Publié par Michel Garroté le 4 septembre 2012

Michel Garroté – Or donc, le ministre français de l’Education nationale, le socialiste Vincent Peillon, veut réintroduire dans le programme scolaire ce qu’il appelle la « morale laïque ». Je m’abstiens d’ironiser, ici et maintenant, sur les réactions, dérisoires et démagogiques, suscitées en France par la déclaration peillonnesque. Pour ce qui me concerne, il n’y a pas de différence fondamentale entre, d’une part, l’Education nationale version UMP ; et d’autre part, l’Education nationale version PS. Car, en France, la laïcité absolutiste (absolutiste vis-à-vis du judaïsme et du christianisme) et l’allahïcité (complaisante vis-à-vis de l’islam), ces deux formes contradictoires et anachroniques de laïcité, ne peuvent pas aboutir à une quelconque « morale laïque ». Aussi longtemps que la laïcité française demeurera une laïcité à géométrie variable, d’un côté judéophobe et christianophobe, et, d’un autre côté, islamophile, la « morale laïque » restera un concept hypocrite et creux. Vu sous cet angle, toutes les politiques éducatives sous la Ve République, étaient, demeurent et resteront une imposture. Car en effet, « la morale » ou « l’éthique » dite « laïque » est issue de la culture judéo-chrétienne vécue dans une société libre. Mais allez expliquer cela aux politiciens français…

Christian Vanneste réagit, à l’initiative de Peillon, dans une tribune libre (extraits adaptés ; cf. lien en bas de page) : En évoquant l’enseignement de la « morale laïque », Vincent Peillon cultive l’ambiguïté. On respire dans son discours, à la fois, une bouffée de nostalgie sympathique et le souffle libérateur et républicain, celui de Condorcet, de Jules Ferry. De quoi plaire à droite avec le retour de la « morale de nos pères », comme disait le grand Jules. De quoi plaire à gauche, puisqu’il s’agit d’« arracher » l’enfant aux déterminismes familiaux, et de réveiller la laïcité purificatrice : cette fois, ce n’est plus 89 mais 93. Ce n’est plus Ferry c’est Bourdieu et Buisson. L’État a pour mission de contraindre les hommes à être libres. Les Jacobins sont de retour et sans le bling-bling de Lang.

Christian Vanneste : Le message était attendu. Des collèges assiégés par la délinquance, des écoles d’où a disparu le respect, des élèves ou des enseignants victimes de la violence, tout cela accompagnant des résultats insuffisants et humiliants par rapport à ceux d’autres pays : il était temps qu’un ministre redonne une âme, certes laïque, mais une âme au corps le plus important et le plus coûteux de l’État. Seulement, l’arbre apparemment naïf de la « morale laïque » ne doit pas cacher la forêt des problèmes de la société devant laquelle il est planté.

Christian Vanneste : La philosophie du message est d’une clarté sans ombre dans notre culture : l’Humanisme, les Lumières, la Raison, « l’enfant n’est pas un puits qu’on remplit, mais un feu qu’on allume », l’éducation est ce passage de l’ombre à la lumière, cet accompagnement de la conscience vers son autonomie et la liberté de ses choix désormais éclairés… La voix devient tremblante au souvenir de cet « élitisme pour tous », qui en a élevé plus d’un de l’origine la plus modeste jusqu’au sommet de la pensée et qui a conduit la majorité des autres à être de bons pères (ou mères) de famille, d’honnêtes travailleurs, d’excellents citoyens et de véritables patriotes. Même si la part de « reproduction » et de déterminisme familial a été importante, elle aussi, dans ce parcours collectif, on doit reconnaître l’empreinte de cette pensée dans notre identité nationale.

Christian Vanneste : Empreinte, ou fossile ? Le monde a changé, Monsieur Peillon ! Les sources de formation, on dira plutôt d’intégration, ce qui est puissamment révélateur, ne se limitent pas à la famille, aux pairs issus du même groupe homogène qui redoublait la famille, à l’Eglise  avec ses écoles et ses congrégations, qui ont formé le général De Gaulle, par exemple, et à cette école de la République qui devait libérer les consciences des préjugés issus de ses concurrents pour générer des citoyens bons, justes, patriotes, et surtout libre-penseurs. Le rôle de la famille a décru avec son éclatement, son poids est très variable d’un milieu à un autre, son homogénéité culturelle a fondu. Les « pairs » remplacent les pères absents ou délégitimés, la « rue », le quartier, la bande pratiquent parfois une « socialisation » parallèle. Les médias, Internet, multiplient les informations extérieures ou contraires à celles de l’école. D’autres religions sont apparues à la fois plus éloignées de la culture majoritaire et moins malléables à l’assimilation. Bref, l’école voit son rôle diminuer et son enseignement parfois contesté, alors qu’elle n’a jamais scolarisé autant d’enfants et de jeunes et aussi longtemps. Son action éducative revendiquée par le ministre est donc de plus en plus difficile, alors que l’instruction, l’apprentissage des savoirs et des savoir-faire, est critiquée dans son efficacité, mais jamais dans sa nécessité.

