Publié par Gilles William Goldnadel le 28 janvier 2013

Goldnadel
Un sondage Ipsos/Le Monde publié jeudi dernier a mis en lumière la méfiance grandissante de la société française à l’égard de l’islam.

La presse de cette semaine a largement fait état de cette enquête d’Ipsos, intitulée « France 2013 : les nouvelles fractures ». On constate que 70 % des sondés estiment « qu’il y a trop d’étrangers en France » et 62 % que « l’on ne se sent plus chez soi comme avant ». Enfin, 74% des Français jugent la religion islamique « intolérante et incompatible avec la société française ».

Comme tout ce qui se passe de commentaires, en suscite beaucoup, Le Monde qui a le sens du titre, a considéré (le 25 janvier) ces résultats comme révélateurs des « crispations alarmantes de la société française ». Dans une analyse de Gérard Courtois, les mots de « poujadisme » ou de « crispations identitaires » résument assez bien le sentiment de son auteur. À l’appui de sa démonstration, l’analyste renvoie à un entretien du même jour avec l’historien Michel Winock chargé de « décrypter » l’état d’esprit « délétère » des Français et qui n’hésite pas à rappeler la situation faite en 1933 aux Israélites.… Rien que cela. L’historien ne nous rappelle pas si, parmi ceux-ci, certains seraient entrés en masse illégalement sur le territoire, s’y seraient livrés à des actes de terrorisme ou auraient voulu imposer de force la loi mosaïque. La conclusion de Gérard Courtois arrive implacablement : « Si l’histoire ne se répète jamais, elle invite à souligner le rôle dangereux de ceux qui, loin de les apaiser, attisent ces peurs. Ils trouveront dans cette enquête la justification de leurs philippiques. Ils feraient mieux d’y voir le résultat de leur travail d’incendiaires. »  À ce stade, Je m’en veux d’avoir oublié d’indiquer que 72 % des Français jugent que les journalistes sont « coupés des réalités »….

Ces réalités de l’immigration incontrôlée, qui ont fini par faire admettre, par Le Monde lui-même, mais tardivement et par intermittence, qu’elle était vecteur d’insécurité. Les réalités de l’islamisme qui ont fini par lui faire écrire parfois, du bout de ses doigts frileux, que celui-ci charriait terrorisme et antisémitisme. Mais toujours avec réticence et retard. Ainsi du président frère musulman égyptien, décrit, il y a encore quelques semaines et comme je l’indiquais dans une précédente chronique, par son correspondant au Caire comme habile, modéré, et nullement anti-occidental. Las, Le Monde a été contraint de se résoudre à relater sans commentaires les protestations de Mme Clinton reprochant à Mohammed Morsi ses sorties sur ces juifs « fils de singes et de porcs ».

Les commentaires mondains de ce sondage qui trouvent le peuple populiste, et reprochent à ceux qui lui ont ouvert d’abord les yeux puis la bouche d’avoir compris ce que leur idéologie les empêchera toujours d’admettre, me rappellent un précédent sondage et de précédents commentaires du même tonneau. Nous sommes le 2 juillet 1998, un sondage CSA, présenté solennellement sur trois colonnes à la première page du Monde qui titre alors : « 70 % des Français tentés par le racisme ». Pourquoi ? Parce que ces français, interrogés, considéraient déjà le phénomène migratoire comme « préoccupant ». Pourtant, aux mêmes sondeurs, les mêmes sondés avaient répondu très majoritairement qu’ils n’étaient pas racistes, qu’ils n’éprouvaient pas de sentiments racistes envers telle ou telle communauté, ni même qu’ils n’éprouvaient de quelconques préjugés…

Le lecteur voudra bien trouver ci-après mes commentaires sur ce sondage -ou plutôt sur son interprétation- tels que je les avais formulés dans « Une idée certaine de la France » (France Empire 1998) puis dans les « Martyrocrates » (Plon 2004) :

« Le même type que tout à l’heure est sondé. Il a décidé d’être sincère et courageux. On lui demande s’il est raciste. Il répond immédiatement non. S’il a des sentiments racistes envers telle ou telle communauté ? Toujours non. S’il nourrit quelques préjugés ? Encore non. Mais à ce moment-là, le questionneur demande à notre type si, par hasard, il ne trouverait pas que le nombre d’étrangers en France devient préoccupant ? Notre homme réfléchit, il sait que les gouvernements français qui viennent de se succéder n’arrivent pas à exécuter les lois de la république pour faire repartir les étrangers irréguliers qui s’imposent de force. Il vient de lire que la France était déjà « métissée », il n’arrive pas à s’en réjouir extatiquement, il sait que -crise aidant- certains étrangers déjà installés sont difficiles à intégrer, d’où problèmes. Alors, courageusement, bien qu’il sache, il n’est pas plus bête qu’un autre non plus, que ce ne soit pas d’une folle distinction, notre bonhomme se lâche, oui, il est « préoccupé ». Eh bien, sans qu’il le sache, bien qu’il ne nourrisse aucune aversion envers les étrangers, rien que parce qu’il aime son pays, ses enfants et les immigrés qui s’y trouvent régulièrement, ce type là, , est « tenté par le racisme ». Salauds de français, 70 % de « tentés » tellement bêtes qu’ils ne le savent pas… Salauds de tentés qui plébiscitent Simone Veil, Smaïn, Goldman, Bruel, Khaled, Zidane et qui ne pipent pas un mot quand un réseau de terroristes immigrés met en 95 Paris à feu et à sang. »

