Publié par Guy Millière le 10 janvier 2012
Obama n’est pas un adepte du djihad, direz-vous. Il n’est officiellement pas musulman. Et c’est exact : il a été baptisé par le pasteur antisémite Jeremiah Wright, fondateur de la Trinity United Church of Christ, et transfuge de The Nation of Islam, à l’âge de vingt ans, et il a officiellement renoncé à l’islam à ce moment. Mais aucun Président n’aura autant fait pour la cause de l’islam. Aucun Président n’aura autant fait pour la cause du djihad.
 
Après avoir beaucoup œuvré pour que le « printemps arabe » se révèle être ce qu’il était destiné à être depuis le départ, un réveil islamique, et après avoir fait son possible pour que les Frères musulmans arrivent au pouvoir en Tunisie, en Libye, en Egypte et au Yemen, après avoir entériné le basculement de la Turquie en direction d’un islam radical lui-même proche de celui prôné par les Frères musulmans, et encouragé le retour du Hamas vers l’organisation dont il est la « branche palestinienne » (tout en encourageant le rapprochement entre Autorité palestinienne et Hamas), Obama fait appel au chef spirituel des Frères musulmans, Youssef Al Qaradawi, pour négocier le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan à l’automne 2012, après le départ des troupes américaines.
 
N’ayant jamais entendu agir seulement en faveur des sunnites, Obama a, en parallèle, favorise l’avancée de l’Iran vers l’arme atomique en pratiquant obstinément, depuis janvier 2009, une politique de la « main tendue » en direction de Khamenei et Ahmadinejad, en se contentant de la mise en place de « sanctions » dont se sont trouvés exemptés les principaux alliés du régime (Russie et Chine), et dont se sont exemptés eux-mêmes les principaux pays européens (Allemagne et France en tête), et en écartant plusieurs fois la menace du recours à l’option militaire. 
 
Obama a, ces derniers jours, abandonné l’Irak aux mains des agents iraniens et d’un gouvernement Maliki rallié à l’Iran. Il a fait preuve d’une réserve remarquable vis-à-vis des massacres subis par la population syrienne, et d’une mansuétude tout aussi remarquable vis-à-vis du régime Assad, principal allié de l’Iran dans la région. 
 
Une continuité chiite radicale se trouve ainsi établie qui va de Téhéran à Beyrouth où le Hezbollah règne en maître.
 
Ce qu’Obama n’a pas anticipé ou a pensé hâtivement pouvoir gérer, est l’hostilité entre islamistes sunnites et islamistes chiites, et cette hostilité aujourd’hui gagne en importance.
 
Comme c’était prévisible, l’abandon de l’Irak conduit à une contre-offensive sunnite menée par al Qaida sur le mode d’attentats successifs. 
 
Comme c’était prévisible aussi, la répression en Syrie a conduit à une autre contre-offensive sunnite, et une armée syrienne sunnite soutenue par les Frères musulmans, par la Turquie, par le Qatar et par l’Arabie Saoudite s’est créée en territoire turc, à même de transformer le conflit en guerre civile prolongée. Un Conseil National Syrien, se présentant comme gouvernement en exil, et largement tenu par les Frères musulmans, s’est constitué. 
 
Les Etats-Unis ayant reconnu le Conseil National Syrien et ayant contribué à sa formation, en coopération avec le régime Erdogan, le régime iranien a réagi d’autant plus vivement qu’il subit présentement des dissensions intérieures vives. 
 
Les menaces iraniennes sur le détroit d’Ormuz en découlent. 
 
Ces menaces doivent-elles être prises au sérieux ? 
 
Disons que le régime iranien peut envisager une confrontation dès lors qu’ils perçoivent les Etats-Unis en position de faiblesse, et dès lors qu’ils savent disposer de puissants alliés (la Russie et la Chine). 
 
Disons que le régime peut penser qu’il est de son intérêt de pousser les Etats-Unis à réagir, et le pensera plus encore si les dissensions intérieures s’accentuent. 
 
Disons que le régime estime que les Etats-Unis ne réagiront pas, et qu’il s’agit pour lui de souligner la faiblesse des Etats-Unis. 
 
Disons que le régime anticipe une action israélienne contre ses installations nucléaires et entend, si celle-ci devait survenir, avoir préalablement montré aux Etats-Unis le pouvoir éventuel de nuisance de l’Iran pour le cas où les Etats-Unis décideraient de s’impliquer. 
 
C’est dans ce contexte que doivent être lues, je pense, les manœuvres israélo-américaines qui se mettent en place et sont prévues pour le printemps prochain, et c’est dans ce contexte aussi que doit être lue l’arrivée de troupes américaines en Israël dont Jean Patrick Grumberg a traité récemment dans Dreuz. 
 
Ces manœuvres constituent en superficie un message électoral à destination de la population américaine : les Etats-Unis sous Obama restent au côté d’Israël. 
 
