Publié par Dreuz Info le 5 décembre 2012

Le professeur de Relations internationales Emmanuel Navon passe en revue, dans cet article à conserver précieusement, et à utiliser dans vos discussions avec ceux qui acceptent le débat (ils ne sont certes pas nombreux), les aspects légaux qui régissent le statut de l’Etat d’Israël, celui de l’ “Etat palestinien”, et celui des territoires dits occupés. Il aborde également l’aspect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes selon le droit international.

Je me répète, c’est un document à conserver. JPG

Par Emmanuel Navon

Le 29 novembre 2012, Abbas affirma qu’il existe à présent un État palestinien indépendant. C’est faux.

Depuis la signature des Accords d’Oslo, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) a menacé à plusieurs de reprises de déclarer unilatéralement un État, bien qu’elle le fit déjà en 1988 à Alger. Mahmoud Abbas lui-même n’a jamais déclaré l’indépendance de la Palestine. Dans son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2011, il rappela que « L’État de Palestine » avait déjà été proclamé par Arafat à Alger en 1988. Après le vote de l’Assemblée générale du 29 novembre 2012, Abbas affirma qu’il existe à présent un État palestinien indépendant. C’est faux.

L’Assemblée générale de l’ONU n’a pas le pouvoir de créer des États.

Les résolutions de l’Assemblée générale ne sont que des recommandations non-exécutoires. La Résolution 181 (du 29 novembre 1947) recommanda la partition du Mandat britannique mais ne créa pas l’État d’Israël. De même que la Résolution du 29 novembre 2012 n’a pas créé l’État de Palestine. L’Assemblée générale n’a pas le pourvoir de créer des États.

Une entité doit répondre à quatre critères pour être considérée comme un État

En droit international, une entité doit répondre à quatre critères pour être considérée comme un État : 1. Disposer d’un gouvernent pleinement autonome et jouissant de tous les pouvoirs d’un pays souverain ; 2. Posséder un territoire défini sur lequel s’exerce les pouvoirs dudit gouvernement ; 3. Avoir la capacité de mener une politique étrangère ; 4. Avoir un pouvoir régalien sur une population permanente.

L’Autorité palestinienne ne répond à aucun de ces quatre critères.

1. Absence d’un gouvernement autonome.

D’après la Déclaration de Principe signée entre l’État d’Israël et l’OLP le 13 septembre 1993, l’Autorité palestinienne ne dispose que de pouvoirs limités.

  • L’Autorité palestinienne ne dispose pas des pouvoirs d’un État.
  • Le contrôle des frontières, qui est l’un des attributs fondamentaux d’un État souverain, continue d’être la prérogative d’Israël. Même dans la Zone A, dans laquelle l’Autorité palestinienne jouit de prérogatives qu’elle n’a pas dans les Zones B et C, l’Autorité palestinienne n’a pas les pouvoirs d’un État souverain. A fortiori dans les Zones B et C dans lesquelles le gouvernement israélien est souverain ou partiellement souverain.
  • Par ailleurs, il n’y a pas un gouvernement palestinien, mais deux : un gouvernement du Hamas dans la Bande de Gaza, et un gouvernement du Fatah à Ramallah. La dernière élection dans l’Autorité palestinienne a eu lieu en 2006. Cette élection fut remportée par le Hamas, et Abbas ne peut plus prétendre représenter une population dont le droit de vote est bafoué depuis sept ans.

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2. Absence de territoire défini.

L’Autorité palestinienne n’a pas de droit de propriété sur la rive occidentale du Jourdain

  • L’absence de titre de propriété est ce qui amena dans le passé à ne pas reconnaître le statut d’État à des entités telles que Mandchoukouo ou la République turque de Chypre Nord.
  • La « déclaration d’indépendance » de l’OLP en 1988 ne spécifia pas les frontières de l’ « État de Palestine. »
  • Un tel État n’ayant jamais existé dans le passé, l’Autorité palestinienne n’a pas de droit de propriété sur la rive occidentale du Jourdain (qui fut conquise et annexée par la Jordanie en 1949 et qui resta sous contrôle jordanien jusqu’en 1967).
  • En revanche, il y a eu une souveraineté juive et une présence juive trois fois millénaire sur ledit territoire.
  • Le droit des Juifs à disposer d’eux-mêmes sur la totalité du territoire s’étendant de la Mer Méditerranée au fleuve du Jourdain découle du Traité de Sèvres (1920) et du Mandat de la Société des Nations (1922). L’OLP conteste la légalité de ces deux documents. Mais si la décision de la Société des Nations de reconnaître le droit des Juifs à disposer d’eux-mêmes sur leur terre historique fut illégale, il s’ensuit que tous les États issus du démembrement des Empires ottoman et austro-hongrois sont illégaux (tels que l’Autriche et le Liban par exemple).
  • La Société des Nations ne reconnut pas aux « Palestiniens » le droit à disposer d’eux-mêmes car personne à l’époque n’avais entendu parler d’un tel peuple qui ne figure nulle part dans les annales de l’Histoire.
  • La Commission spéciale des Nations Unies sur la Palestine (UNSCOP) rejeta en 1947 l’affirmation des pays arabes selon laquelle le Mandat de la SDN était illégal.
  • Le Rapport de l’UNSCOP dit en effet que les Arabes « n’ont jamais été en possession de ce territoire en tant que nation souveraine » et que « la remise en cause de la validité du Mandat est infondée. »
  • Le territoire réclamé par l’Autorité palestinienne n’est pas défini. Il est fragmenté et contesté, et il ne fut jamais régi dans le passé par un quelconque État arabe.

