Publié par Gilles William Goldnadel le 29 mai 2012

Christiane Taubira face aux critiques, la Grèce contre Christine Lagarde, François Hollande et son zéro faute apparent, les révolutionnaires du printemps arabe ou les étudiants québécois : certains acteurs de l’actualité semblent connaître un étrange unanimisme médiatique.

Pour l’heure, François Hollande demeure dans les petits nuages de la félicité. Il suffit qu’il descende de son avion sans trébucher sur la passerelle pour que la presse unanime crie des « Hourra », des « Encore » des « Bravo », des « Youpi » ou des « Putain qu’il est bon ». Il y a quelques jours, sur France 5, un journaliste du nom de Clémenceau, qui n’avait pourtant l’air ni d’un tigre ni d’un aigle, expliquait doctement que le nouveau Président avait réussi à mettre Obama dans sa petite poche en raison d’une réserve de bon aloi qui tranchait singulièrement avec l’excessive familiarité de son prédécesseur. Au-delà de la révérence obséquieuse à la centralité du Président américain, voilà un journaliste rudement bien informé.

 

De nombreuses gazettes (L’Express, Le Point…) se sont interrogées sur l’éventualité, sinon la nécessité, de François Hollande d’abandonner ses promesses d’avant élection.

Il était en effet plus que prévisible qu’une fois élu, notamment sur la base de ses promesses, l’impétrant socialiste allait être prisonnier de la diabolique alternative de respecter ses engagements et d’entraîner le pays dans le chaos, ou de les renier au risque de devenir le premier des renégats.

Il n’en demeure pas moins que cette manière tranquille de proposer au Président de rompre le contrat qui le lie à son électeur en dit long sur l’esprit du temps. Au-delà en effet de cette acceptation de l’escroquerie électorale, elle montre plus profondément que nombre de citoyens ne détestent pas ce sadomasochisme qui autorise, dans le premier temps, d’être sadique avec le Président sortant, et dans le second d’avoir le plaisir de se plaindre d’avoir été trahi par son successeur.

Je mettrais toutefois un bémol à ce plaisir des sens : l’extrême-gauche, dans un mois ou dans un an, sera infiniment plus sadique dans la rue que la droite dans les cafés ou les salons. Qui dit que ce jour-là, cette droite, en bonne fille démocratique, ne sera pas obligée de se conduire en pompier du pyromane de la gauche menteuse ?

Il y a déjà plusieurs semaines que dans ces mêmes colonnes je demande s’il est loisible de pouvoir critiquer les Grecs.

La réponse vient enfin de m’être donnée par Christine Lagarde qui, de Madame Parisot à Madame Vallaud-Belkacem, s’est faite morigénée pour avoir tancé les Héllènes.

Qu’il est dur en effet de pouvoir asséner de rudes vérités à une fausse victime. Oui, quitte à donner dans le compassionnel, le sort des Africains le mérite davantage. Et peux-je ajouter, pour aggraver mon cas, que ceux qui, depuis des décennies, se plaignaient de l’exploitation du Tiers-Monde par l’Occident, devraient davantage se faire à la raison de ce que des pays émergent effectivement pour tailler des croupières à leurs dominateurs. Mais pour en revenir aux Grecs, le Monde lui-même ne parlait pas autrement lorsque, dans son éditorial, particulièrement inspiré, du mercredi 23 mai, son directeur Eric Izraelewicz écrivait : « Il leur faut (les Grecs) sortir de cette schizophrénie. Si les Grecs veulent continuer à faire partie du club, ils doivent en accepter le règlement intérieur – et l’appliquer. D’autres pays ont fait ou font aujourd’hui les efforts nécessaires – l’Irlande et le Portugal notamment. Il n’est pas admissible qu’un petit pays, par son refus des règles du jeu, puisse continuer à mettre en danger l’ensemble du continent. En novembre dernier, Georges Papandréou, alors Premier ministre, plaidait en faveur d’un référendum. Les législatives du 17 juin en font office.  Aux Grecs de choisir. En espérant qu’ils feront le bon choix. Sinon, l’Europe devra en tirer les conséquences. Sans états d’âmes ».

