Publié par Guy Millière le 22 mars 2012
 
On sait désormais qui a tué les militaires français abattus la semaine dernière. On sait qui a tué trois enfants juifs et un rabbin. On sait que c’est un islamiste. 
 
On sait qu’il a fait plusieurs séjours au Pakistan et en Afghanistan pour se former au djihad et nouer des contacts avec des groupes terroristes. On sait qu’il y a fait de la prison pour avoir posé des bombes dans la région de Kandahar, et qu’il s’est évadé grâce aux talibans. On sait qu’il y avait une mouvance autour de lui : on parle dans la presse étrangère d’une quinzaine de personnes. On sait qu’il avait amassé des explosifs et des armes de guerre. On sait qu’il a été condamné par la justice une quinzaine de fois et avait, pour le défendre, le même avocat que Jean-Marc Rouillan. On sait qu’il y a en Europe des dizaines d’individus comme lui qui constituent des cellules dormantes ou des solitaires prêts à passer à l’acte. On sait que l’individu en question, Mohamed Merah, était sous « surveillance policière » et que les dossiers de son passé terroriste en Afghanistan avaient été transmis à la police française. On sait donc qu’un djihadiste sous « surveillance policière » en France, et doté d’un passé éloquent et de dossiers chargés, peut amasser des armes de guerre et des explosifs sans que la police s’en inquiète outre mesure et on sait que, bien que des djihadistes soient dans la société française, avec des idées djihadistes et des armes, on ne dispose pas même d’un seul policier pour veiller sur l’entrée d’une école juive. On sait même que des plaintes ont été déposées contre le djihadiste tueur de Toulouse par des voisins sans qu’il y soit donné suite, et qu’il a fallu six jours pour déchiffrer moins de six cents adresses IP à de fins limiers (les adresses de ceux qui ont regardé la petite annonce qui a été fatale au premier soldat tué), et que cette extrême lenteur a coûté la vie aux victimes du collège Ozar Hatorah.
 
On sait aussi que des hommes politiques peuvent se comporter dignement l’espace d’un instant, mais que d’autres ne peuvent pas même garder leur dignité le temps d’une soirée : les propos de François Bayrou lundi sur le climat de « stigmatisation », sur « le fait de montrer du doigt les uns et les autres en fonction de leur origine » ont été lamentables.
 
On sait que les hommes politiques qui se comportent dignement le temps d’une soirée peuvent se comporter moins dignement et ne pas du tout s’interroger sur leurs responsabilités, sur les relations de cause à effet qui peuvent conduire au déchaînement de la barbarie.
 
Et on sait que les bien pensants de tous bords font bien davantage que ne pas s’interroger sur leurs responsabilités et sur les relations de cause à effet : ils disséminent l’anesthésie, le mensonge et la falsification.
 
Dès la tuerie atroce de Toulouse connue, on a vu se mettre en marche la cohorte des chiens de garde. Des doutes ont été émis sur le caractère antisémite de la tuerie. La piste islamiste n’a été évoquée par personne, sinon par Gilles-William Goldnadel sur iTélévision. L’extrême droite a, par contre, été abondamment citée et placée d’emblée sur le banc des accusés, sans le moindre milligramme de preuve. Marine Le Pen a été accusée nommément ainsi que, par allusions, Nicolas Sarkozy. Des psychiatres ont été convoqués pour évoquer la possibilité qu’il s’agisse d’un malade mental.
 
Il a fallu que l’évidence soit là dans toute sa cruauté pour que la cohorte se taise un peu, mais on peut compter sur les membres de la cohorte pour reprendre leur discours en l’adaptant un peu. On vous dira qu’il faut veiller à préserver la « cohésion nationale », et au nom de cette préservation, on ne parlera très vite plus d’antisémitisme, mais de « racisme » en général, et puisque le tueur est musulman, on mettra en garde contre le « racisme islamophobe », en insistant sur une évidence flagrante : l’islam est toujours, partout et en tous lieux une religion de paix, d’amour, de tolérance et de fraternité.
 
