Publié par Guy Millière le 8 mars 2012
 
Les élections primaires de mardi, le « Super Tuesday », n’ont fait que confirmer ce que je pensais et que j’ai écrit dans mon précédent article sur les élections américaines. Mitt Romney a fait un pas supplémentaire vers la nomination, qui ne devrait sans doute pas lui échapper, mais il apparaît comme un candidat faible, très faible, dont on peut sérieusement douter qu’il soit susceptible de m’emporter en novembre prochain, quel que soit le choix du candidat à la vice-présidence.
 
Certes, Mitt Romney l’a emporté dans le Massachusetts (aucune surprise, c’est l’Etat dont il a été le gouverneur), dans le Vermont (état très modéré et plutôt à gauche comme le Massachusetts), en Virginie (où, faute d’avoir pu concourir, ni Newt Gingrich ni Rick Santorum n’étaient présents), dans l’Idaho et, à l’arraché, en Ohio. Mais il ne remporte nulle part un score qui montre qu’il remporte l’assentiment massif et sans conditions de l’électorat républicain. Si Newt Gingrich ne remporte qu’un seul Etat, la Georgia dont il est originaire, et semble en perdition, ce n’est pas le cas de Rick Santorum, qui gagne l’Oklahoma, le North Dakota et le Tennessee, et qui n’a perdu l’Ohio que de justesse.
 
Mardi prochain, les élections primaires du Kansas, d’Alabama et du Mississippi auront lieu, et Rick Santorum devrait s’y imposer. Sauf si, cas très improbable, Gingrich se redressait. Mais Romney semble n’y avoir aucune chance.
 
Mitt Romney n’est dans la position de vraisemblable candidat, je l’ai dit, que grâce au fait qu’il a été présélectionné par le parti républicain et par la majorité des commentateurs conservateurs, en ce qu’il semblait incarner la sécurité par la modération. Ce type de choix a conduit le parti républicain à la défaite un grand nombre de fois : George Herbert Walker Bush a été élu en 1988 comme l’hériter de Reagan, les électeurs l’ont rejeté en 1992 lorsqu’il est apparu être une forme d’ancêtre politique de Mitt Romney, Bob Dole a été battu en 1996, John McCain a été battu en 2008. Bush père, Dole et McCain soutiennent Mitt Romney aujourd’hui, très logiquement.
 
Mitt Romney n’est dans la position où il est que parce qu’il est en campagne, en réalité, depuis cinq ans, et parce qu’il dispose de moyens financiers considérablement supérieurs à ses opposants et a pu, jusqu’à présent mener des campagnes de publicité négative qui les ont fait tomber les uns après les autres (en Ohio, il a, une fois encore, dépensé des sommes considérables pour dénigrer Rick Santorum).
 
Il ne disposera pas de ces avantages face à Obama, qui est en campagne continuelle depuis aussi longtemps que lui, tout en disposant du fait qu’il est Président sortant, qui dispose de sommes bien plus importantes que celles dont disposera Romney, et qui, en matière de publicité négative, est, avec la complicité de son ami David Axelrod, formé comme lui aux méthodes de Saul Alinsky, un maître qui n’a pas d’équivalent sur la scène politique américaine. Comme l’écrivait récemment mon ami David Horowitz : si Bill Clinton était un menteur professionnel, Obama a porté la profession de menteur vers des niveaux insoupçonnés jusqu’alors.
 
En cinq ans, Mitt Romney n’a pas convaincu les conservateurs, et il l’est devenu très tard pour qu’il puisse les convaincre : il en résulte et en résultera un déficit d’enthousiasme qui peut peser lourd. Si Romney avait désavoué le système d’assurance santé qu’il a mis en place dans le Massachusetts, peut-être en aurait-il été autrement, mais il ne l’a pas fait, et il ne le fera pas : ce qui l’empêchera de critiquer le système de santé mis en place par Obama, qui est pourtant au centre des préoccupations de millions d’Américains.
 
Mitt Romney est, par ailleurs, mormon, et il est très clair, au vu des résultats de mardi, que cela compte pour les électeurs chrétiens conservateurs, quand bien même certains diront le contraire. Et si on imagine que la campagne d’Obama ne va pas utiliser l’argument (de manière feutrée, bien sûr), on se trompe.
 
Mitt Romney a fait campagne sur deux thèmes : le fait qu’il était plus éligible que ses opposants, et le fait qu’il connaissait mieux l’économie qu’Obama. Le critère de l’éligibilité tombera sitôt il sera candidat. Ses compétences économiques peuvent fort bien ne pas paraître constituer un argument suffisant si une reprise, même asthénique, se dessine aux Etats-Unis, et si un toilettage des chiffres du chômage parvient à faire illusion. Romney vient, par ailleurs, du monde de la finance, qui, depuis quatre ans, n’est pas le secteur capitaliste préféré des foules américaines. Le mouvement Occupy Wall Street a été formaté par des gens de l’entourage d’Obama pour déstabiliser un candidat tel que Romney, et cela n’a été sans doute qu’un début.
 
Mitt Romney, enfin, s’est refusé à faire campagne sur d’autres thèmes et l’a encore répété ces jours derniers. On peut compter sur la campagne Obama pour user de ces autres thèmes et faire son possible pour mettre Romney en difficulté. Romney, en supplément, n’a jamais attaqué frontalement Obama : Obama, lui, n’hésitera pas un seul instant. La posture de Romney sur ce plan est exactement celle qu’avait adopté McCain : elle a tellement bien réussi à McCain que Romney aurait vraiment tort de ne pas la reprendre à son compte.
 
Ce qui a favorisé Romney, lors du Super Tuesday une fois encore, est que ses opposants sont divisés. Si Gingrich se retirait au profit de Santorum, une dynamique pourrait s’enclencher. Si les voix de Gingrich et de Santorum s’étaient additionnées mardi, Mitt Romney aurait été défait de manière écrasante en Ohio, la victoire de Santorum dans l’Oklahoma, le Tennessee et le North Dakota aurait été si imposante qu’elle aurait montré que Mitt Romney, dans nombre d’Etats, ne parvient pas à atteindre la barre des trente pour cent.
 
J’aimerais ne pas être pessimiste, et j’aimerais plus encore voir mon pessimisme démenti : pour l’heure, je vois mon pessimisme confirmé. Hélas.
 
Pour un homme qui a le bilan d’Obama, disposer encore de plus de quarante huit pour cent d’opinions favorables est une prouesse de mauvais augure pour les Républicains.
 
Pour un homme comme Mitt Romney, faire quasiment partout des scores qui oscillent entre 24 pour cent et 40 pour cent est un signe inquiétant.
 
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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