Publié par Guy Millière le 18 décembre 2011
Qui parle encore de printemps arabe ? Plus grand monde aujourd’hui. Le résultat des élections en Tunisie, comme c’était très prévisible, a montré la domination du parti En-nahda, autour duquel toute coalition gouvernementale devra se trouver constituée. En Egypte, comme c’était très prévisible encore, les Frères musulmans ont remporté une nette victoire, et des mouvements salafistes, plus radicaux, plus extrêmes que les Frères musulmans, ont obtenu vingt cinq pour cent des voix. Comme l’a écrit Barry Rubin, « les totalitaires ont triomphé ». 
 
Si des élections sont organisées dans la Libye de l’après Kadhafi, dans les décombres de l’épuration ethnique en cours contre les Africains à la peau noire, les résultats seront sans aucun doute bien pires. 
 
Les vents étant à la « démocratie », des élections ont eu lieu au Maroc, qui ont donné des résultats du même ordre: quarante pour cent pour le parti islamiste de la « justice et du développement ». 
 
Après le départ du président Saleh, le Yemen reste dans une situation insurrectionnelle qui devrait déboucher sur un gouvernement très radical et lié à al Qaida. En Syrie, le choix sera entre le maintien du régime Assad au terme d’un bain de sang, et le remplacement du régime par des islamistes.
 
J’ai été l’un des premiers à user de l’expression « hiver islamique » qu’on commence à retrouver partout aujourd’hui, et c’est une expression plus que jamais pertinente. Car ce n’est pas seulement le monde arabe qui est touché, mais tout le monde musulman. La Turquie a basculé depuis trois ans dans la direction souhaitée par Erdogan. L’Iran, malgré des troubles intérieurs, est aux mains de chiites fanatiques et apocalyptiques qui cherchent à construire des armes atomiques, et qui tiennent de jour en jour des discours de plus en plus teintés d’imprécations. L’Afghanistan glisse à nouveau lentement vers le pouvoir des taliban. Le Pakistan continue, lui, à jouer le rôle de protecteur des pires factions djihadistes, et porte un regard bienveillant sur les activités des madrassas extrémistes, et sur celles des groupes terroristes qui songent à des attentats tels ceux de Bombay. 
 
Face à cette situation d’ensemble, un régime tel celui de l’Arabie saoudite, pourtant aux mains des wahhabites, fait presque figure de modéré. Des Etats minuscules mais puissants financièrement peuvent se sentir pousser des ailes et rêver de domination ; le Qatar, par exemple. 
 
Face à cette situation d’ensemble aussi, le jeu de la Russie est intéressant à observer : alliée de l’Iran et de la Syrie d’Assad, elle fait son possible pour préserver les régimes en place à Téhéran et à Damas, mais ne s’empêche pas de courtiser la Turquie. Le jeu de la Chine est semblable à celui de la Russie. 
 
Face à cette situation d’ensemble encore, l’Europe apparaît de plus en plus nettement pour ce qu’elle est : un conglomérat de puissances flasques sur la voie de la déchéance et déjà plus qu’à demi soumises, au vu de l’effondrement économique et financier qui les menace. 
 
Les Etats-Unis des années Obama, eux, montrent ce qui ressemble chaque jour davantage à une complicité d’ensemble servile, parfois zélée. Et ce n’est pas du tout un hasard : l’administration Obama est pour beaucoup dans ce qui se passe dans le monde musulman.
 
C’est Obama qui a dès 2009 entériné le basculement d’Erdogan, accepté la répression du soulèvement de la population iranienne, prononcé un discours à Al Alzhar destiné à montrer la soumission des Etats-Unis à la umma.
 
C’est Obama qui a abandonné Saad Harari au moment où celui-ci était renversé, en janvier 2011, par le Hezbollah. Et c’est lui qui a poussé au départ de Ben Ali, puis à celui de Moubarak, avant de faire de l’armée américaine la force d’appoint permettant à la France et au Royaume-Uni, eux-mêmes subordonnés du Qatar, de renverser Kadhafi pour le plus grand profit des amis les plus radicaux du chef de la famille al Thani. 
 
Au vu du résultat des élections en Egypte, Obama a discerné une menace non pas dans les résultats électoraux, mais dans le maintien au pouvoir de l’armée, et a qualifié les Frères musulmans de « force démocratique ». 
 
Au vu de la situation en Syrie, il a, ces jours derniers, pris une décision forte : après avoir préparé un gouvernement islamiste de rechange en concertation avec son ami Erdogan au cas où Assad tomberait, il a envoyé un nouvel ambassadeur présenter ses lettres de créance à Assad. 
 
