou de loin pourraient avoir un lien quelconque avec Israel.Mr Prasquier rèagit comme d’ habitude avec retard et avec partialitè face à l’ amplification continue de cette double menace politique et mèdiatique. Les verts sont depuis leur naissance en Allemagne il ya 35 ans des anticapitalistes qui mèlangent sans retenue dans leur discours de haine generale, la pollution, l’ argent, l’ amerique, le juif, Israel, le petit commerce, la famille traditionelle , le nucleaire , la norme sociale , l’ identitè nationale, etc..Ils diffusent un discours simpliste, aussi stupide et attrayant que celui du FN , mais qui se pare du dèguisement de la ” gènerositè “, de la ” compassion ” du ” multiculturalisme ” quand le dscours du FN est avant tout un discours d’ exclusion.Les verts sont les heritiers de Proudhon , et partagent avec lui le meme antijudaisme feroce. Mais ce discours ” à la Proudhon” est repris en coeur par le PS et le FN . Donc il y a une menace continue contre les juifs en France qui totalise bien plus que les 7% des voix ” vertes “: On compte 7 % de verts, plus 25 % de PS, plus 20% de FN, plus une bonne moitiè de l’UMP soit 12% qui preferent Juppè ( le clone de Chirac )a Sarkozy le mèteque : Soit 65% d’ enragès antijuifs à divers degrès et anti-Israel en bloc. Voilà ou nous en sommes. Face à cette situation Mr Prasquier n’ a pas le courage de prendre le taureau par les cornes et de tirer les conclusions qui s’imposent.Ces conclusions sont que la communautè juive doit penser a l’ avenir de ses enfants avec un pied hors de France, et que pour preparer cet avenir il va falloir investir massivement dans l’ education de la jeunesse , dans sa preparation intellectuelle et culturelle , selon le modèle des day-school des USA ou cursus national et enseignement culturel juif cohabitent sous le meme toit
Bonsoir. Je pense que le français sans connaissance de ce qu’est un juif – peu de juifs peuvent l’expliquer – mais s’intéressant à l’histoire de son pays et de sa propre famille (avec ce que cela implique comme soufrance), devrait comprendre la genèse la création de l’état juif. Et si on ne peut pas supporter le juif chez soi il faut bien lui accorder un chez lui.
Moi aussi, je suis un juif chasse d’une terre d’islam,,,
la france.
“d’un Elie Barnavi, homme estimable par ailleurs.”
En quoi l’est il ?
C’est un brillant médiévaliste certes mais un piètre politicien,dont les positions politiques,si elles devaient etre mises en oeuvre sur le terrain, entraineraient la “kassamisation de sa propre maison dans le Gush Dan,a partir des collines de Judée …..
Mr Gurfinkiel :
Il n’y a plus guère que les islamistes à répondre qu’ils sont islamistes avant d’être Néerlandais, Belges, Allemands ou Français!
Alors, S.V.P, pas “les Juifs de France”, ni “les Juifs Français”, mais les “Français” de confession, ou de culture, ou d’origine ou d’empathie Juive!
Lorsque dans les années 40 mes parents athées protégeaient Elie, Abel ou Rachel quelque part en Seine et Oise, c’est parce qu’ils étaient Français! Comme eux !
Les Nationaux d’origine Juive se sont toujours intégrés mieux, plus vite et avec plus de patriotisme que les autochtones.
Un exemple? La Hatikva”, hymne national d’Israël. La musique en a été composée par un Praguois de confession Juive: Bedrich SMETANA et les paroles par Herz Imber.
Smetana s’était inspiré s’un chant folklorique tchèque pour composer un hymne patriotique – oui: patriotique! “Vltava”, qui deviendra “la Moldau”.
C’est un migrant moldave, Samuel Cohen,qui proposera l’hymne d’Israël en mettant ensemble paroles de Imber et musique de Smetana.
Depuis Rouget de Lisle et cette “Marseillaise” que veut supprimer la verte Eva Joly , on n’a pas fait plus inspiré!
Ignotus
Merci pour l’info sur “La Hatikva”! A chaque fois que je l’écoutais, la musique me rappelait effectivement celle de “La Moldau” de Smetana, que j’adore, mais je n’avais jamais fait le rapprochement.
Je viens de réécouter les deux et comme toujours, l’émotion me brouille les yeux, en particulier cette version: http://youtu.be/lJSnaWtI-eI
“Eretz Tzion Yerushalaim”
Cordialement!
Merci pour la video, Rosaly, c’est en effet bien émouvant.
Am Israel, Hai!
Rosaly, nous avons au moins en commun l’amour de la musique à défaut de partager une même philosophie.
Je profite de cette courte intervention pour recommander à l’intervenant suivant “trompeldor”, de lire “Les religions meurtrières”, d’Élie Barnavi, editions Flammarion. Une remarquable étude etho sociologique des peuples sémites du proche Orient, Juifs, et Arabes qui permet de comprendre.
A un prochain échange. Bonne nuit!
EUROPA, AMERIKA und ISRAEL freien und Demokratischen für immer!! SIEG für ISRAEL zionistische !!
“Sa doctrine n’a pas cessé de rejaillir à travers diverses initiatives américaines et européennes, y compris au cours des dernières années (Shalom Arshsav, l’Initiative de Genève, J Street, J Call). Les démocrates la traiteront comme elle le mérite. ”
Ils sont justement le garant de la démocratie.Sinon prenez le premier dictionnaire venu pour revisiter la définition du terme.
Puisque critiquer l’islam est interdit, à plus forte raison détester les Juifs devrait être interdit car c’est du pur Racisme, et haine gratuite non justifiée.
Je soutiens inconditionnellement Israel et le Peuple Juif, c’est une question d’honorer la Vérité et la Justice et parce-que l’entité Juive possède des qualités exceptionnelles.
Et Aucune idéologie islamique ou socialiste ne saurait me faire changer d’avis.
Israël pour toujours.
Critiquer l’islam n’est pas interdit, c’est même un devoir. Critiquer les musulmans peut, selon la critique, être du racisme.