Publié par Guy Millière le 29 janvier 2012
Il y a peu de choses à retenir du dernier débat entre candidats républicains. Au bout de dix-neuf débats, il aurait été surprenant qu’il en soit autrement. 
 
On peut noter que Ron Paul, dès lors qu’il s’est relativement peu exprimé sur des questions de politique étrangère a semblé plus rationnel. On peut ajouter que Rick Santorum a été excellent et a énoncé ce qui doit l’être concernant l’Amérique latine et les liens qui se nouent entre l’Iran, le Hezbollah, le Venezuela et Cuba. On doit noter que Newt Gingrich, tout en prononçant d’excellentes réponses sur tous les sujets de fond qui ont pu être apporté, et en défendant économiquement des positions de supply sider, reposant sur la flat tax et la déréglementation, et géopolitiquement, la nécessité d’une Amérique forte pour que la liberté avance sur terre, a été souvent sur la défensive face aux attaques de Mitt Romney, semblait fatigué, et a sans doute perdu tout espoir de l’emporter en Floride et d’être le candidat. On doit souligner que Mitt Romney a dominé sans vraiment convaincre, sans procéder à des explications de fond, et simplement en se montrant agressif contre la personne de Newt Gingrich.
 
Il ne fait guère de doute, sauf retournement de dernière minute, que Mitt Romney l’emportera mardi soir. Il semble assuré, le cas échéant, qu’il l’emportera ensuite dans le Nevada le 4 février : dans un Etat peuplé à trente pour cent de mormons, un Mormon part avec un avantage très net. Romney devrait ensuite l’emporter dans le Maine et le Colorado. 
 
Il semble assuré, si les choses se passent ainsi, que Mitt Romney sera le candidat républicain face à Barack Obama. 
 
Je dois dire que c’est une perspective qui ne m’enthousiasme pas. 
 
Mitt Romney sera candidat par défaut : parce que ses adversaires potentiels seront tombés les uns après les autres et parce que les tea parties et le mouvement conservateur ne sont pas parvenus à s’accorder sur le choix d’un candidat. 
 
Il sera le candidat qui reste, celui vers lequel ceux qui ne veulent pas d’une réélection d’Obama se tourneront, faute de mieux. 
 
Romney est en campagne depuis 2007, ou peu s’en faut. Il est le candidat présélectionné par l’appareil du parti républicain qui lui a apporté massivement son soutien et s’est employé à balayer tous ceux qui pouvaient lui faire obstacle.
 
Romney est arrivé où il en est par des débauches d’argent (en Floride, il a, à lui seul, dépensé dix fois plus d’argent que Gingrich, qui n’a pu suivre, faute de moyens, et que Santorum, qui lui aussi souffre d’un cruel manque d’argent) consacrées à des publicités négatives dénigrant ses adversaires (de façon souvent mensongère), par un appui tacite des grands médias qui se sont employés eux-mêmes à balayer ce que l’appareil du parti républicain ne s’était pas encore employé à balayer, par un appui quasiment total des commentateurs conservateurs, à l’exception notable de Thomas Sowell et Rush Limbaugh. 
 
Il a relativement peu attaqué Barack Obama jusqu’à ce jour, réservant l’essentiel de ses coups à d’autres républicains, et lorsqu’il a parlé de Barack Obama, cela a été d’une manière plus tiède que les autres candidats républicains : en disant que c’était un brave homme arrivé à son seuil d’incompétence. Pas vraiment de quoi galvaniser les foules. C’est ce genre d’arguments que John McCain avait utilisé en 2008, avec le succès que l’on sait. 
 
Lorsqu’il a énoncé ses propositions économiques et ses positions en politique étrangère, Mitt Romney a adopté un langage conservateur, mais s’est placé en retrait par rapport à ses concurrents sur divers dossiers essentiels, tels que la fiscalité ou le rôle du gouvernement. 
 
Lorsqu’il lui a été demandé ce qu’il avait fait pour le conservatisme américain, il a cité le fait qu’il était marié, avait des enfants et petits enfants, qu’il avait été entrepreneur, avait connu le succès et avait fait fortune. Il a ajouté qu’il avait été gouverneur du Massachusetts pendant quatre ans, et que ces quatre années l’avaient rapproché des positions conservatrices. Il n’a pas renié la loi sur la santé, dite Romneycare, qu’il a fait promulguer au Massachusetts et qui, c’est établi, a servi de modèle à la loi sur la santé voulue par Barack Obama.
 