Déjà, en 1998 je m’interrogeais sur ce que je considérais comme relevant d’un « délire antifasciste » et d’une xénophilie équivalente à la xénophobie :

« Quand la confusion la plus folle s’est-elle emparée des esprits les plus sains ? À quel moment le débat, le plus normal du monde, sur le contrôle légal des flux migratoires par un peuple censé être souverain, à quel moment le débat sur les droits et devoirs des étrangers dans ce même pays est-il devenu littéralement tabou ? Pas sous Roger Salengro, en tout cas, et sa loi de protection du travail français. Pas davantage, cher journal du soir qui ne badinez pourtant pas avec les mots, et préconisez la vigilance extrême, dans les années 50 : Dieu qu’il est récréatif de relire Le Monde du 18 juillet 1953 : « S’il paraît impossible d’éviter un jour ou l’autre leur massif rapatriement, il semble inévitable alors d’employer chez eux les Algériens qui ne peuvent plus vivre chez nous, il s’agit donc d’équiper l’Algérie en conséquence et vite. » Et un commentateur aussi bienveillant de ce journal que Jacques Thibault d’écrire (Le Monde 1944-1996 Plon) : « Nous sommes au début des années 50, une vague d’immigration maghrébine est en cours qui se poursuivra dans les années 1950 et 1960. Avant même que ne s’implante une forte population algérienne sur le territoire métropolitain, Le Monde appréhende qu’un trop grand nombre de maghrébins vivent chez nous. »Alors, j’aimerais vraiment bien savoir, à quel moment précis, le type -ni plus, ni moins raciste qu’un autre- qui souhaite simplement, à tort ou à raison, que son pays ne change pas trop, pas trop vite, qu’on continue à y parler la langue vernaculaire, que les gens qui y vivent se sentent suffisamment soudés et veulent continuer à vivre ensemble, que les étrangers qui arrivent soient désirés et non imposés de force, qu’ ils y respectent les lois et traditions locales, à quel moment ce type là a-t-il été métamorphosé en salaud ? »

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Ceux qui ont pris l’habitude de me lire savent que ce n’est qu’après le traumatisme médiatique de la Shoah, au détour de l’an 68, que la nouvelle religion pseudo laïque des « droits de l’homme » s’est imposée massivement. Avant les années 70, point de martyrologie pour empêcher toute réflexion sur l’immigré arabe ou musulman qui n’était pas encore l’héritier du juif martyrisé et lâchement abandonné à son funeste sort. Point de démonologie pour considérer un Français préoccupé par la porosité de ses frontières, comme un beauf raciste xénophobe, héritier de Pétain.

Le sondage de la France 2013 et ses commentaires sont à appréhender dans ce cadre historique et psychologique. Le Monde d’aujourd’hui excommunie avec moins de superbe et d’assurance. La réalité est, tout de même un peu, passée par là. Certes, c’est plus fort que lui, il ne peut s’empêcher compulsivement d’enrôler à nouveau les victimes de la seconde guerre mondiale à travers les références obligées de l’historien réquisitionné.

Mais soyons juste, de sa névrose post shoatique des années 90, le vespéral est passé aujourd’hui à une bipolarité moins incapacitante. C’est ainsi que, parallèlement à l’analyse de Gérard Courtois, on peut, le même jour, lire l’interview autrement plus lucide sur l’islam, par Stéphanie Le Bars, du philosophe Abdennour Bidar :

« Au-delà d’un contexte d’angoisse diffuse ou d’un fonds irréductible d’intolérance, ces chiffres constituent un avertissement aux musulmans ; ils doivent s’interroger de façon critique sur l’islam. Mais ils sont aussi le résultat de la Doxa multiculturaliste, qui a laissé l’extrême droite se saisir de ces sujets. Pourtant, la gauche et la droite républicaine doivent trouver un équilibre entre le refus de stigmatiser les musulmans et le fait de demander des comptes à l’islam par rapport à la tradition républicaine ».

Et dans un bel article publié le 25 janvier dans le Monde.fr, le philosophe de reprocher à l’organe représentatif des musulmans français, comme je le faisais la semaine dernière, d’avoir félicité François Hollande pour sa pusillanimité à n’avoir pas qualifié d’islamistes les terroristes combattus par la France au Mali.

Dans un registre voisin, je recommanderais l’édifiante lecture de « Georges Ibrahim Abdallah, l’embarras de Valls » (Libération 24 janvier) par Daniel Schneidermann, censé tancer depuis toujours les approximations journalistiques, et Chloé Delaume qui précise qu’elle est la nièce du condamné à la prison à vie. L’article revient à nous dire qu’il faudrait libérer M. Abdallah, bien qu’il ne se soit pas repenti, ni qu’il ait indemnisé les parents des victimes, conformément à l’usage constant en matière de libération anticipée, « parce qu’il est incarcéré depuis 29 ans, ce qui en fait l’un des plus anciens prisonniers politiques du monde ». Il se trouve que M. Abdallah a été condamné non en raison de ses opinions, mais pour complicité d’assassinat de deux diplomates étrangers à Paris.

Quand je pense qu’il y a 72 % de crétins manipulés qui ont le front de penser que certains journalistes sont coupés des réalités.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles William Goldnadel. L’article original peut être consulté sur le Blognadel

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