Publié par Guy Millière le 25 juin 2012

 Il ne fait aucun doute que les carnages qui s’opèrent en Syrie sont atroces. Il ne fait aucun doute que l’armée de Bachar Al Assad est une armée barbare et criminelle. Il ne fait aucun doute, non plus, que les Casques bleus de l’ONU dépêchés sur place sont abominablement inutiles, et ne servent, comme partout où des Casques bleus sont dépêchés, qu’à compter les cadavres.

On peut comprendre que certains clament qu’il faudrait intervenir. Je pense qu’une intervention n’aura pas lieu, et qu’il y a plusieurs raisons à cela.

La première est le précédent constitué par la Libye. L’inter­vention destinée à chasser Kadhafi a eu, comme c’était prévisible, des résultats effroyables que Bernard-Henri Lévy sera bientôt le seul à nier.

À une dictature brutale a succédé un régime islamiste tout aussi brutal, qui a pratiqué l’épuration ethnique et tué des Africains noirs par milliers. Des armes ont été disséminées dans toute la zone sud du Sahara, en Somalie, au Yémen, dans le Sinaï et à Gaza. Aucun dirigeant européen ou américain n’enverra, pour le moment, d’ambassadeur vers la République islamique de l’Aza­wad, née d’une partition de fait du Mali. Mais tous les dirigeants européens et américains savent que la République islamique de l’Azawad est née grâce à l’intervention en Libye.

Un changement de régime, quand des abominations sont commises, est possible et concevable, mais il implique une intervention armée directe et une supervision de moyen terme. En Libye, il n’y a eu ni l’une, ni l’autre.

Une intervention en Syrie ne pourrait être une intervention armée directe et ne serait pas accompagnée non plus d’une supervision de moyen terme. Aucun dirigeant européen ou américain, après la Libye, ne voudra s’impliquer en Syrie et assumer la responsabilité des effets secondaires susceptibles d’en découler.

La deuxième raison est l’implication directe en Syrie de plusieurs acteurs géopolitiques majeurs.

Kadhafi avait pour alliés les pays occidentaux, qui se sont retournés contre lui. Assad n’a pas fait la même erreur. Ses alliés sont l’Iran et la Russie. L’Iran joue, en Syrie, son hégémonie régionale et ne laissera chuter le régime Assad qu’après s’être battu jusqu’au bout. Intervenir en Syrie serait intervenir contre l’Iran. Les dirigeants européens et américains le savent et n’entendent, jusqu’à nouvel ordre, pas prendre ce risque.

La Russie, elle, joue sa présence en Méditerranée. Sans le port de Tartous, elle n’aurait plus un seul port sur une mer cruciale, qui relie l’Europe à l’Afrique. La Russie ne laissera pas non plus chuter le régime Assad. Espérer même qu’elle se fasse à l’idée d’un régime Assad sans Bachar al Assad est trop espérer.

Si, pure hypothèse que je ne veux pas exclure totalement, une intervention devait avoir lieu malgré tout, celle-ci pourrait, au mieux, désormais, se révéler être un remède égal au mal. Si, au début de l’insurrection en Syrie, il existait des factions mo­dérées, celles-ci, depuis, ont été sacrifiées par l’administration Obama sur l’autel de ses liens avec l’islamisme sunnite.

Désormais, le choix en Syrie est entre le maintien au pouvoir du régime Assad, qui, sans nul doute, continuera à massacrer, et l’arrivée au pouvoir d’une coalition de circonstance où les Frères musulmans voisinent avec al Qaïda. Et, si cette coalition arrivait effectivement au pouvoir, nul ne peut douter que des massacres de grande ampleur auraient lieu aussi : les premiers tués seraient les alaouites, membres de cette branche du chiisme à laquelle appartient la famille Assad. Suivraient immédiatement les chrétiens, qui constituent une part notable de la population syrienne et qui se sont ralliés d’emblée au régime.

La situation peut se résumer ainsi : un régime allié au djihadisme iranien combat les adeptes du djihadisme sunnite. C’est donc djihad contre djihad. Une victoire finale du régime Assad serait un bain de sang effroyable. Une victoire des opposants au régime Assad serait aussi un bain de sang effroyable.

C’est terrible à dire, mais la poursuite de la guerre civile serait, presque, la moins pire des issues. Des djihadistes tuent d’autres djihadistes. Des carnages atroces ont lieu. Il faudra un jour regarder en face l’atrocité du djihadisme lui-même. C’est là que réside le problème, et il dépasse la seule Syrie.

© Guy Millière

L’article a été initialement publié sur Les 4 vérités

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