Publié par Gilles William Goldnadel le 23 juillet 2012

En remettant en cause la gestion d’entreprise de la famille Peugeot, Arnaud Montebourg rappelle l’époque – aux accents très Front populaire – où son prédécesseur, Pierre Dreyfus, souhaitait faire “rendre gorge” aux patrons qui rançonnaient la France.

Françoise Fressoz, c’est tout dire, le reconnaît dans Le Monde de samedi, ce gouvernement à retrouvé le ton, non de 1988, mais de 1981. Évidemment, le premier visé, c’est Arnaud Montebourg et ses imprécations à l’encontre de la famille Peugeot.

Mais je ne suis pas sûr, à dire vrai, que l’on ne puisse pas davantage encore voyager dans le temps, à bien observer le charme suranné de notre ministre très productif en formules à l’emporte-pièce, lorsqu’il s’agit d’automobile.

Il y a, je le disais déjà d’une autre manière dans ma dernière chronique, du Fouquier-Tinville mâtiné de Saint-Just et d’Hebert chez mon ancien confrère.

Il y a aussi des accents de son très gauche et très à gauche prédécesseur Dreyfus au même poste qui voulait « faire rendre gorge » aux frères Willot, à la manière dont on tranchait celles des ci-devant. On se souvient peut-être que la fratrie qui avait le malheur de ressembler aux cousins Dalton fut en définitive relaxée des charges qui pesaient sur elle.

Et ce fut M. Dreyfus qui fut rapidement remercié par un François Mitterrand qui commençait à comprendre qu’à contrefaire ainsi Couthon et Billaud-Varenne, on pouvait rapidement être reconduit sous l’air des lampions.

Mais sans remonter jusqu’aux excès verbaux de la terreur, il y a du cru 36 et son style « Front Popu », dans l’étrange manière dont certains membres de l’aréopage gouvernemental socialiste pratiquent l’art de l’invective génétique de classe.

En 36, les Thorez, les Cachin, les Frachon expliquaient à des foules prolétaires que tous les malheurs venaient des « 200 familles » qui rançonnaient la France. Encore les socialo-communistes de l’époque avaient-ils l’excellente excuse de se colleter à la misère ouvrière, à l’exploitation, au mépris d’un capitalisme hautain.

Mais, plus de sept décennies plus tard, le mauvais remake qui débute exhale déjà le parfum du navet réchauffé. Et son metteur en scène débutant a commis une erreur de casting dont il semble déjà se repentir un peu.

Notre ministre imprécateur pensait pouvoir s’essuyer tranquillement les escarpins sur un Thierry Peugeot aussi docile qu’une serpillière ou un paillasson. Mais M. Peugeot n’est pas M. Willot, il n’a rien d’un prédateur, il n’a pas à faire profil bas ou à se tortiller pour tenter de trouver les bonnes grâces de son improbable maître.

Et notre protestant de Montbéliard a protesté. De sa bonne foi. De ce qu’il n’était pas un jet setter, un petit marquis sauteur mais un entrepreneur de père en fils. De ce que ni lui ni sa famille ne s’étaient enrichis sur le dos de la bête lorsqu’elle était souffrante. De ce qu’il avait pu commettre des erreurs stratégiques, mais qu’il était facile d’être intelligent après la bataille. De ce que cette bataille, il avait entendu la livrer principalement sur le sol de France.

M. Peugeot aurait pu ajouter, mais il y a certainement pensé très fort, qu’il se sentait sans doute plus compétent qu’un ministre sans expérience de l’entreprise, pour apprécier des choix de stratégie industrielle. Qu’enfin, quitte à ce que l’État remette en question un plan social douloureux, il serait plus à sa place pour apprécier celui de son entreprise nationale de navigation aérienne – qui s’apprête à se défaire de plus de 5 000 salariés – plutôt que de s’immiscer aussi lourdement et balourdement dans celui d’une entreprise privée. Au risque de la tuer.

À son tour, Aurélie Filipetti, ordinairement bien mieux inspirée, a donné, un rien niaisement, dans l’invective génétique de classe. À deux reprises, la toute fraîche ministre de la Culture, a cru devoir mettre en cause le mécénat Wendel, sous le prétexte qu’il s’agissait d’une famille descendante des maîtres de forges qui ont tant fait souffrir le prolétariat de Lorraine et d’ailleurs…

Sauf erreur, je n’ai pas lu grandes protestations dans une presse pourtant vétilleuse lorsqu’il s’agit de la question des origines.

Mais c’est ainsi, on peut moquer impunément les origines aristocratiques d’un vicomte du bocage vendéen, qualifier sans grand dommage un avocat général de « traître génétique » en raison du passé collaborationniste de son père, dès lors que les rôles de salauds et de héros de service ont été distribués à l’avance.

En revanche, si j’avais la funeste idée de reprocher à Catherine Tasca d’être la fille de son collaborateur de père, Angélo, si je rappelais avec un air entendu que Leïla Chahid est la descendante en droite ligne du grand mufti de Jérusalem, allié aussi créatif que zélé d’Adolf Hitler…

J’arrête. J’entends déjà les commentaires.

Autre sujet de la semaine : Hollande réaffirme le rôle de la France dans le rafle du Vel d’Hiv

Le nouveau président de la République a trouvé dimanche, globalement, les mots adéquats pour dire, en rupture avec son prédécesseur socialiste au passé et aux amitiés troubles, et la responsabilité de la France dans la déportation de ses juifs, et la grandeur de nombreux français dans leur sauvetage.

Bien plus, moi qui me suis toujours voulu dans le réel plutôt que dans le virtuel, moi qui crains tout autant l’hypermnésie post-shoatique dont certains se repaissent que l’occultation qui l’a longtemps précédée, moi qui me veux davantage encore soucieux de l’avenir des juifs vivants que du passé des juifs morts, moi qui n’ai jamais été la dupe de l’instrumentalisation à bon marché de la douleur juive d’hier, j’ai été sensible à ce propos présidentiel d’actualité : « il y a quatre mois (à Toulouse), des enfants mouraient pour la même raison que ceux du Vel’ d’Hiv’ : parce qu’ils étaient juifs ».

François Hollande aurait pu peut-être ajouter, quitte à froisser certains pisse-froid : « c’est toujours la même bête, toujours aussi immonde, seuls les poils ont changé ».

Le coût de cette observation zoologique aurait été négligeable au regard du bénéfice enregistré dans le domaine de la morale politique.

© Gilles William Goldnadel

L’article peut être consulté sur le Blognadel

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