Publié par Michel Garroté le 2 mars 2013

noms-juifs

Michel Garroté, réd en chef –- En France, la « question juive », comme on dit, est loin d’être résolue. Sous Pétain, les Français étaient à 95% pétainistes, par peur ou par conviction. A la libération accomplie par les alliés, De Gaulle, résistant à Londres et non pas maquisard en France, déclara à ces mêmes Français, qu’ils étaient gaullistes. En une phrase, le général leur donna l’absolution collective.

Plus tard, De Gaulle, en parlant des Juifs, les qualifia de « peuple dominateur et sûr de lui ». Avec cette phrase, le général laïc républicain fit du pétainisme brut de décoffrage et proclama sa soumission au monde arabo-musulman, son pétrole, sa main d’œuvre et sa religion. Ce fut le début de l’allahïcité que nous connaissons aujourd’hui avec son islamophilie, sa judéophobie et sa christianophobie.

Lorsque quelques Juifs français décidèrent de fonder une institution juive, cela donna le CRIF, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France. J’ai toujours trouvé curieux que l’abréviation de « Conseil Représentatif des Institutions Juives de France » soit CRIF et non pas CRIJF. On peut toujours rétorquer que CRIF est plus facile à prononcer que CRIJF.

Il n’empêche que le mot « Juif » et donc la lettre « J » ne figurent pas dans l’abréviation CRIF, comme si les Juifs de France, de manière subconsciente, avaient cannibalisé le Judaïsme afin de pouvoir rester des Français sans risquer des ennuis. Même chose pour les noms de familles et les prénoms. Si l’on s’appelait Shlomo Levy, il valait mieux se faire renommer Jean Dupont, dès fois que l’esprit génocidaire ne reprenne le dessus.

A ce propos, Natalie Felzenszwalbe, avocate, et, Céline Masson, psychanalyste, écrivent (extraits adaptés ; cf. lien vers source en bas de page) : C’est un fait relativement méconnu qui vaut d’être rappelé. Après-guerre, de nombreux Juifs ont francisé leur nom ou en ont carrément adopté un autre dans l’ombre portée de la Shoah et un climat d’antisémitisme persistant. Des décrets de circonstance qui facilitaient les changements de nom « à consonance israélite » les y ont encouragés.

Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson : Ainsi, dans la France des années 50 – 60, des Rozenkopf devinrent des Rosent, des Wolkowicz des Volcot, des Rubinstein des Raimbaud, des Fuks des Forest, etc. Des décennies durant, le Conseil d’Etat s’est opposé au retour au patronyme d’origine, réclamé par certains intéressés qui se sentaient finalement étrangers à leur nouveau nom, au double motif de l’immutabilité du nom et de l’absence de fondement à reprendre un nom « à consonance étrangère ». Certains ont alors eu recours à l’artifice du pseudonyme, ou au nom d’usage pour faire vivre leur « vrai nom », celui de leur père ou de leur grand-père, sans toutefois pouvoir le transmettre.

Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson : Mais c’est sans doute ailleurs qu’il faut chercher la raison de ce refus de principe. A la Libération, le Conseil d’Etat n’était pas tant animé par un souci de francisation que par celui de lutter contre les discriminations vécues et subsistantes. Il manifestait ainsi, comme un symptôme, la culpabilité de la France et de ses institutions à l’égard des Juifs français et étrangers pendant la guerre. Après des décennies de silence, de refoulement peut-être, des familles désirent retrouver leur nom d’origine.

Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson : Un collectif, la Force du nom, a été constitué en 2009 pour interroger et contester d’une part les motifs tirés de la consonance étrangère et, d’autre part, l’application du principe d’immutabilité du nom. Ce principe de l’immutabilité a été jusque très récemment appliqué sans discernement, sans prise en compte des circonstances historiques qui expliquaient les traumatismes à l’origine des demandes de changement de nom et de francisation.

Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson : Par ailleurs, cette position apparaît désormais en profond décalage avec les réformes législatives importantes qui, depuis une vingtaine d’années, ont révisé l’état civil, la filiation et notamment modifié les règles d’attribution du patronyme, qui accordent une large place à la volonté individuelle. Si ces changements alignent la France sur la conception libérale qui prévaut le plus souvent à l’étranger, cette libéralisation n’est que partielle car soumise au politique et aux nouveaux centres d’intérêt de l’Etat (sécurisation de l’identité et des titres d’identité, informatisation de l’état civil, etc.). Surtout, l’usage par le Conseil d’Etat de la notion de consonance étrangère est un alibi douteux qui pose la question de savoir ce qu’est un « nom français » et un citoyen français avec un nom « venu d’ailleurs ». Certains patronymes portés par des Juifs sont-ils moins « français » que bien des noms bretons, basques, corses ou alsaciens ?

Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson : Depuis quelques mois, l’administration a modifié sa position et donne une suite favorable à ceux qui veulent porter et transmettre le « nom juif » jadis abandonné. Elle semble avoir été sensible à l’argumentaire du collectif la Force du nom selon lequel une réparation pleine et entière doit être faite. Réparation judiciaire marquée dans les années 80 et 90 par les procès Barbier, Touvier et Papon. Réparation politique ensuite en 1995 avec le discours de Jacques Chirac au Vél d’Hiv qui affirmait que la rafle du 16 juillet 1942 avait conduit « la France », et non plus seulement le régime de Vichy, à commettre l’irréparable. Réparation matérielle encore, celle des spoliations dont les Juifs avaient été victimes durant l’Occupation.

Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson : Et réparation symbolique enfin, avec la possibilité de reprendre son nom juif. « L’entreprise nazie était conçue comme meurtre du Nom : rassembler tous les corps qui répondent au nom juif », nous dit Daniel Sibony, « pour qu’en refermant sur eux la porte des camps de la mort ou des fosses communes on obtienne que ce Nom soit sans vie ». Reprendre le nom perdu est, en effet, un symbole réparateur tout autant qu’un acte de fidélité au peuple juif et un refus obstiné de l’effacement. Ce geste manifeste, par-dessus tout, un désir de vie, concluent Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson (fin des extraits adaptés ; cf. lien vers source en bas de page).

Sans doute Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson n’ont-elles pas compris que le péril actuel, c’est l’allahïcité française, cette laïcité à géométrie variable, qui se soumet à l’islam, tout en devenant de plus en plus christianophobe, israélophobe et judéophobe. J’espère que les jeunes générations françaises non-musulmanes dépasseront la vision gauchisante de la question juive pour entrer dans une alliance judéo-chrétienne libre et laïque.

La vision gauchisante de la question juive consiste à pleurer les Juifs en pyjama rayé d’hier et à détester les Juifs en uniforme vert-Tsahal d’aujourd’hui. L’alliance judéo-chrétienne, au contraire, se concrétise dans la défense d’une société libre et laïque de culture judéo-chrétienne. Dans cette société, Shlomo Levy temporairement nommé Jean Dupont redevient Shlomo Levy.

Reproduction autorisée avec mention www.dreuz.info

http://www.liberation.fr/societe/2013/02/28/reprendre-son-patronyme-juif-la-fin-du-non-francais_885375

Natalie Felzenszwalbe et Céline Masson, auteures de « Rendez-nous nos noms ! Quand des Juifs revendiquent leur identité perdue », éditions Desclée de Brouwer, 2012.

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