Publié par Gilles William Goldnadel le 16 juillet 2012

Cette semaine, Gilles-William Goldnadel revient sur la réaction du gouvernement après l’annonce du plan social drastique chez Peugeot, sur la diffusion par TF1 des extraits de conversation entre Mohamed Merah et la police, et sur Franz-Olivier Giesbert qui prend la défense de Michel Onfray, taxé d’antisémitisme.

Je ne comprends pas très bien. Le gouvernement devrait être content : si comme il le prétend de manière très plausible, François Fillon a obtenu des dirigeants de PSA de voir différer leur funeste projet, les socialistes vont pouvoir mettre en œuvre ce savoir-faire tout à la fois généreux et intelligent dont la droite est depuis toujours dépourvue.

Curieusement, c’est tout le contraire : après avoir, de bonne guerre mais un peu lasse, invoqué la responsabilité de l’ancien régime, le pouvoir tout neuf s’en tient aux vieilles incantations.

Et, dans ce domaine mon excellent confrère Montebourg, sera toujours le maître.

Ce plan social, lance-t-il, « je ne l’accepte pas ». Fort bien dit. Mais après ? Il y a beaucoup de choses que je n’accepte pas, moi non plus. Les promesses démagogiques, la pensée magique, la forfanterie, par exemple.

François d’Orcival (Le Fig Mag) a dressé, sans trop d’indulgence, un procès-verbal des dernières citations de notre ministre « du Redressement productif » dont le simple intitulé finira, vous verrez, par déclencher l’ire ou le fou-rire. Nerveux.

Extrait du courrier comminatoire adressé à Philippe Varin, président de ce groupe industriel ignoble qui a refusé jusqu’au bout de délocaliser ses entreprises vers des contrées esclavagistes autrement plus hospitalières.

«Je vous prie de bien vouloir engager sans délai le dialogue social et d’en faire une arme collective pour affronter les éventuelles difficultés dans le respect de nos salariés. »

Il ne viendrait pas à l’idée de M. Montebourg d’exhorter également les syndicats, et particulièrement la CGT d’Aulnay, à quelque flexibilité. Chacun sait que le coût du travail, et son organisation ne sont absolument pour rien dans les problèmes rencontrés par Peugeot qui ne dégraisse que pour le plaisir d’un bon régime estival, tout en étant bénéficiaire.

Chacun le sait, sauf les Allemands et les Anglais qui s’en sortent mieux que nous, ainsi que François Chérèque (CFDT) qui a eu l’élémentaire sincérité de déclarer : « Peugeot faisait des bénéfices l’année dernière. Aujourd’hui, c’est la catastrophe. On voit bien que la situation d’un jour peut se transformer le lendemain. »

Mais soyons justes, le ministre ne s’est pas contenté de paroles en l’air, puisqu’il a nommé « un spécialiste de l’automobile » en la personne de M. Emmanuel Sartorius « qui va aller vérifier les difficultés économiques et financières alléguées par la direction de Peugeot ».

Comme le fait remarquer cependant le Canard enchaîné de cette semaine, il n’était pas nécessaire de missionner à grands frais qui que ce soit, s’agissant d’une entreprise cotée en Bourse dont les comptes sont publiés et visés par l’Autorité des Marchés Financiers.

En outre, M. Sartorius n’est en rien un « spécialiste de l’automobile » et serait plutôt versé dans la sécurité des cartes de crédit et le nucléaire, selon l’impertinent palmipède à bec dur.

Que faire donc ? François d’Orcival rappelle que lorsque General Motors, en quasi-faillite, a appelé l’État américain à son secours, le démocrate social Obama lui a fait répondre :«J’accepte, à la condition que vous fermiez toutes les usines non rentables. »

Reste un soupçon, distillé par la CGT d’Aulnay : celle-ci serait visée, en raison du caractère particulièrement belliqueux des syndicalistes du site.

Je n’en sais trop rien, mais j’avoue que si j’étais affligé d’une maladie mortelle, je préférerais être veillé par un partenaire bienveillant plutôt que par mon fossoyeur.

