Publié par Guy Millière le 25 janvier 2013

Israel's PM Benjamin Netanyahu meets with Canada's PM Stephen Harper on the side lines of the United Nations General Assembly in New York

Nul ne sait encore au moment où j’écris ces lignes ce que sera le prochain gouvernement Netanyahou. Il me semble possible d’en dire néanmoins davantage concernant le résultat des élections israéliennes de mardi dernier.

Le premier point qu’il me semble important de rappeler est que les distinctions gauche, droite, extrême-droite, centre, sont appliquées de manière hâtive, en regardant Israël depuis l’Europe, avec des schémas mentaux européens, avec des volontés diffamatoires évidentes vis-à-vis de ceux qu’on veut éliminer de l’équation.

Il existe effectivement une gauche israélienne, et le Meretz est l’incarnation de cette gauche : c’est un parti socialiste, pacifiste, qui continue à trouver que Mahmoud Abbas est un interlocuteur valable. Le parti Avoda est un parti socialiste plus modéré, mais socialiste aussi. On peut classer le mouvement créé par Tsipi Livni au centre gauche. On peut aussi y classer ce qui reste de Kadima. La liste s’arrête là.

Les partis arabes ne sont pas des partis de gauche, mais des partis anti-israéliens, ou des partis soutenant des organisations terroristes. Ils révèlent le problème préoccupant de la non intégration des Arabes israéliens qui votent pour eux, et les effets délétères de la propagande « palestinienne » jusqu’au sein d’Israël. Le fait que la tête de liste du parti Avoda, Shelly Yachimovich ait espéré former une coalition anti-Netanyahou avec les listes arabes montre non pas que ces dernières font partie de la gauche israélienne, mais que Shelly Yachimovich s’est disqualifiée moralement.

Non seulement la gauche israélienne reste très nettement minoritaire, mais elle peut se disqualifier moralement, ce qui n’arrange rien pour elle. Seuls, au sein de cette gauche ont évoqué le “processus de paix” pendant cette campagne, Tsipi Livni, Ehoud Olmert qui n’était pas candidat mais a achevé d’enfoncer Kadima, et Zahava Gal On pour le Meretz. Shelly Yachimovich, qui pensait sans doute la même chose, s’est tue sur ce sujet pendant la campagne, craignant de perdre des voix si elle ouvrait la bouche. Ce qui veut dire que les adeptes du “processus de paix” tel qu’on l’entend en Europe, sont une minorité au sein de la minorité de gauche.

Le mouvement Yesh Atid créé par Yair Lapid a des propositions économiques qu’on aurait pu retrouver à Démocratie libérale au temps d’Alain Madelin en France, et en faire un homme de gauche est absurde. S’il est pour le dialogue avec les “Palestiniens”, il pense que les conditions de dialogue ne sont pas réunies et refuse le partage de Jérusalem et l’idée d’une Judée Samarie judenrein cédée à l’ennemi, ce qui veut dire qu’il est bien plus proche sur ces points des positions de Netanyahou que de celles de la gauche israélienne.

Le mouvement HaBayit HaYehudi dirigé par Naftali Bennett ne peut être classé à l’extrême droite que si on est malhonnête et si on a l’esprit malsain : cette classification vient du fait que ce mouvement veut la souveraineté juive sur la Judée-Samarie, en laissant à l’Autorité Palestinienne les zones qu’elle occupe. Le texte définissant les frontières du foyer national juif (Mandat palestinien), le traité de San Remo, en 1920, incluait dans les frontières du foyer national juif Israël, Judée Samarie incluse, et la Jordanie. Naftali Bennett est donc un modéré qui fait beaucoup de concessions. Pour le voir, il faut connaître l’histoire : nombre de commentateurs, lorsqu’ils parlent du Proche-Orient, ont beaucoup d’arrogance, mais aucune connaissance.

Les partis religieux, séfarade ou ashkénaze, sont des partis religieux, défendant leurs principes (l’un d’eux a des membres condamnés pour fraude, ce qui n’est pas très religieux, hélas), et ils ne sont pas situables sur un échiquier politique occidental, encore que leur défense des principes religieux les situe plutôt à droite, si on veut absolument les situer.

Aucun parti en Israël ne correspond à ce qu’on appelle extrême droite en Europe

Le parti Otzma LeIsrael qui, hélas, au bout du compte, n’a pas eu d’élu, n’est pas non plus classifiable à l’extrême droite sinon par des esprits malsains. Il est juste un peu moins modéré que Naftali Bennett. Aucun parti en Israël ne correspond à ce qu’on appelle extrême droite en Europe, mais il est vrai qu’en Europe, pour certains, l’extrême droite commence à la hauteur de l’épaule droite de François Hollande.

Le deuxième point qui doit être souligné est que l’électorat qui n’a pas voté à gauche s’est tourné vers des positions qui vont, à une extrémité, de l’acceptation de l’idée de deux Etats, avec des frontières tracées conformémement aux impératifs de sécurité d’Israël et inclusion en Israël des principales villes juives de Judée et de Samarie (Yesh Atid).

Aucun interlocuteur avec lequel envisager une négociation de paix

Tout en considérant (et j’insiste sur ce point) qu’il n’y a pour l’heure aucun interlocuteur avec lequel envisager une négociation ayant une chance d’aboutir, il y a, à une autre extrémité, des gens qui sont favorables à l’annexion à Israël des zones de Judée Samarie non occupées par l’Autorité Palestinienne.

