Publié par Michel Garroté le 5 décembre 2011

 

 

Michel Garroté – L’enquête télévisée « Devenir président et le rester » sera diffusée, ce soir, à 23h05, sur France 3. Ci-dessous, je publie les analyses de trois chroniqueurs – Olivier Milot, Martin Leprince et Emmanuel Galiero – sur cette enquête télévisée (liens vers les sources en bas de page). Pour ce qui me concerne, je serai encore plus sévère que les trois chroniqueurs susmentionnés. Non pas sévère sur l’enquête télévisée elle-même. Mais sévère sur le sujet qu’elle analyse, à savoir le fait que depuis les années 1980, les professionnels de la communication exercent un pouvoir disproportionné sur les hommes politiques. Du reste, la prépondérance de la communication en politique, entamée dans les années 1980, se traduit aujourd’hui, y compris avec les présidentielles et les législatives de 2012, par une absence de culture – y compris politique et historique – tout simplement affligeante.

Un (ex) ministre de l’agriculture ignore qu’un hectare équivaut à dix-mille mètres carrés. Un secrétaire d’Etat au commerce présente Shanghai comme la capitale de la Chine et New York comme la capitale des USA. Une (ex) secrétaire d’Etat à la jeunesse, recevant en mains propres un livre écrit par un chômeur répond à celui-ci : « que voulez-vous que je fasse avec ça ? ». L’actuel président français est nul, son action est nulle, ses discours sont nuls, ses promesses sont nulles, ses phobies sont nulles, sa communication est complètement nulle et son score dans les sondages reste relativement nul ; mais avec la communication complètement nulle, il pense être réélu en 2012 et le comble, c’est qu’il va sans doute y arriver.

Son adversaire socialiste est encore plus nul que lui. Marine Le Pen est diplômée ès discothèques. Arnaud Montebourg veut détruire l’Allemagne avant que l’Allemagne ne « détruise », soi-disant, la France. Alors que l’Allemagne paye pour les autres et en a marre de se faire, par-dessus le marché, insulter. L’écologiste Cécile Duflot place le Japon dans l’hémisphère nord et elle traite ces adversaires de « kéké ». Le QI des politiciens et des politiciennes en 2011 équivaut au QI d’un élève de 3ème dans les années 1960. La France a donc régressé de 50 ans. Mais revenons à l’émission « Devenir président et le rester » et aux commentaires d’Olivier Milot, Martin Leprince et Emmanuel Galiero.

Olivier Milot : « Dans une enquête fouillée (ndmg – « Devenir président et le rester » diffusée ce soir à 23h05 sur France 3) le réalisateur (ndmg – Cédric Tourbe) dresse le portrait de deux hommes : Jacques Pilhan et Gérard Colé, inventeurs au début des années 1980 d'un nouveau type de communication politique fondée sur l'anticipation des attentes des électeurs. Des ‘spin doctors’ avant l'heure, qui mettront leur ‘science’ du marketing politique au service de deux maîtres : Mitterrand, puis, pour le seul Pilhan, Chirac. Très riche et bien réalisé, le documentaire mêle l'analyse à un récit chronologique nourri d'anecdotes savoureuses, comme ce coup de fil de Colé à Séguéla à l'automne 1980 pour lui proposer de faire la campagne de Mitterrand ».

Olivier Milot : « Réponse du futur promoteur de ‘la force tranquille’ : T'es dingue, il a aucune chance. Rocard a la rigueur’. Pilhan décédé en 1998 sans autre testament intellectuel qu'une longue interview à la revue Le Débat, l'essentiel du film est construit sur le témoignage de Gérard Colé. C'est sa limite. Colé tire parfois un peu trop la couverture à lui, au détriment d'un autre acteur célèbre de cette saga, Jacques Séguéla, mine de rien étrillé à plusieurs reprises. D'une certaine manière, ce n'est que justice. Jacques Pilhan fut une sorte d'anti-Séguéla. Il n'aimait ni la lumière ni l'emphase, et son univers était celui de la stratégie, pas de la pub. Et puis, l'homme à la Rolex (ndmg – Séguéla) a suffisamment nourri sa propre histoire pour que d'autres se chargent enfin de le remettre à sa place », conclut Olivier Milot.

Martin Leprince : « Si la communication politique n'est pas née au début des années 80, c'est bien de cette période que date sa sortie de l'amateurisme, qui l'amènera à vampiriser l'ensemble des partis, de l'extrême droite à l'extrême gauche. Diffusé demain sur France 3, le documentaire de Cédric Tourbe Devenir président et le rester revient sur cette époque charnière à travers le destin de deux hommes peu connus du grand public : les communicants Gérard Colé et Jacques Pilhan, grands artisans de la victoire socialiste de 1981. Un an avant l'élection présidentielle, François Mitterrand souffre d'un grave problème d'image. Dépassé de très loin dans les enquêtes d'opinion par Michel Rocard, il incarne une gauche archaïque et condamnée à la défaite. Pour rénover cette vision que les Français ont de lui, Gérard Colé, publicitaire fortuné engagé au PS, et Jacques Pilhan, obscur free-lance, vont appliquer à la politique des méthodes marketing, jusque-là réservées à la vente, visant à transformer le leader socialiste en ‘bon produit’ ».