TF1 et la diffusion des enregistrements de Merah

Au début de la semaine, TF1 a été voué aux gémonies pour avoir diffusé des extraits de conversation entre Mohamed Merah et un certain Hassan, auxiliaire officieux de police.

Le Monde, le lendemain, publiait d’autres passages, mais, curieusement, sans provoquer d’indignation particulière.

Connaissance prise du contenu de la conversation incriminée, riche d’enseignements, il apparaît que TF1 a, une nouvelle fois, bon dos.

J’observe au demeurant, que le CSA qui a sanctionné TF1, s’est montré dans le passé plus clément envers certaines chaînes du service public. Il est vrai que certains membres en sont directement issus.

Quitte à faire un scandale, peut-être eût-il été plus judicieux de faire un sort à cet article duMonde intitulé « moi Mohammed Merah » publié seulement quelques jours après les massacres.

Il ne serait pas venu à l’idée de l’auteur de cette fiction obscène de se mettre à la place d’une des victimes juives ou musulmanes de la tuerie, plutôt, que dans la peau de l’assassin.

Sur le fond, s’il écoute les passages diffusés par TF1, le téléspectateur moyen se persuadera, si besoin est encore, que Mohamed Merah était bien une sale petite gouape, comme l’explique son lumineux frère Albeghani, ou tout simplement une ordure, comme l’écrit justement Guy Millière.

Reste, évidemment, la violation du secret de l’instruction. Mais je ne sache pas, que TF1 exerçât dans ce domaine si tristement public, en position monopolistique.

L’interview de Philippe Filipacchi au Nouvel Obs

Pour en rester dans le domaine journalistique, cette interview de Philippe Filipacchi dans le Nouvel Obs de cette semaine.

Question de François Armanet et Gilles Anquetil : en quoi la presse pour vous est-elle importante ?

Réponse : « Elle est cruciale pour la démocratie (…) S’il n’y avait pas des journalistes pour dénoncer toutes les conneries des politiques, c’est inimaginable ce qu’ils pourraient faire. (…) Mon mépris des hommes politiques me fait penser que si les journalistes n’étaient pas là, ce serait vraiment grave ».

Mon propre questionnement, aux fins de décryptage d’un certain esprit médiatique qui est passé, en quelques décennies, d’un excès à l’autre, de la brosse à reluire au crachat :

Question numéro 1 : imagine-t-on un homme politique qui dirait dans une interview son mépris pour les journalistes ?

Question numéro 2 : quelle serait la réaction du journaliste intervieweur ?

Question numéro 3 : si un homme politique très droitier disait son mépris pour la classe politique, ne dirait-on pas, notamment dans le Nouvel Obs, qu’il rappelle les heures sombres de l’anti-parlementarisme populiste ?

Quant à moi, pour fréquenter avec plaisir et des journalistes et des hommes politiques, je n’ai pas remarqué que les premiers étaient notablement plus courageux, spirituels, honnêtes ou généreux que les seconds.

Rien à voir, le fait est connu et établi, avec les avocats qui les surclassent aussi bien moralement qu’intellectuellement.

FOG défend Michel Onfray

Pas tout à fait d’accord avec Franz-Olivier Giesbert, souvent pertinent, mais qui croit devoir, dans le Point, prendre cette semaine la défense, bec et ongle, de Michel Onfray,pour avoir été taxé d’antisémite après avoir lui-même pris la défense de Jean Soler, auteur d’un ouvrage s’en prenant au monothéisme.

Remarquons tout d’abord que c’est l’hebdomadaire qui a alimenté lui-même la polémique.

Mais je voudrais surtout, à l’occasion de cette dispute assez subalterne, traiter de questions récurrentes.

Il m’est, à tort ou à raison, assez indifférent que M. Jean Soler, qui ne me semble pas, après lecture de sa mise au point, être un mauvais homme, ait cru devoir commettre une charge contre le monothéisme, à commencer par le premier d’entre eux, et tresser des lauriers à la Grèce antique.

Dans notre monde iconoclaste post-abrahamique, les briseurs d’idoles ont bien le droit au plaisir païen.

Mais lecture faite, également, des contempteurs de M. Soler, publiés eux aussi par Le Point, il ne m’apparaît pas que ceux-ci aient franchi les limites du bon goût ou de la tolérance.

