Publié par Gilles William Goldnadel le 18 avril 2012
 
Le Monde a de drôles d’idées. Dans Le Monde des idées de cette semaine, Olivier Truc livre en pâture l’identité de quelques intellectuels qui auraient été les inspirateurs du norvégien Anders Breivik dont le procès s’est ouvert ce lundi et qui a tué comme on le sait 77 personnes à Oslo en juillet 2011. En réalité les noms de ces personnes auraient été puisés dans le prolifique journal du meurtrier dont la folie fait toujours débat.
 
Parmi eux, mon amie et cliente, la grande historienne égyptienne Bat Ye’or qui aura la première popularisé la notion de dimmitude des juifs et des chrétiens en terres islamiques. Il est inutile de préciser que cette anti-islamiste déclarée n’a jamais appelé à la moindre violence contre qui que ce soit. Il n’empêche qu’elle aurait influencé le tueur. Imagine-t-on un seul instant que j’ai la fantasque idée de reprocher à Emmanuel Todd d’être l’un des inspirateurs du défunt Oussama Ben Laden qui avait, on s’en souvient peut-être, félicité notre sociologue pour sa clairvoyance. Imagine-t-on encore que j’accuse expressément France2 d’avoir inspiré Mohamed Merah pour venger les enfants palestiniens, en se fondant sur le reportage accusant sans preuve les israéliens d’avoir visé intentionnellement Mohamed al-Durah dans les bras de son père. Imaginez encore la bronca si j’avais suggéré que Stéphane Hessel avait pu également appuyer intellectuellement sur sa gâchette en prétendant, comme il l’avait avancé dans le Frankfurter Allgemeine Zeitug que comparée à l’occupation israélienne, l’occupation nazie avait été relativement inoffensive.
 
Et pourtant, Le Monde l’a fait, jusqu’à présent, sans susciter le moindre froncement de sourcils. Le même jour, le quotidien consacre un article à la collection picturale de Christoph Blocher, figure de l’UDC le parti de la droite dure en suisse qui est aussi un passionné d’art. Mais, ajoute Le Monde, "un art purement helvétique, qui reflète ses convictions nationalistes. Fascinant et dérangeant.". Qu’est ce qui dérange donc notre journal vespéral ? Son goût qui ne dépasse pas Albert Anker, un artiste bernois né en 1831, réaliste au moment où les impressionnistes renversent les canons. Comme le dit Blocher : "la Suisse devrait ancrer ses valeurs démocratiques. L’iconographie s’appuyer sur l’Histoire suisse, la famille, les enfants et l’école. Anker puise l’essentiel de son humanisme dans sa formation de théologien.»
 
Décryptage du Monde : c’est dans le goût artistique de ce collectionneur patriote qu’on peut comprendre sa lutte contre l’immigration ou l’implantation de minarets avec des campagne d’affichages agressives qui présentent les étrangers comme une menace pour la cohésion nationale. 
 
Décryptage du décryptage : on a le droit sinon le devoir de défendre l’art premier des autres ou l’abstraction totale mais défense de cultiver l’art du terroir originel au risque de déranger. Comme toujours : d'un excès, l’autre. Hier l’obsession du sang pur, aujourd’hui la dilection pour le métissage. Hier nos ancêtres les Gaulois, aujourd’hui défense de construire un musée de l'histoire de France. Hier sus à l’art dégénéré aujourd’hui, nos ministres de la propagande voudraient bannir la nostalgie des chalets, des coucous et des plaines enneigées.
 
L'affaire Trayvon Martin : un crime raciste, vraiment ?
 
A première lecture, les articles consacrés par la presse hexagonale à l’affaire Trayvon Martin, laissent à penser que le simplisme racialiste habituel laisse aujourd’hui la place à une vision plus complexe et plus prudente d’une affaire encore obscure. Peu de journaux reprennent certaines postures de la presse américaine qui voit nécessairement dans ces faits divers la marque d’un crime raciste. Beaucoup dissertent sur la possibilité pour un être ayant apparemment la gâchette facile, de s’être senti menacé davantage par un adolescent noir portant capuche plutôt que par un yuppy en cravate et complet veston.
 
