Publié par Jean-Patrick Grumberg le 10 février 2012
Les informations de notre contact moscovite ne se trouvent pas dans les grands médias, dont la lecture superficielle de la situation politique préélectorale ne permet pas de comprendre la réalité russe.
 
Selon Alexey Navalny, le plus célèbre blogueur russe (son blog, navalny.livejournal.com, est le 11e site le plus fréquenté de Russie – un classement surprenant – et son second blog rospil.info dénonce la corruption du régime), Poutine craint deux choses plus que tout : 1) ne recevoir qu’un seul salaire (entendre par là que ses multiples sources de revenus occultes lui procurent des fortunes à coté desquelles son salaire à la tête de l’Etat est juste un pourboire, 2) se faire ridiculiser, sur internet et dans la rue par les caricatures du régime, ce qui nous fait prendre, à tort, les manifestants anti-Poutine pour des clowns.
 
Nous savons déjà, me dit mon informateur, que les prochaines élections présidentielles qui se tiendront le 4 mars en Russie vont consacrer la corruption et la fraude électorale, et Poutine sera élu. L’opposition officielle est représentée par des politiciens corrompus jusqu’à la moelle, tous au service de Poutine lui-même. Quatre autres candidats se présentent à l’élection, qui sont tous des hommes de main ou des marionnettes de Poutine. Il y a Guennadi Ziouganov le communiste, Vladimir Zhirinovsky le pitre d’extrême droite, le socialiste Sergueï Mikhailovitch Mironov, et le milliardaire Mikhaïl Dmitrievitch Prokhorov, enrichi par les grâces de Poutine. Quel que soit le résultat de ces élections, Poutine gagne. 
 
Le sixième candidat, Grigory Alexeyevich Yavlinsky, était le seul vrai candidat de l’opposition, et il fut éliminé il y a quinze jours. 
 
Pour se présenter, un candidat doit recueillir deux millions de signatures (!), un chiffre dément même à la taille de la Russie. Yavlinsky réussit néanmoins la prouesse de les obtenir, mais le comité électoral inventa des prétextes pour en rejeter assez pour le disqualifier : Poutine ne veut pas que des scrutateurs non corrompus viennent troubler les magouilles du dépouillement du vote. L’élection précédente a été contestée par plus de 140 procès, toujours en cours.
 
Dans ce contexte, la manifestation de support à Poutine du 4 février fut de cette veine : des milliers de fonctionnaires et d’ouvriers de l’Etat reçurent l’ordre de s’y rendre, menacés de perdre leurs emplois s’ils refusaient, et des bus de ramassage ont été organisés tout autour de Moscou. 
 
De plus, les Anonymous ont publié cette semaine des emails piratés sur l’ordinateur de Kristina Potupchik, la porte parole du mouvement Nashi, l’organisation des « jeunes pour Poutine », qui ont révélé que des travailleurs immigrés et des « volontaires » s’étaient vu offrir 1500 roubles, l’équivalent de 50 dollars, pour grossir les rangs des manifestants de la manifestation pro Poutine du 4 février. Et comme l'impunité donne des ailes, une fois la manifestation terminée, ces derniers ne reçurent que la moitié de la somme !
 
La télévision et la police étant sous le contrôle de l’Etat, les chiffres des manifestants pro-Poutine ont été également arrangés. La place ou se tenait la manifestation peut contenir au mieux 30 à 35.000 personnes, ils annoncèrent sans sourciller une participation de 100 à 150.000 manifestants, et Poutine monta même la barre à 190.000 !
 
Face à cette mascarade de démocratie, les protestataires ont choisi leur ton : la dérision. Ridiculiser, caricaturer, humilier Poutine et son régime fantoche, essentiellement sur internet et dans la rue.
 
Le 29 janvier, à Moscou, les opposants au régime ont demandé aux automobilistes d’afficher le symbole blanc de la protestation sur leurs voitures : les voitures du centre de Moscou sont presque toutes passées au blanc.
 
Le 26 février prochain, les mêmes opposants organisent une chaîne humaine, qui devrait sans difficulté, malgré des températures qui avoisinent les -20°, réunir plus de quarante mille personnes en une chaîne blanche, sur Garden Ring, avec pour objectif de paralyser le centre de Moscou.
 
Sur Youtube, les protestataires publient des vidéos qui ridiculisent Poutine, et Alexey Navalny a offert 10.000 dollars à celui qui publiera la vidéo la plus caustique. La vidéo ci dessous fait partie de ce concours, et elle incarne le nouveau mode d’expression qui – c’est assez surprenant avec notre raisonnement occidental – irrite Poutine au plus haut point et ternit son image.
 

Le 4 février dernier donc, 200.000 protestataires défilaient dans l’une des rues principale de Moscou. De nombreux manifestants étaient habillés en costume de carnaval et ont été présentés par les médias étrangers comme des clowns, alors que leurs costumes humilient le régime qui en a été déstabilisé au point de se sentir obligé d’organiser sa coûteuse contre manifestation. Beaucoup de manifestants étaient déguisés en hamster, car un des leader de l’opposition, la vraie, intercepta l’échange téléphonique d’un cadre du régime, qui fut diffusé sur internet, lequel traitait ainsi les opposants au régime.
 
Beaucoup prédisent que la formidable popularité de Alexey Navalny, acquise sur internet, fera de lui, après ce dernier passage en force de Poutine, le prochain président.
 
Reproduction autorisée et vivement encouragée, avec la mention suivante et le lien ci dessous :
© Jean-Patrick Grumberg pour www.Dreuz.info

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