Et pour ce qui concerne la situation en Iran, il continue à se comporter comme on peut l’attendre de lui : tout en abandonnant l’Irak à son grand voisin, ce qui permettra aux Gardes Révolutionnaires de massacrer les dissidents réfugiés à Ashraf, il parle de sanctions, à la condition qu’elles ne soient pas efficaces, et à cette fin, vient de demander aux démocrates du Congrès d’exclure toute sanction susceptible de toucher les transactions de la Banque nationale de Téhéran. 
 
En ce contexte, Israël apparaît plus isolé et plus menacé que jamais, et il n’y a rien d’étonnant à ce que des dirigeants européens redoublent de pressions anti-israéliennes, aux fins de montrer que leur tapis de prière est orienté dans la bonne direction. 
 
Il n’y a rien d’étonnant non plus à ce qu’Obama continue à tenter de pousser la tête des dirigeants israéliens sous l’eau. Tandis qu’à New York, il se déclare « ami » d’Israël, il laisse parler Hillary Clinton qui voit en Israël un pays d’ « apartheid » où les « droits de l’homme sont menacés ». Il laisse discourir Leon Panetta qui (excusez du peu) dans un centre financé par le milliardaire israélien Haïm Saban, vient dire que si Israël est isolé et entouré d’islamistes, c’est de la faute d’Israël qui n’a pas fait toutes les concessions requises et qui doit les faire d’urgence sous peine de « risquer de disparaître ». Il laisse un ambassadeur des Etats-Unis en Belgique déclarer que l’antisémitisme musulman est lui-même de la faute d’Israël.
 
Le seul signe positif, et c’est à peine si on peut parler de signe positif, est qu’au sein de ce qui monte, il existe un clivage : face à une hégémonie shiite envisagée par l’Iran, et allant de Téhéran à Beyrouth en passant par Bagdad et Damas, le monde sunnite a organisé une contre-offensive islamiste sunnite. Mais c’est une très maigre considération, dès lors qu’islamistes chiites et sunnites détestent l’Occident et Israël, les uns comme les autres. 
 
Comme je l’ai déjà écrit : depuis des décennies, quand les Etats-Unis sont forts, une paix relative règne sur terre, les ennemis de la liberté se tiennent plutôt cois. Quand les Etats-Unis sont faibles, la paix recule, les ennemis de la liberté avancent. Et quand les Etats-Unis ont à leur tête un homme qui ressemble à un suppôt des ennemis de la paix et de la liberté, il se passe ce qu’il se passe. 
 
On ne refait pas l’histoire, mais il semble évident qu’un monde où Obama n’aurait pas été élu en novembre 2008 aurait été très différent. L’hiver islamique n’aurait pas déferlé. Le régime iranien aurait été endigué et aurait pu finir par tomber. Erdogan aurait continué à réfréner ses ardeurs. Moubarak serait sans doute toujours en place, Ben Ali et Kadhafi aussi. Les Frères musulmans seraient toujours dans l’opposition. Les Coptes ne seraient pas pourchassés comme ils le sont aujourd’hui. Israël ne serait pas isolé. La situation économique du monde arabe et du monde musulman ne serait pas aussi catastrophique.
 
L’Europe déclinerait quand même, mais il n’y aurait pas eu cette accélération dans le déclin : on ne peut, dans un monde d’interdépendances planétaires, dissocier la faillite financière de l’Europe de la quasi faillite financière dans laquelle les Etats-Unis se trouvent plongés. 
 
Si Obama est battu en novembre 2012, les dégâts qu’il laissera seront effroyables. Sur les cinq continents. J’en dresserai la liste un autre jour, et elle sera longue.
 
Son successeur devra faire face à une tâche pour laquelle il faudrait un nouveau Reagan, et j’aimerais être sûr qu’il y a du Reagan chez Newt Gingricht, présentement en tête dans les sondages. Je ne suis pas du tout certain qu’il y ait du Reagan en Mitt Romney. 
 
Si Obama devait être réélu, je n’ose imaginer ce qui pourrait se passer. Je n’ose même pas commencer à essayer d’imaginer, non. Je n’ai jamais eu un goût prononcé pour les films d’horreur. 
 
Et en lisant les imbécillités que peuvent encore écrire sans se lasser les crétins obamalatres et obamaphiles, je n’ai plus même envie de sourire.
 
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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