Martin Leprince : « Brisant une idée reçue, popularisée par l'intéressé, qui fait de Jacques Séguéla la pièce maîtresse de la campagne, le documentaire raconte comment les deux hommes vont éplucher les études sociologiques pour bâtir une stratégie non plus basée sur le débat d'idées mais sur la seule image. Les Français s'éloignent des idéologies et aspirent à être rassurés ? François Mitterrand sera donc un ‘sage’, une ‘force tranquille’. S'inspirant de la campagne de Roosevelt en 1932, les publicitaires transforment les handicaps de leur candidat en atout, la ‘vieillesse’ devenant synonyme ‘d'expérience’. Ils l'obligent également à abandonner toute complexité en vulgarisant son message à l'extrême, quitte à le dénaturer. Face à un Valéry Giscard d'Estaing dépeint en monarque hautain et technocrate, François Mitterrand doit également forcer sa nature pour apparaître ‘proche des gens’. Autant d'artifices qui permettent non seulement de faire le plein de voix à gauche, mais aussi de convaincre les indécis ».

Martin Leprince : « Une fois élu, le nouveau chef de l'État renvoie ses communicants à leurs activités traditionnelles. Mais très vite, l'effondrement de sa popularité et le tournant de la rigueur contraignent le locataire de l'Élysée à les rappeler auprès de lui. Désormais à la tête d'une société de conseil avec le président comme unique client, Jacques Pilhan bénéficie d'un budget sans limite. Entouré d'une équipe d'une quinzaine de spécialistes marketing, il organise quotidiennement des études qualitatives avec des échantillons de Français. Pour redorer le blason élyséen, il met en œuvre une opération d'envergure avec la nomination d'un Premier ministre plus moderne et la raréfaction de la parole du président pour le dresser ‘au-dessus du bruit permanent des médias’. Les déplacements sont minutieusement mis en scène pour offrir de belles histoires aux journaux télévisés et seules les stars du petit écran sont désormais autorisées à interviewer le chef de l'État ».

Martin Leprince : « Mieux : une émission, présentée par un Yves Mourousi au summum de la décontraction, durant laquelle le président parle de tout sauf de politique, est conçue de A à Z par l'équipe de communication. Ce travail à long terme ne permettra pas au PS de remporter les législatives de 1986, mais offrira à François Mitterrand une réélection triomphale deux ans plus tard. Gérard Colé claquera la porte de l'Élysée en 1991 pour protester contre la nomination à Matignon d'Édith Cresson, que toutes les études disqualifiaient pour le poste. Seul maître à bord, Jacques Pilhan consacrera les dernières années de sa vie à ‘vendre’ la construction européenne et la place de François Mitterrand dans l'Histoire. En 1995, il se mettra au service du candidat Jacques Chirac, avec la bénédiction du président sortant. Il décèdera en 1998. Avec des méthodes qui font aujourd'hui école, il restera celui qui a fait passer le communicant du statut de chef d'orchestre à celui de compositeur ».

Martin Leprince : « En révélant certains secrets des ‘gourous’ de François Mitterrand dans ‘Devenir président et le rester’, le documentariste Cédric Tourbe lève le voile de manière magistrale sur la fabrication d'un présidentiable et la consolidation de son pouvoir », conclut Martin Leprince.

Emmanuel Galiero : « À l'approche de la présidentielle 2012, France 3 programme un documentaire bien construit sur les stratégies de communication qui gouvernent en France depuis l'élection de François Mitterrand en 1981. Ces techniques révolutionnaires, mises au point par deux hommes (Gérard Colé et Jacques Pilhan) n'ont pas seulement joué un rôle central dans le double septennat socialiste. Elles ont mis en œuvre et annoncé une nouvelle conception de l'art politique où l'image et la maîtrise de la parole allaient devenir les outils indispensables du pouvoir. Première leçon du film de Cédric Tourbe : ces hommes de l'ombre ont toujours habilement cultivé le silence sur leurs activités et cette discipline du secret serait d'ailleurs l'une des conditions de leurs succès ».

Emmanuel Galiero : « Selon le réalisateur, si Colé accepte de dévoiler ses documents de travail aujourd'hui, c'est parce qu'il considère que ‘cela appartient à l'histoire de France’. Positionnement, idées maîtresses, éléments de langage, interventions télévisées, attaques des adversaires. Tout avait été écrit dans les moindres détails. En prolongeant systématiquement les témoignages par des images d'archives, le film éclaire avec une précision convaincante toute la carrière de Mitterrand. ‘Ce qui m'a surpris le plus, confie Cédric Tourbe, c'est le degré d'influence de ces hommes sur un président de la République. Cela m'a sidéré’. Une influence qui ne se limitait pas au marketing, mais qui pouvait aller bien au-delà quand on sait par exemple que Colé fut aussi l'émissaire du candidat Mitterrand auprès du gêneur Coluche pendant la campagne de 1981 (ce que le film ne rappelle pas) ».

Emmanuel Galiero : « Immergé dans les cuisines de la politique, le téléspectateur obtient néanmoins des clés de lecture indispensables. Le format de 77 minutes est sans doute trop étroit, mais, à la lumière de ces étonnantes confidences, on aurait écouté volontiers d'autres commentaires de ‘gourous’ sur les grandes affaires de l'ère Mitterrand : Rainbow Warrior, Elf, Mazarine, Bérégovoy. Autre révélation du film ‘Devenir président et le rester’, Gérard Colé et Jacques Pilhan furent également conseillers de Michel Rocard à Matignon pendant trois ans alors qu'ils conseillaient en même temps François Mitterrand à l'Élysée. Jusqu'au jour où Mitterrand, excédé par Rocard, décide de le remplacer par Édith Cresson. Colé, qui conteste ce choix, est mis à l'écart », conclut Emmanuel Galiero.

© Michel Garroté Rédacteur en chef de www.dreuz.info

http://television.telerama.fr/tele/programmes-tv/devenir-president-et-le-rester,32010004.php

http://www.nordeclair.fr/France-Monde/France/2011/12/04/et-la-com-devint-une-dictature.shtml

http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/information/66209/le-marketing-a-la-tete-de-l-etat.html

   

   

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