Publié par Alexandre Del Valle le 3 décembre 2011
Avec Entre la haine et l'espoir*, les éditions Tatamis révèlent pour la première fois en français le contenu de nombreuses émissions télévisées diffusées dans le monde arabo-musulman et portant des messages de haine, hélas captées sans le moindre filtre en France via les paraboles et autres satellites.
 
Ce travail de longue haleine mené par Jean Robin, journaliste et éditeur libre, est selon nous indispensable pour tous ceux qui veulent comprendre les discours d'incitation à la haine qui ont hélas cours de nos jours dans la plupart des pays arabo-islamiques. Ces discours haineux et véhiculant une pensée de type totalitaire et théocratique fanatisent chaque année des centaines de millions de personnes. C'est un fait. On peut le déplorer, mais les faits s'imposent aux plus belles idées. 
 
Ce nouveau bréviaire de la haine, qui recycle d'ailleurs souvent des vieilles théories nauséabondes du complot "judéo-maçonnique" (en y ajoutant l'élément « chrétien-croisé » et « athée »), est propagé tantôt dans des médias privés (ou même publics), tantôt dans les discours des islamistes radicaux, mais également – et c'est plus grave – dans ceux des dirigeants dictatoriaux ou démagogues, parfois réputés "modérés". Sans oublier les enceintes religieuses de l'islamisme sunnite salafiste et même des Universités islamiques officielles comme Al-Azhar en Egypte. 
 
Ces paroles de haine (envers les juifs, les homosexuels, les femmes, les chrétiens et plus largement les non-musulmans et l'Occident) ne font l'objet que d'un tiers du contenu du livre, bien qu'elles représentent une part hélas bien plus importante du contenu de ces médias arabes, islamistes, palestiniens, iraniens, turcs, etc. Mais nous ne pouvons que rendre hommage à l'éditeur qui n'a pas voulu s'arrêter aux discours de haine – et sombrer ainsi dans un pessimisme total -, mais qui a préféré consacrer la seconde partie du livre aux discours des libéraux, des libres-penseurs, des pieux musulmans réellement modérés, des réformistes sincèrement opposés aux dérives fanatiques dont les musulmans sont les premières victimes, on ne le répètera jamais assez.
 
Jean Robin a donc, d'après nous, raison de consacrer les deux autres tiers du livre aux paroles qualifiées d'espoir, chargées de paix et d'amour, également tenues dans ces mêmes médias arabes et islamiques par des étrangers, ou même des autochtones qui ont fui leur pays natal. 
 
Certes, on peut rétorquer que ces incitations à l'espoir et à l'amour sont bien moins régulièrement tenues et bien moins massivement diffusées que celles chargées de haine et de violence, sources de massacres, d'attentats barbares, de pogroms antichrétiens, d'assassinats d’athées, de « crimes d'honneur » contre des femmes libres, de persécutions et brimades, etc. 
 
Mais force est de constater que ces enseignements de paix ont aujourd'hui tant bien que mal droit de cité dans certains médias arabes. 
 
Et tout démocrate sincère se doit de soutenir ceux qui invitent à la laïcité, à la critique, à l'usage de la raison, aux Lumières, à la réforme de l'islam, ceux qui prônent malgré les menaces l'égalité homme-femme, la libre pensée, la foi non-musulmane, ou encore l'antiracisme et la tolérance. Prenons-en acte ! 
 
A cet égard, on ne peut nier que, dans leur première phase, les « révolutions arabes », hélas rapidement récupérées par les islamistes, ont porté ces discours d'espoir. 
 
Au Maroc, en Tunisie, en Egypte ou en Syrie, des révolutionnaires arabes isolés certes, mais bien présents, tournés vers la modernité et exigeant des régimes démocratiques laïques et modernes, se sont exprimés librement et continuent de le faire. Gageons que cela durera et que les islamistes qui remportent partout ces jours-ci des élections, en Egypte, au Maroc ou en Tunisie, et qui prétendent avoir « changé », ne limiteront pas bientôt – au nom de la Charia et de la « lutte contre le blasphème » – la liberté d'expression qui s'installe progressivement chez eux grâce notamment à Facebook, Twitter, et aux moyens de communication modernes en général.
 
Pour lutter contre le « nouveau Bréviaire de la Haine » et pour soutenir tous les libres-penseurs du monde arabo-musulman, hélas systématiquement menacés et toujours en sursis, Jean Robin a récemment lancé une pétition « Pour l’ouverture d’une commission parlementaire sur la diffusion de chaînes arabes et iraniennes en France », signée par une trentaine de personnalités et déjà plus de 1200 citoyens. 
 
Le but est clairement de dénoncer le fait que la liberté d'expression en Europe est détournée par des « chaînes de la haine » qui profitent de ces libertés afin de mieux distiller leurs paroles vindicatives au sein des communautés musulmanes immigrées dont ils voudraient empêcher l'intégration à nos valeurs « impies », et qu'ils veulent fanatiser contre les Juifs, les mécréants, les Chrétiens, les athées, etc. 
 