J’en viens à présent à Michel Onfray. J’avoue le soupçonner parfois d’utiliser les griefs d’antisémitisme que certains esprits faibles lui ont servi, pour fuir toute critique.

Je le dis d’autant plus volontiers, que contrairement à ce que voudraient faire accroire certains, je suis très avaricieux de cette accusation, lorsque le dossier n’est pas étayé.

Mais en revanche, je remarque que beaucoup de mes contradicteurs feignent d’avoir été traités par moi d’antisémite, alors que je ne l’avais ni dit, ni même pensé, pour prendre la posture de l’offensé par une intolérance quasi paranoïaque.

S’agissant de Michel Onfray, j’avoue avoir été -peut-être autant que lui- irrité lorsque Élisabeth Roudinesco a cru devoir instruire à son encontre un procès pour antisémitisme au moment de sa lourde charge contre Freud. Ce procès aura davantage disqualifié la procureure que l’accusé.

Il n’en demeure pas moins que l’on avait le droit de considérer certaines critiques dirigées contre le père de la psychanalyse comme particulièrement ineptes et parfois odieuses.

Lorsque Michel Onfray reprochait au médecin viennois d’encaisser ses honoraires systématiquement en espèces pour établir sa cupidité -quand on sait comment il y a encore seulement 50 ans, le chèque bancaire était un moyen de règlement exceptionnel entre particuliers- l’argument était inepte.

Lorsque le même reprochait à Freud, cette fois pour établir ses sympathies fascisantes, une dédicace anodine réclamée par Mussolini, bien avant ses exactions, le grief était assez odieux.

Idem, lorsqu’Onfray, pour soutenir Jean Soler, vient expliquer que le judaïsme était proche parfois du nazisme, sous le prétexte en l’occurrence erroné que les soldats germains portaient la devise «Gott mit uns » sur leurs ceinturons…

Pourtant, on peut être inepte et parfois odieux pour bien d’autres raisons que l’antisémitisme qui n’est tout de même pas l’horizon indépassable du défaut humain

On peut l’être par ignorance, par sottise, par méchanceté, par esprit de provocation iconoclaste.

Michel Onfray est un garçon intelligent (il l’a notamment prouvé récemment par sa brillante critique de la fascination de Sartre pour le terrorisme) qui profère parfois des énormités.

Peu à peu, le masque d’Hessel tombe

Dans le livre que je lui ai consacré, ainsi qu’à plusieurs reprises dans ces colonnes, j’ai rappelé les propos du faux corédacteur de la déclaration des droits de l’homme au Frankfurter Allgemeine Zeitung en 2011 dans lesquels il considère anodine l’occupation nazie en comparaison avec l’occupation israélienne.

Cette semaine, le Nouvel Observateur.com, décidément en pleine évolution, publie un article de Daniel Clairvaux (signalé par Enquête et débat), réclamant que la sanction infligée à Jean-Marie Le Pen pour avoir minimisé l’occupation allemande soit appliquée au chantre de l’indignation morale.

Ci-après le morceau de bravoure de cette interview surréaliste à destination des thuriféraires de l’ancêtre suprême : « aujourd’hui nous pouvons constater ceci : la souplesse de la politique d’occupation allemande permettait, à la fin de la guerre encore, une politique culturelle d’ouverture. Il était permis à Paris de jouer des pièces de Jean-Paul Sartre ou d’écouter Juliette Greco.

Si je peux oser une comparaison audacieuse sur un sujet qui me touche, j’affirme ceci : l’occupation allemande était, si on la compare par exemple avec l’occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens, une occupation relativement inoffensive, abstraction faite d’éléments d’exception comme les incarcérations, les internements et les exécutions ainsi que le vol d’œuvres d’art.

Tout cela était terrible mais il s’agissait d’une politique d’occupation qui voulait agir positivement et de ce fait nous rendait à nous résistants le travail si difficile. »

Encore un effort, et la coqueluche de la gauche deviendra sa maladie honteuse.

© Gilles William Goldnadel

L’article original peut être consulté sur le Blognadel

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