3. Absence de relations extérieures.

La Déclaration de Principes spécifie que l’Autorité palestinienne est dénuée de pouvoirs et de prérogatives en matière de relations extérieures. Dans les faits, l’Autorité palestinienne mène certes sa propre politique étrangère, mais elle le fait en contravention des Accords d’Oslo.

4. Absence de population permanente.

Lorsqu’il existe un doute sur l’étendue territoriale d’un État potentiel, celui-ci ne peut prétendre avoir une population permanente

  • L’Autorité palestinienne n’a aucun contrôle sur la Bande de Gaza, qui est dirigée par le Hamas.
  • Le contrôle de l’Autorité palestinienne sur les Zones A et B est partiel.
  • Comme l’a déclaré la Cour des Appels des États-Unis, lorsqu’il existe un doute sur l’étendue territoriale d’un État potentiel, celui-ci ne peut prétendre avoir une population permanente.

Les pays qui ont voté en faveur de la reconnaissance de l’Autorité palestinienne comme État à l’Assemblée nationale de l’ONU ont donc enfreint le droit international.

Tandis que l’Union européenne se vante de son légalisme, elle vient d’enfreindre le droit en reconnaissant comme État une entité qui ne répond à aucun des quatre critères du droit international. Pis, l’Union européenne a passé outre ses propres exigences pour la reconnaissance de nouveaux États. Dans le passé, l’Union européenne conditionna la reconnaissance des républiques de l’ex-Yougoslavie et de l’ex-Union soviétique par des exigences telles que le respect des droits de l’homme et la preuve de viabilité (exigences qui vont au-delà des critères du droit international). L’Union européenne n’a pas appliqué ses propres critères à l’Autorité palestinienne.

L’Union européenne a encouragé l’Autorité palestinienne à violer les Accords d’Oslo.

La Déclaration de Principes stipule en effet (Article XXXI, 7), que « Les Parties s’engagent à ne pas prendre de mesures susceptibles de changer le statut de la Rive occidentale du Jourdain et de la Bande de Gaza de manière à ne pas prédéterminer les négociations sur le statut final. »

Déclarer comme État la Rive occidentale du Jourdain et la Bande de Gaza est une mesure qui change, ou qui aspire à changer, le statut de ces territoires. Quant à l’affirmation de l’Autorité palestinienne selon laquelle cette politique unilatérale est inévitable du fait de l’échec des négociations avec Israël, c’est une affirmation sophiste qui rappelle l’anecdote de cet individu qui, après avoir assassiné ses parents, présenta au Juge comme circonstance atténuante le fait qu’il est orphelin. C’est l’Autorité palestinienne qui a rejeté les compromis et les concessions d’Israël à Camp David (en juillet 2000), à Taba (en décembre 2000), et pendant les négociations d’Annapolis (en 2008).

Quant à l’affirmation de l’Autorité palestinienne qu’il n’y a pas d’auto-détermination sans État, elle est également erronée. En droit international, le droit à l’autodétermination n’implique pas nécessairement la création d’un État. La Commission d’arbitration sur la Yougoslavie, par exemple, détermina à l’époque que le droit des Serbes à disposer d’eux-mêmes en Bosnie et en Croatie pouvait être garanti par le principe de protection des minorités, mais pas par l’établissement d’un État. La déclaration unilatérale d’indépendance de la minorité turque à Chypre nord fut rejetée par la communauté internationale, qui affirma à l’époque que les Chypriotes turques pouvaient bénéficier du droit à disposer d’eux-mêmes sans pour autant établir un État séparé.

Le principe d’auto-détermination n’est pas absolu et ne s’applique pas à sens unique.

Enfin, le principe d’auto-détermination n’est pas absolu et ne s’applique pas à sens unique. En droit international, l’auto-détermination doit prendre en compte le droit des autres peuples.

Or la demande d’État de l’Autorité palestinienne nie les droits fondamentaux du peuple juif, et ce pour trois raisons :

1) L’Autorité palestinienne continue d’inciter à la haine des Juifs et d’enseigner à ses enfants que le but final est l’élimination d’Israël ;

2) Mahmoud Abbas a déclaré à plusieurs reprises que l’État palestinien ne tolérera pas la présence de Juifs en son sein (ce qui signifie entre autres que les Juifs ne pourront avoir accès à leurs lieux saints tels que le Caveau des Patriarches à Hébron ou le Tombeau de Rachel à Bethlehem) ;

3) En continuant d’insister sur l’application du soi-disant «droit au retour », l’Autorité palestinienne nie aux Juifs leur droit à l’autodétermination puisqu’elle exige qu’ils deviennent une minorité dans leur propre pays.

Le vote de l’Assemblée générale du 29 novembre 2012 n’a pas créé un « État palestinien. » En revanche, il a confirmé que le « processus de paix » est une chimère et qu’il ne sert à rien de négocier avec l’OLP ce qu’elle finira par obtenir à l’ONU.

©Emmanuel Navon www.navon.com

Emmanuel Navon dirige le Département de Sciences politiques et de Communication au Collège orthodoxe de Jérusalem, et enseigne les Relations internationales à l’Université de Tel-Aviv et au Centre interdisciplinaire de Herzliya.

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