Publié par Guy Millière le 9 février 2012
Les élections primaires républicaines ne se passent décidément pas comme prévu. 
 
Les dirigeants du parti, les commentateurs pour la plupart, ont décidé depuis longtemps de soutenir Mitt Romney, le candidat censé être le plus « éligible », car le plus modéré et, disent-ils, le plus à même de convaincre les hésitants.
 
Il semblait après les élections primaires de Floride que les jeux étaient faits. Les gens issus des tea parties et les conservateurs paraissaient devoir se résigner, rentrer dans le rang, soutenir Romney faute d’alternative. 
 
Celui qui apparaissait être le dernier des candidats à ne pas être Romney, Newt Gingrich, avait été pilonné par des millions de dollars de campagnes négatives et de propos diffamatoires. Nul ne pariait sur sa possibilité de se relever, sauf lui et quelques fidèles. Les élections primaires du Nevada ont paru confirmer le verdict : Romney y a creusé l’écart. Gingrich a fini loin derrière. Les deux autres candidats plus loin encore. 
 
Et puis, il y a eu les caucus du Minnesota et du Colorado et les primaires du Missouri. Et l’inattendu s’est produit. 
 
Dans les trois cas, le vainqueur a été, très nettement, Rick Santorum. Les primaires du Missouri ne désigneront pas de délégués à la convention (sanction imposée par le parti pour ne pas avoir respecté le calendrier des primaires) et Romney en a parlé avec dérision comme d’un « concours de beauté » : il n’empêche, il a perdu le concours. Le Minnesota et le Colorado enverront des délégués, et là Romney ne peut pas parler de « concours de beauté », et ses défaites ont été cinglantes : le Minnesota aurait dû aller vers Romney dès lors que le gouverneur de l’Etat jusqu’en 2011, Tim Pawlenty, fait campagne très activement pour Romney, ce n’est pas ce qui s’est passé. Le Colorado, au vu de sa population et des soutiens dont disposait Romney là encore aurait dû lui aussi basculer vers Romney, ce n’est pas ce qui s’est passé non plus. On a assisté, en réalité, à une réaction de la base conservatrice qui s’est tournée vers le candidat à ne pas être Romney qui avait déjà gagné dans l’Iowa. Et Rick Santorum est dès lors, à ce jour, celui qui a gagné le plus souvent : quatre fois, contre deux fois pour Romney et une fois pour Gingrich.
 
Mitt Romney est le candidat qui a, outre les appuis dont il dispose, le plus d’argent, et la plus forte organisation sur le terrain. Mais cela ne suffit visiblement pas.
 
Dès lors, la compétition reste ouverte. Le 11 février aura lieu le caucus du Maine : un Etat du Nord Est qui devrait être favorable à Romney. Le 28 février seront organisées les primaires du Michigan et d’ Arizona. Deux Etats où Romney est donné favori, le 3 mars, ce seront les élections primaires de l’Etat de Washington, puis le 6 mars, le « super Tuesday » : dix Etats voteront.
 
Romney garde des chances de s’imposer. Gingrich espère regagner du terrain lorsque voteront les Etats du Sud. Santorum espère bénéficier d’un élan qui le portera plus loin. 
 
Il est tout à fait possible qu’aucun candidat n’ait le nombre de délégués requis pour disposer d’une majorité absolu à la convention, et, si c’est le cas, c’est la convention qui désignera le candidat, à Tampa, à la fin du mois d’août. Gingrich s’est promis d’aller jusqu’à la convention, et il le fera. Santorum croit que tout est possible. 
 
Il sera difficile à Romney d’écraser Santorum comme il l’a fait avec Gingrich : il essaiera néanmoins.
 
Les arguments en faveur de Romney sont, en tout cas, fragilisés : l’éligibilité s’émousse dès lors que Romney ne parvient pas à s’imposer. La modération n’est pas un atout dès lors que Romney ne parvient pas à attirer les conservateurs. Et nombre de ses déclarations récentes n’ont pas rassuré ceux qu’il devait attirer : que ce soit la phrase sur les pauvres ou celle sur le salaire minimum, sans parler de sa défense du système de santé qu’il a mis en place dans le Massachusetts. Romney se présente comme un entrepreneur et un gestionnaire, ce qui pourrait convenir si l’élection se jouait sur l’économie, mais il se peut que l’élection se joue sur d’autres dimensions. Romney présente souvent Obama comme un brave type qui a dépassé son seuil de compétence. Gingrich et Santorum le présentent comme un gauchiste destructeur, ce qui répond davantage aux attentes de la base. 
 
Gingrich est en perte de vitesse et ne s’est pas remis de ce qu’il a subi en Floride. Je doute qu’il puisse se remettre, mais je ne m’engagerai pas sur un pronostic. Santorum, lui, prend de la vitesse et certains évoquent désormais une hypothèse Santorum aux Etats-Unis.
 
Gingrich se présente comme l’héritier de Reagan et de la supply side economics, économie de l’offre : il incarne la vision économique du conservatisme américain et les valeurs des pères fondateurs. On peut lui reprocher deux divorces et ses activités de consultant à Washington. Mais si on fait une liste, on dira qu’on sait qu’Obama se prépare à attaquer Romney parce qu’il est l’incarnation du capitalisme financier et parce qu’il est mormon. 
 
Santorum se présente lui-même comme l’héritier de Reagan, ce qui est en partie exact, et ce que ne peut faire Romney. Il vient de la Pennsylvanie industrielle et peut attirer les votes ouvriers. C’est un « social conservative », un conservateur des questions sociales, catholique, mais à même d’attirer les voix évangéliques, hostile à l’avortement et au mariage gay, ce qui, murmurent certains pourrait lui coûter des voix.
 
Aucun candidat n’est parfait. 
 
Il est bien entendu que, quelles que soient mes réserves vis-à-vis de Romney, chacun d’eux vaudrait infiniment mieux que Barack Obama.
 
On écrit en France qu’Obama se réjouit que les primaires durent et que le candidat puisse ne pas être désigné avant la convention. Je ne suis pas du tout certain qu’Obama se réjouisse. Plus le candidat émergera tardivement, moins la machine de démolition qu’Obama a mise en place aura le temps d’agir. 
 
Il se peut que tout se joue entre août et novembre, sur deux mois. Ce seront alors deux mois intenses et décisifs pour les Etats-Unis et pour le monde. 
 
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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