L’électorat qui n’a pas voté à gauche est donc sur des positions diverses, mais très éloignées de celles qui font quasiment l’unanimité en Europe. Et c’est un point fondamental : les deux tiers de l’électorat israélien sont hostiles à toute idée de création d’un Etat palestinien confié à Mahmoud Abbas et autres disciples d’Amin al Husseini, dans les frontières d’Auschwitz (Abba Eban), que sont les lignes d’armistices de 1949, avec partage de Jérusalem. Deux tiers, c’est une très large majorité, n’en déplaise aux dirigeants européens. Il reste du travail à faire pour expliquer que s’il n’y a pour l’heure pas d’interlocuteur, il n’y en aura pas non plus demain ou après demain, et pour expliquer pourquoi il n’y aura pas d’interlocuteur, et pourquoi le Jourdain sera la frontière entre l’Etat palestinien de Jordanie et Israël, mais ce sera pour après. Quand toutes les illusions seront dissipées et que l’effondrement du monde arabe sera plus avancé.

Le troisième point qui doit être souligné est que le vote s’est fait sur des questions intérieures : niveau de vie, égalité de droit, prix des denrées alimentaires et du logement. Le bilan du gouvernement Netanyahou, sur ces plans, est bon. Il reste des lacunes. C’est sur ces lacunes qu’ont fait campagne Yair Lapid, qui s’est présenté comme le défenseur des classes moyennes, et c’est sur des thèmes finalement assez proches qu’a fait campagne Naftali Bennett. Yair Lapid veut que l’égalité des droits et des devoirs s’applique aux ultra-religieux, ce qui déplaira aux partis religieux, bien sûr. Mais Naftali Bennett n’a pas prononcé sur ce sujet de propos allant à l’encontre de ce qu’a dit Lapid. Naftali Bennett défend les villes juives de Judée Samarie, mais Yair Lapid refusant l’idée d’une Judée Samarie judenrein cédée à l’ennemi, et pensant que les conditions de négociation sont inexistantes, il existe un terrain d’entente.

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Netanyahou peut constituer une coalition au centre, avec Yair Lapid et Naftali Bennett. Il peut, depuis là, être en position de proposer une alliance aux partis religieux. Ce qui s’est opéré a été une redistribution des cartes autour du Likoud. Les pertes de voix ont été dues sans doute à un effondrement du mouvement Yisrael Beiteinu d’Avigdor Lieberman, au fait que Netanyahou, en étant apparu comme faisant trop de concessions sur la question des “deux Etats”, a poussé une partie de l’électorat du Likoud à se diriger vers Bennett et, en n’ayant pas vraiment su défendre son bilan économique, a poussé une autre partie de l’électorat (celui d’Yisrael Beitenu sans doute, cela reste à vérifier) vers Yair Lapid.

Netanyahou a été un bon Premier ministre : il n’a rien cédé sur l’essentiel

Netanyahou a été un bon Premier ministre : il n’a rien cédé sur l’essentiel, a su attirer l’attention sur le danger iranien, il a su jouer aux échecs avec Obama et le mettre plusieurs fois échec et mat, il a évité à Israël les effets de la crise économique qui frappe le monde. Il a, je le dis volontiers, fait une mauvaise campagne. En attaquant Naftali Bennett, il a sans doute contribué à faire monter Yair Lapid, sans attirer de voix vers le Likoud. Netanyahou peut constituer une coalition plus solide qu’il ne semble : il redevient Premier ministre, et comme il est bien meilleur en Premier ministre qu’en candidat, tout va bien.

Les roquets européens commencent déjà à japper

Fort heureusement, car les attaques contre Israël ont déjà commencé. Le gouvernement n’est pas formé que les roquets européens commencent déjà à japper : Laurent Fabius, par exemple. Le gouvernement n’est pas formé qu’après avoir essayé de pousser les électeurs israéliens à voter contre Netanyahou, en un geste d’ingérence scandaleux, la Maison Blanche essaie de jouer sur la formation du gouvernement, en disant qu’il devra être ouvert à la “paix”. Obama aurait préféré une coalition Tsipi Livni, Zahava Gal On, Shelly Yachimovich, avec participation des partis arabes et ouverture vers le Hamas, il va être déçu, je pense. Les dirigeants européens qui auraient souhaité la même chose qu’Obama seront déçus aussi. Et Israël doit être prêt : les roquets jappent, mais ils peuvent aussi essayer de mordre. Heureusement, leurs dents sont élimées.

Un dernier point : à mes yeux tout irait mieux encore en Israël si des mouvements incitant à la sédition et agissant en ennemis de l’intérieur se voyaient contraints à la transparence financière : l’organisation ngo-monitor (ngo-monitor.org) y travaille et a des relais à la Knesset. Tout irait mieux aussi si Israël ne se laissait pas gagner, dans les sphères universitaires, par un politiquement correct qui va bien au delà du politiquement correct. Combien de professeurs d’université israéliens seraient davantage à leur place à Ramallah qu’à Tel Aviv ? C’est une question que je me pose et que je voulais poser publiquement. C’est fait. Je suis pour la liberté de parole la plus complète, mais je suis hostile au remplacement de la connaissance par la propagande, car ce remplacement fait partie de l’arsenal totalitaire.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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