Publié par Dreuz Info le 1 mars 2012
 
Marc Reisinger, Bruxelles le 29 février 2012
 
Tout le monde connaît l’affaire Enderlin- Al Dura. 
 
Charles Enderlin correspondant de France 2 en Israël a diffusé en 2000, au début de la 2e Intifada,  un reportage censé montrer la mort à Gaza d’un enfant palestinien de 12 ans sous les balles de soldats israéliens.
 
Une enquête de la MENA (Metula News Agency) a montré que ce reportage n’était qu’un bidouillage de « reporters » palestiniens, cautionné par Charles Enderlin et distribué gratuitement aux télévisions du monde entier par France 2.
 
France 2 n’a jamais osé s’en prendre à la MENA, mais a attaqué en diffamation Philippe Karsenty, directeur de l’agence française Media Ratings qui qualifiait le reportage de « supercherie » et « d’imposture », évoquant la fausse mort de l’enfant.
 
Karsenty a été condamné en première instance en 2006. Il a été relaxé en appel en 2008. Cette relaxe vient d’être annulée, le 28 février 2012, par la Cour de cassation, la plus haute juridiction française.
 
Quelle logique est à l’œuvre dans cette succession de voltefaces ? Pas la logique aristotélicienne en tout cas.
 
En première instance, Karsenty réclamait le visionnage des rushes ayant servi à monter la séquence télévisée de France 2, qui durait moins de 60 secondes. La Cour a condamné Karsenty pour diffamation sans examiner les rushes.
 
La Cour d’appel a réclamé à France 2 ces rushes et a estimé que leur visionnage « ne permettait pas d’écarter les déclarations faites par plusieurs journalistes ayant visionné les rushes ». Ces déclarations étaient très précises : « Le visionnage des rushes ne nous apprend rien de plus sur l’‘agonie de l’enfant’. Ou plutôt, si !, cette fameuse « agonie », qu’Enderlin affirme avoir coupée au montage, n’existe pas » (Denis Jeambar et Daniel Leconte, Le Figaro, 25/01/2005 ).
 
L’agonie de l’enfant n’existe pas. Le reportage est donc bidon. 
 
Case closed ? Comment la Cour de cassation, qui ne juge que la forme et non le fond, pourrait-elle aller à l’encontre d’une telle évidence ?
 
Simple. La Cour de cassation juge que la cour d’appel de Paris, qui a ordonné que France 2 communique les rushes du reportage, ne pouvait le faire « sans excéder ses pouvoirs ». En matière de diffamation, il incombe au prévenu d’apporter la preuve de sa bonne foi, « sans que les juges aient le pouvoir de provoquer, compléter ou parfaire l’établissement de celle-ci ».
 
En somme, la Cour de cassation reproche à la Cour d'appel d'avoir établi l’innocence de Karsenty. Elle confirme donc implicitement la supercherie d'Enderlin, mais reproche à la Cour d'appel d'avoir contribué à en établir la preuve.
 
Pour résumer toute l’affaire, 
 
– Karsenty a été condamné en première instance parce que le tribunal n’a pas examiné les preuves de son innocence. 
– Il a été relaxé parce que la Cour d’appel a examiné ces preuves. 
– et il est « cassé » en cassation parce que les preuves de son innocence ont été établies. 
 
Autrement dit, Karsenty est coupable d’être innocent, et Enderlin est innocent parce que coupable. 
 
Certains sont choqués lorsqu’on compare l’affaire Enderlin-Al Dura à l’affaire Dreyfus. Effectivement, car Dreyfus a été jugé coupable et innocent successivement – mais pas simultanément. 
 
Le Droit est une chose merveilleuse : il permet de se libérer du principe d’identité, fondement de la logique d’Aristote et de toute pensée. On n’est plus coupable ou innocent d’un fait. On peut être coupable et innocent, et même coupable parce qu’innocent ! J'appelle ça de l'obscurantisme.
 
Karsenty sera à nouveau jugé. Si je ne me trompe, il détient aujourd’hui les fameux rushes que France 2 a dû déposer en appel. Le prochain jugement devrait être le bon, dans combien d’années ?
 
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© Marc Reisinger pour www.Dreuz.info

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