Apparemment, il n’est pas plus facile, semble-t-il, de critiquer Madame Taubira. J’ai moi-même osé le faire lundi dernier en m’étonnant de sa suppression sans phrase des tribunaux correctionnels pour les quasi-adultes les plus dangereux. D’autres inconscients ont adopté cette ligne téméraire. Malheur à eux ! Pierre Marcelle, dans un billet rageur, affirme que Madame Taubira n’a été critiquée que parce qu’elle est femme et noire. Il est vrai que même ses petits camarades de Libération doutent souvent de la subtilité de cet imprécateur. Mais dans le même sillage prétendument antiraciste, l’ex-strausskahnien Cambadélis considérait hier – et pour les mêmes raisons – que les attaques anti-taubiriennes étaient « limites ». Dans ce cadre de terreur intellectuelle antiraciste qui nous manquait, Eric Zemmour, selon L’Express, lui aussi membre du club de ceux qui ne sont pas follement amoureux de Madame Taubira, verrait son poste sur RTL menacé. M’est avis que ce retour à l’ordre moral – qui ne saurait durer longtemps – ne me parait pas bien futé commercialement.

Parmi les reproches émis pour protéger ma ministre de tutelle, on trouve souvent le grief d’avoir rappelé son passé indépendantiste. De la part de ceux qui rappellent avec une belle constance le fait que Patrick Buisson ait écrit dans Minute il y a 20 ans, ou que Devedjian, Madelin et Longuet aient appartenu à l’extrême-droite il y a 45 ans, le reproche est croquignolet.

Si j’étais, comme eux, obsédé stupidement par le sexe ou la race, je me demanderais si les critiques contre Madame Lagarde ne viendraient pas de ce qu’elle est femme et blanche…

Décidément, les thuriféraires du Printemps arabe auront eu faux jusqu’au bout. Au deuxième tour des élections égyptiennes seront confrontés le représentant des Frères Musulmans et l’héritier officieux de Moubarak. Ce qui montre d’abord que la dictature de Moubarak était plus débonnaire que ce que l’on osait dire, et que les démocrates laïcs censés représenter le printemps qui chante, moins nombreux qu’indiqués. Dans ce contexte moins enchanteur, je m’autoriserai une ultime fantaisie polémique. Rappelez-vous que ceux qui voulaient nous vendre sans discussion la révolution de la Place Tahrir, avançaient l’argument que les insurgés n’avaient entonné aucun refrain anti-israélien.

Aujourd’hui, l’ensemble des compétiteurs a surenchéri dans la haine de l’Etat juif. Cela n’émeut aujourd’hui personne à Paris. Pourtant, la paix israélo-égyptienne, qui a entrainé la restitution par l’Etat hébreu de l’ensemble des territoires occupés par lui depuis la Guerre des Six-Jours, avec d’importantes réserves pétrolières et gazières, est censée servir de modèle à la paix israélo-palestinienne – avec cession de territoires aux Palestiniens – qu’appellent de leurs vœux les grandes consciences médiatiques et politiques.

Je mets au défi qui que ce soit de trouver une ligne dans un journal hexagonal qui conseillerait aux Egyptiens de respecter un traité de paix qu’ils menacent régulièrement de dénoncer.

Bien entendu, je ne m’en émeus ni ne m’étonne. Mais le moment venu, j’inviterai peut-être ces commentateurs à davantage d’humilité lorsqu’ils presseront de conseils de flexibilité des Israéliens qui ne leur en demandent pas.

Un dernier mot sur le printemps d’érable. La presse parisienne, à l’unisson, soutient la révolte étudiante contre un gouvernement québécois censé représenter l’immobilisme. Si elle avait été moins distraite ou futile, elle aurait pu observer que le conflit qui date de plusieurs mois a été envenimé par le refus du syndicat étudiant le plus radical (la « Claque ») de condamner les violences de certains de ses membres.

D’autre part, cette loi scélérate dénoncée à l’unisson et qui ordonne à ceux qui souhaitent organiser une manifestation de plus de cinquante personnes de demander une autorisation, n’est-ce-pas la même qui existe en France ? Pas sûr que les Québécois qui, toujours en majorité, soutiennent leur gouvernement, se laissent abuser par un concert de casseroles qui, de Montréal à Paris, pourrait se faire, à la longue, bien ringard.

© Gilles William Goldnadel

L’article original peut être consulté sur le Blognadel

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