Quiconque émettra des doutes sera cloué au pilori de manière immédiate. On ajoutera, bien sûr, qu’il ne faut pas importer les conflits du Proche-Orient sur le sol français. On précisera, cela ne saurait tarder, qu’il faut accélérer le « processus de paix » pour que les esprits s’apaisent. On dira même que Mohamed Merah était un brave garçon bien sympathique qui a pris un virage étrange et « tragique ».
 
On ne dira pas ce qui doit l’être, et que je dirai ici.
 
Il n’existe pas de « cohésion nationale » dans un pays lorsqu’y prolifèrent les zones de non droit, lorsque des Juifs peuvent se faire agresser simplement parce qu’ils portent une kippa sur la tête, lorsque des parents juifs doivent mettre leurs enfants dans une école juive pour qu’il ne se fassent pas harceler ou insulter, lorsque les écoles juives sont les seules écoles du pays à devoir prendre des mesures stricts de sécurité qui parfois, hélas, on vient de le voir, se révèlent insuffisantes, et lorsque le plus souvent, on se tait sur ces phénomènes inadmissibles.
 
Il existe du racisme en France, c’est incontestable, mais il existe surtout un antisémitisme qui ne cesse de regagner du terrain, et qui peut déboucher sur des crimes atroces : je pense aux victimes de Toulouse, bien sûr, mais je pense aussi à Ilan Halimi ou à Sébastien Selam. Près de quatre cents actes d’agression antisémites ont eu lieu en France en 2011, soit plus d’un par jour et, comme me le disait voici peu Sammy Ghozlan, nombre d’agressions antisémites ne sont pas déclarées à la police ou sont classés sans suite.
 
L’antisémitisme qui existe en France ne vient que très marginalement de l’extrême droite désormais, quoi que disent les professionnels du chloroforme et de l’antiracisme biaisé, SOS Racisme, Licra, ou Mrap, et il émane essentiellement des milieux musulmans : quasiment toutes les agressions antisémites en France aujourd’hui sont des agressions venues de l’antisémitisme islamique.
 
L’antisémitisme islamique se trouve alimenté par la haine envers Israël, qui est elle-même très largement entretenue par les grands médias dans lesquels se pratiquent, consciemment ou inconsciemment, une véritable incitation à la haine distillée jour après jour comme un venin.
 
Cette haine est devenue tellement ordinaire que ceux qui la pratiquent finissent par ne plus se rendre compte de ce qu’ils font. Elle est devenue tellement ordinaire que, pour ceux qui la reçoivent et s’en imprègnent, elle semble naturelle, légitime.
 
Il en résulte l’antisionisme, si courant au sein de l’extrême gauche et, parfois, de la gauche tout court, et les « antisionistes » se font très vite compagnons de route ou idiots utiles de l’antisémitisme islamique.
 
J’ai expliqué les engrenages dans un livre publié il y a moins d’un an. Je l’ai appelé Comme si se préparait une seconde shoah. J’y notais les effets de l’antisionisme qui monte et de l’antisémitisme islamique qui l’accompagne. J’y soulignais que se dessinait ainsi un espace mental dans lequel des adeptes du vieil antisémitisme pouvaient venir se fondre. Les proximités qui peuvent se créer entre islamistes et nostalgiques du nazisme, et entre islamistes et gauchistes ont déjà été pointées du doigt. En vain. Les gauchistes « pro-palestiniens » et anti-israéliens font, bien sûr, comme s’ils n savaient pas qu’ils fréquentent des gens qui lisent le Coran le matin et Mein Kampf le soir.
 
Je crains fort que cela ne s’arrange pas. 
 