Christian Vanneste : C’est pourquoi, après le coup de clairon breveté 1905, le ministre rectifie : il faudra un consensus. Avec qui et sur quoi ? Quels sont les « engagements privés, religieux et politiques qu’il ne faut pas blesser » ? La religion ou la politique sont-elles d’ordre privé, d’ailleurs ? Comment enseigner à l’école une morale commune dans une société qui demain institutionnalisera la relation sentimentale, pour le coup très privée, entre deux personnes de même sexe et dont les programmes scolaires intègrent plus ou moins la grotesque théorie du genre ? On sait qu’il ne s’agira pas d’ordre moral. De désordre immoral, peut-être ? Bien sûr que non : le désordre existe déjà, et il s’agit de tenter de le combattre mollement, dans le cadre du totalitarisme mou de la social-démocratie. L’État-providence, qui se mêle de tout, sauf de l’essentiel, va remplacer la famille qu’il a rendue défaillante, afin de former des individus libérés de toute tradition et infiniment livrés au relativisme : un totalitarisme rampant pour former les sujets d’un mondialisme triomphant, les « miroirs vides » que s’empresseront de briser ceux qui auront été les plus rétifs à l’éducation et n’auront pas appris la tolérance et la politesse.

Christian Vanneste : Il ne s’agit pas non plus d’instruction civique ! Quel aveu ! C’est pourtant là que se situe  la mission véritable de l’État : former, au-delà de l’enseignement des connaissances et des techniques, des citoyens, respectueux des lois (en évitant d’en imposer qui soient absurdes), fidèles au pays et dévoués à la nation. La morale est effectivement d’ordre privé et son lieu d’éducation est prioritairement la famille qu’il faut consolider. Le civisme, qui a déjà subi les effets négatifs de la suspension du service militaire doit être, LUI, la priorité au travers des programmes qui lui sont propres et de ceux qui s’y rapportent comme l’Histoire, conclut Christian Vanneste.

De son côté, Alain Finkielkraut, réagit, lui aussi, à l’initiative du ministre français de l’éducation socialiste nationale (extraits adaptés ; cf. lien en bas de page) : La proposition d’instaurer une discipline de ‘morale laïque’ jusqu’en terminale formulée par le ministre de l’Education, Vincent Peillon, est la démonstration, selon Alain Finkielkraut, philosophe, de l’état “pitoyable” de notre société “bien délabrée”. Vincent Peillon appelle morale laïque ce qu’Orwell appelait ‘common decency’, c’est-à-dire la morale ordinaire. Et il faut que notre société soit dans un état bien pitoyable, bien délabrée pour qu’on ait besoin d’enseigner les rudiments de la morale, de la vie sociale aux élèves”, a assuré l’écrivain, lundi sur Europe 1. Selon lui, cette proposition peut “aider à reconquérir les territoires perdus de la République”. “Mais en même temps, je vois que Vincent Peillon a le souci surtout de ne pas être réactionnaire. Lorsque le journaliste du JDD lui demande si cette morale implique que l’élève se lève lorsque le professeur entre dans la classe, il répond : ‘ce n’est pas le sujet. Il ne faut pas confondre morale laïque et ordre moral’. La mise en scène de la dissymétrie entre l’élève et le professeur ne relève pas de l’ordre moral. Elle me paraît tout à fait naturelle. Aujourd’hui, elle est sans cesse remise en cause, y compris par les professeurs qui aiment s’habiller comme les élèves”, a-t-il affirmé, précisant qu’aujourd’hui, l’école est dans un état “désastreux”, conclut Alain Finkielkraut.

Michel Garroté

Rédacteur en chef

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Et le cas échéant les sources citées

http://www.ndf.fr/poing-de-vue/03-09-2012/peillon-ou-le-retour-de-letat-missionnaire?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+ndf-fr+%28Nouvelles+de+France%29

http://www.lejdd.fr/Societe/Depeches/Finkielkraut-etat-desastreux-de-l-ecole-550966

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