En profondeur, elles ont, dans l’immédiat un double rôle : d’une part, dissuader l’Iran d’aller trop loin et de faire le geste de trop qui pousserait les Etats-Unis à réagir (le cas échéant, les Etats-Unis ne reculeront pas, et l’Iran a intérêt à faire que le cas échéant ne se concrétise pas), d’autre part, dissuader Israël d’agir (une action israélienne alors que des troupes américaines sont sur le sol israélien impliquerait directement les Etats-Unis et impliquerait l’aval direct des Etats-Unis).
 
L’objectif de l’administration Obama est, autant que faire se peut, de maintenir un statu quo jusqu’aux élections de novembre 2012. D’ici là, escompte-t-on à la Maison Blanche, l’Iran pourra s’agiter, continuer à avancer vers l’arme nucléaire, rendre sa nucléarisation irréversible. D’ici là, Israël se tiendra tranquille. Et d’ici là un régime syrien affaibli sera maintenu en place, avec, face à lui, un régime de rechange prêt à l’emploi en Turquie. 
 
En cas de réélection Obama, ce statu quo sera-t-il tenable ? On peut en douter. 
 
Une administration Obama II jouerait sans doute la stabilité en Iran et le renforcement de l’emprise de l’islam radical sunnite dans les terres sunnites : Obama vient de décider de vendre pour trente milliards de dollars d’armement supplémentaire à l’Arabie Saoudite, renforce ses liens avec le Qatar et le Bahrein et appuie très visiblement le régime Erdogan en Turquie. Elle laisserait l’ordre chiite iranien prendre en main l’Irak. Il est difficile de prévoir ce qu’elle ferait concernant la Syrie. 
 
Il est aisé de prévoir ce qu’elle ferait concernant Israël. C’est dit explicitement dans les discours de Leon Panetta et d’Hillary Clinton. Et c’était dit dans les discours d’Obama avant qu’il entre en période électorale. 
 
Le « conflit israélo-palestinien » devrait se régler aux conditions acceptables par le monde islamique, et si les conditions iraniennes ne sont pas présentables, les conditions sunnites le sont, semble-t-il davantage. Elles sont simples : retour aux « frontières de 1967 », partage de Jérusalem, création d’un Etat palestinien à Gaza et dans l’intégralité de la Judée-Samarie, avec « continuité territoriale » et Jérusalem Est pour capitale. Gouvernement de l’Etat palestinien confié à une Autorité palestinienne réconciliée avec le Hamas. On pourrait s’attendre à ce que les installations nucléaires israéliennes soient mises sur la table de négociation et être présentées comme un objet de marchandage dans le cadre d’un Proche-Orient sans armes nucléaires et dans lequel l’Iran renoncerait dès lors qu’Israël renoncerait aussi. 
 
La présence de troupes américaines en Israël révélerait alors son rôle à moyen terme : placer Israël en situation de souveraineté limitée et face à une offre que le gouvernement israélien aurait du mal à refuser. Si le grand frère est là pour vous protéger, vous n’avez pas besoin de dissuasion nucléaire, et vous devez écouter les conseils pressants du grand frère. Comment résister au grand frère ? C’est la question à laquelle Netanyahu est confronté depuis l’arrivée au pouvoir d’Obama. 
 
Cela signifie-t-il que je ne crois pas du tout que les manœuvres israélo-américaines sont le prélude à une action contre l’Iran ? Cela signifie que j’y crois fort peu, effectivement. Obama est dans une perspective générale de retrait. Il vient d’abaisser considérablement le budget de l’armée américaine. Il a pour principale conseillère, pour ce qui concerne le Proche-Orient, Samantha Power, qui prônait la présence de troupes américaines en Israël pour imposer la paix. 
 
Je ne crois pas non plus, inutile de le dire, à une intervention en Syrie : Obama n’affrontera pas la Russie qui, quelles que soient les rumeurs ici ou là, reste au côté d’Assad. Je ne crois d’ailleurs rien en ces matières, j’analyse. 
 
Aucun Président n’aura autant fait pour la cause de l’islam, disais-je. Aucun Président n’aura autant fait pour la cause du djihad. L’objectif d’une administration Obama II ne serait pas un élan d’amitié soudain et inexplicable de la part d’Obama envers Israël. Ce serait un Proche-Orient plus sûr pour l’islam radical. 
 
Le conflit entre islamistes sunnites et islamistes chiites, ne sera, en ce cas, pas réglé. Ce sera un conflit entre ennemis d’Israël et ennemis de l’Occident. Ces ennemis d’Israël et de l’Occident seront, bien sûr, toujours amis avec d’autres ennemis d’Israël et de l’Occident. 
 
L’élection américaine de novembre 2012 sera décidément cruciale. Elle concernera bien plus que les Etats-Unis, vraiment bien plus que les Etats-Unis. 
 
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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