Certes, une minorité de musulmans européens ou français adoptent les théories fanatiques distillées par ces médias. Mais cette minorité obscurantiste et haineuse grandit dans les banlieues, et fait parfois régner – par la terreur et l'intimidation – un ordre qui n'est pas celui de la République. 
 
Il faut reconnaître qu'à être diffusées sans filtre sur le sol national, ces enseignements de haine qui sont relatés et traduits dans l'ouvrage de Robin, ont de quoi faire rougir de jalousie les pires racistes d'extrême-droite et antisémites patentés. 
 
A ce propos, on ne peut que saluer les initiatives républicaines courageuses prises par le Ministre de l'Intérieur Claude Guéant qui a décidé de faire cesser ces dérives, afin de mieux favoriser l'intégration et d’appliquer la même loi républicaine à tous, sans distinctions en fonction des origines ou des « atténuants culturels ». 
 
Mais la lutte contre l'enseignement télévisé de la haine ne dépend pas que d'un Ministre, si courageux soit-il. Elle passe par la sensibilisation des Universités, des écoles, des intellectuels, des journalistes et des politiques de tous bords, qui ont jusqu’à aujourd’hui toléré l’intolérable, qui ont permis aux barbus des banlieues ou d’Al Jazeera ou d’Al Mannar (tv du Hezbollah) de dire impunément ce qui a conduit un Le Pen devant les tribunaux. 
 
Le meilleur exemple est l’ouvrage best-seller de Youssef Al-Qardaoui, référence suprême des islamistes égyptiens, marocains et tunisiens qui ont gagné les élections ces jours-ci, intitulé « Al Haram wal hallal », (Le Licite et l’illicite), qui dénonce les Juifs, les femmes juives « provocatrices », les homosexuels, explique comment battre sa femme et tuer les apostats et ceux qui se moquent de l’islam et du prophète Mahomet. Ouvrage en vente libre dans les bonnes librairies islamiques de France et d’Europe, et bien mis en évidence aux congrès annuel des Frères musulmans au Bourget… 
 
L’antisémitisme, la misogynie, la violence haineuse et le racisme seraient-ils plus tolérables ou excusables de la part des non-Occidentaux de religion non chrétienne ? On en a en tout cas la nette impression quand on compare cette tolérance coupable envers les fanatiques barbus, avec l’extrême sévérité envers toute pensée chrétienne intégriste ou simplement traditionnelle.
 
Parmi les personnalités qui dénoncent ces chaînes de la haine et appuient les intellectuels arabes libéraux et tolérants, on retrouve notamment l'écrivain Alexandre Jardin, l'intellectuel Guy Millière, le journaliste Ivan Rioufol, ou encore la démographe Michèle Tribalat. La liste devrait être beaucoup plus large. On attend encore les signatures des bonnes consciences de gauche « progressistes », d'habitude si promptes à dénoncer la paille de l'intolérance des gaulois-européens-judéo-chrétiens, occidentaux et sionistes, mais qui refusent de dénoncer la haine bien plus frontale et massive en provenance du « fascisme du Sud » ou du « totalitarisme vert », comme si un raciste-misogyne-fanatique barbu « exotique » (ex-colonisé, victime par essence) était plus « excusable » que son équivalent occidental (ex-colonisateur coupable par nature)…
 
L'initiative de Jean Robin est donc plus que louable. Mais l’auteur-éditeur, viscéralement attaché à la liberté d'expression et opposé à toute censure, assortit son cri d'alarme d'une condition : que cela ne débouche pas sur l'interdiction d'émettre en France de ces chaînes. 
 
Sur ce point, je ne suis pas du même avis que lui, et je me réfère plutôt à Sir Karl Popper, lequel expliquait, dans La Société ouverte et ses ennemis, que « la tolérance qui tolère l'intolérable n'est plus de la tolérance, mais une complicité avec les ennemis de la tolérance qui profitent de celle-ci »… Ceci dit, l'ouvrage est fort bien écrit et construit, facile à lire et équilibré. Il est donc à découvrir et à lire absolument, surtout au moment où le « printemps arabe » est en train de tourner à « l’hiver islamiste » (voir notre interview de Mezri Haddad à ce sujet dans France Soir). 
 
L'ouvrage lève en fin de compte le voile sur un double angle mort médiatique, la haine et l'espoir dans le monde arabo-musulman.
 
© Alexandre del Valle, publié avec son aimable autorisation
L’article original peut être consulté sur le blog d’Alexandre del Valle
 
Entre la haine et l'espoir*, ce que les médias arabes et iraniens disent et dont personne n'a osé vous parler, Editions Tatamis, 256 pages, 20€.
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