La décision du Procureur de Floride d’avoir incarcéré, à ce stade de la procédure, le tueur George Zimmermann est, à n’en pas douter, la seule qui devait être prise, non seulement pour la défense de l’ordre public mais encore pour celle d’une justice impartiale. Mais décidemment impossible en l’espèce de sortir de la question raciale. Ce n’est pourtant pas le cas lorsque comme dans la majorité des circonstances, il s’agit de jeunes noirs tirant sur d’autres noirs ou lorsqu’il arrive, comme assez fréquemment, quand des noirs tirent sur des blancs. Dans ce labyrinthe obsessionnel loin de toute justice sereine, certains, pour tenter de défendre l’accusé, vont jusqu’à soutenir que celui-ci ne pourrait être raciste, puisqu’issu d’une mère péruvienne ! Anti-racisme de pacotille : que de sottises on commet en ton nom. Comme si être latinos, juifs ou noirs pouvait prémunir contre l’un des préjugés les plus équitablement répartis au sein de notre malheureuse humanité.
 
Le passé stalinien de Raymond Aubrac
 
Depuis plusieurs semaines, je maugrée contre les défenseurs patentés des droits de l’homme issus, comme on le sait, de la frange la plus sinistre, qui n’ont pas beaucoup usé les pavés parisiens pour protester contre les massacres en Syrie. Cette fois-ci, certains ont trouvé, il est vrai, un moyen plus commode : se rendre en avion jusqu’à Tel Aviv pour faire le procès de l’Etat Israélien.
 
Les rubriques nécrologiques de Bigeard et Massu avaient été ornées de l’épithète de "personnages controversés". A plusieurs reprises également j’ai raconté comment Pierre Assouline aura craché sur la terre encore fraîche de la sépulture de Maurice Druon, pourtant grand résistant mais taxé de "réactionnaire". Cela n’aura manifestement pas été le cas de Raymond Aubrac, en dépit d'un lourd passé stalinien. Idem pour Ahmed Ben Bella enterré sous les louanges, littéralement, obséquieuses. Pourtant, il y avait quelque place pour la controverse concernant le père, certes, de l’Algérie indépendante, mais le massacreur des kabyles, de nombre de marocains, et qui se proposait, il n’y a pas encore si longtemps de lancer une bombe atomique sur Israël. Certains morts, manifestement sont plus égaux que d’autres. 
 
Jean Robin, responsable du site enquête & débat a suffisamment dit du mal de moi pour que je me sente en devoir d’en dire quelque bien. Dans un article récent, il analyse l’émission "là-bas si j’y suis" de Daniel Mermet, sur France Inter qui n’aura invité qu’exclusivement des personnalités de son obédience, très radicales, à l’exception de toute autre. Parmi les favoris récidivants : Serge Halimi, contempteur habituel de la pensée unique, et Alain Gresh du Monde Diplomatique. Que Mermet favorise outrancièrement l’expression de son propre camp n'est pas pour surprendre mais que ni France Inter, ni le CSA ne trouvent rien à redire de l’expulsion du service public de toute une partie de la pensée française relève pour moi tout simplement, et ceci pesé avec modération, d'une cochonnerie.
 
 
L'interview censurée de Reynald Seycher sur France Culture
 
Dans le même ordre d’idée, et ainsi que je l’avais relaté dans ces mêmes colonnes, l’interview censurée de Reynald Seycher auteur d’un ouvrage reconnu sur le génocide vendéen n’a toujours pas été diffusée sur France Culture. Toutefois, avec une belle spontanéité, Olivier Poivre d’Arvor vient de m’écrire que celle-ci devrait être diffusée "dans les premiers jours du mois de mai". Il est vrai que je venais de saisir le CSA d’une réclamation… A ce jour Reynald Seycher n’a toujours pas reçu la moindre explication de France Culture.
 
Si d’aventure demain Nicolas Sarkozy était battu, les choses vont beaucoup changer en matière d’information, je vais passer de l’opposition à l’opposition. 
 
© Gilles William Goldnadel

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