Nicolas Sarkozy sera peut-être réélu, et il y aura à l’Elysée un partisan de la création rapide d’un Etat palestinien qui se gardera bien de parler de l’antisémitisme islamique et de l’islam radical. François Hollande sera peut-être élu, et il recevra à l’Elysée son ami Stéphane Hessel tout en donnant des positions de pouvoir à Martine Aubry, Jean Glavany, Arnaud Montebourg, qui devraient tous être nommés citoyens d’honneur de Ramallah et de Gaza City. Les grands médias resteront ce qu’ils sont et distilleront des incitations à la haine envers les Juifs israéliens dont ils ne comprendront décidément pas comment elles peuvent déboucher sur l’excitation de djihadistes et sur des tueries de Juifs, telles celle de Toulouse. Ils répéteront que l’islam est toujours une religion de paix, comme on le voit chaque soir à la télévision dans les reportages sur l’Egypte, l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie. Ils n’importeront pas le conflit du Proche-Orient en incitant à la haine envers les Juifs israéliens, non… Ils dépeindront des garçons très sympathiques qui auront parfois fait des excursions dans les zones tribales afghanes, si pittoresques. Les Juifs seront inquiets. Les gens comme moi le seront aussi. Le reste de la société française sera indifférent.
 
Une grande majorité de Français, après tout, étaient indifférents au temps de la débâcle et de Pétain. Des journaux comme « Je suis partout » avaient d’innombrables lecteurs. 
 
Une grande majorité de Français sont dès aujourd’hui indifférents à l’avenir qui se profile et, grâce aux grands médias, très largement aveugles aux désastres qui se préparent, dépourvus des moyens de comprendre et d’analyser.
 
Dans le moyen terme, le poids de l’islam en France s’accentuera, l’aveuglement s’accentuera aussi car les idées sont désormais très filtrées en ce pays, le déclin économique s’accentuera lui-même. La haine d’Israël s’accentuera très logiquement, la haine des Juifs grandira, indissociable de la haine d’Israël. La haine de tout ce qu’il y a eu de plus fécond dans la civilisation occidentale, haine elle-même indissociable de la haine d’Israël et de la haine des Juifs grandira. Cela s’appelle le crépuscule.
 
Les soldats tués par Mohamed Merah ont été tués par lui parce qu’il faisaient partie de l’armée française, et ils sont morts pour rien. Ils ont été tués parce que l’armée française est en Afghanistan où d’autres soldats français, anglais, américains sont eux aussi morts pour rien puisque le pays va passer à nouveau aux mains des amis de Mohamed Merah.
 
Le rabbin et les enfants juifs tués par Mohamed Merah ont été tués par lui parce qu’ils étaient juifs, parce que les gens tels que Mohamed Merah détestent les Juifs et détestent Israël, parce que dans la grande nébuleuse en laquelle circulait Mohamed Merah, on déteste les Juifs et Israël, parce que les grands médias disséminent la haine d’Israël, parce que les bien pensants ne voient absolument pas le lien entre antisionisme et antisémitisme, ne voient l’antisémitisme qu’à l’extrême droite et semblent ne voir qu’un seul racisme préoccupant aujourd’hui : ce qu’ils appellent le « racisme islamophobe » : celui qui imprègne les gens qui comme moi, pensent étrangement que les djihadistes sont dangereux.
 
Mohamed Merah voulait mettre la France à genoux. Sa démarche était vaine : la France est d’ores et déjà à genoux. Dans une Europe qui est elle aussi à genoux et qui, il faudra y revenir et j’y reviendrai, n’a pas du tout tiré les leçons de la shoah.
 
Les soldats tués ont été enterrés. Deux enfants, leur père, et une petite fille ont trouvé une sépulture dans la terre du peuple juif, en Israël. Je pense sans cesse à la petite fille que Mohamed Merah a tiré par les cheveux et assassiné d’une balle dans la tête. Aucun animal n’atteint ce degré d’ignominie. Qu’aurait risqué Mohamed Merah s’il s’était laissé prendre vivant ? Quelques années de prison, c’est tout. En France, aucun châtiment n’est à la hauteur de certains crimes, et la vie des victimes vaut dès lors bien peu. Quand les victimes sont juives, la vie vaut moins encore, souvent, trop souvent. Mohamed Merah est mort, parce qu’il l’a choisi. Lui-même.
 
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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