Je préférerais infiniment voir Romney à la Maison Blanche que Barack Obama, cela ne fait aucun doute.
 
Je doute par contre qu’il soit à même de mener une campagne suffisamment forte et tranchée pour vaincre la machine de guerre qu’Obama est en train de mettre en place avec la complicité de David Axelrod. Ce sera une campagne très dure, et Obama aura les moyens financiers de dépenser beaucoup plus que Romney et de faire bien davantage de publicités négatives que lui.
 
Je doute que Romney soit à même de présenter une alternative conservatrice cohérente et solide face à Obama, pour la simple raison qu’il n’est pas vraiment conservateur, ce que montrent ses réponses, et qu’il ignore les fondements intellectuels du conservatisme américain, ce que ses réponses montrent aussi. Face à un idéologue formé depuis des années à la guerre des idées tel qu’Obama, je crains que Romney ne fasse pas le poids.
 
Je pense, qui plus est, qu’Obama a déjà préparé tous les arguments qu’il utilisera contre Romney : le fait que Romney soit le candidat le plus riche se présentant à une élection depuis longtemps, le fait qu’il vienne du capitalisme financier et du leverage buy out (Occupy Wall Street, soutenu par Obama, a tracé une opposition entre les un pour cent et les quatre vingt dix neuf pour cent : Romney incarne les un pour cent), le fait, enfin qu’il soit mormon (et ceux qui pensent que cet argument ne sera pas utilisé par Obama doivent s’attendre à des surprises).
 
Je pense qu’une fois Romney devenu incontournable, les grands médias qui se sont employés à démolir ses adversaires un par un se tourneront vers Romney, et commenceront un travail de démolition systématique. 
 
La présidence Obama constitue un désastre évident, mais Obama a mis en place des systèmes de dépendance, d’assistance et de redistribution qui lui assureront un électorat captif.
 
Il recevra les voix des noirs, d’une majorité de latinos, d’une majorité de la communauté juive. Il bénéficiera du soutien de divers grands entrepreneurs dont il a fait ses clients dans le cadre d’une perversion du capitalisme qui est le crony capitalism, le capitalisme d’affinités et d’échanges de bons procédés. Il dispose de tous les leviers de commande et manipule les chiffres (le nombre de postes de travail occupés est plus faible qu’en 2008, mais, miraculeusement, le chômage baisse). Le « retour des troupes au pays » est présenté par lui comme une bonne chose, et une large frange de la population rejoint sa pensée sur ce point, sans avoir conscience des dangers qui s’accumulent sur l’horizon.
 
Il faudrait pour vaincre Obama un candidat qui puisse s’appuyer pleinement sur le soutien de ceux qui se sont levés dans le mouvement des tea parties. Romney ne pourra pas s’appuyer pleinement sur ce soutien. 
 
Dans un article paru en juillet 2010 dans la revue The American Spectator, Angelo Codevilla disait que les dirigeants républicains constituaient le parti de la Garden Party, une élite modérée, feutrée, et que la seule force susceptible de renverser le crony capitalism qui se mettait en place sous Obama était celle incarné par les tea parties, et il l’appelait le country party. 
 
Le parti de la Garden Party a imposé son candidat, comme en 2008 avec John McCain. Le parti de la Garden Party considère qu’un modéré a de meilleures chances de battre Obama. 
 
J’en doute très fortement.
 
Les commentateurs conservateurs, sauf Thomas Sowell et Rush Limbaugh, ont raisonné comme le parti de la Garden Party et pensent que Mitt Romney a plus de chances de l’emporter. 
 
J’en doute très fortement. 
 
Je pense que les tea parties et le Country Party vont se sentir floués. 
 
Si Romney est battu, ce que j’appelle le désastre Obama va s’accentuer et devenir bien plus difficilement réversible. Je préfère ne pas imaginer ce que sera alors la réaction de la base conservatrice.
 
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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