Publié par Guy Millière le 5 mars 2013

o-constitution

Barack Obama vient de le redire aux médias américains : « Je ne suis pas un dictateur ». Et c’est exact : il n’est pas un dictateur. Il a été réélu pour un mandat de quatre ans, et il quittera certainement la Maison Blanche en janvier 2017 : pas avant, hélas, mais pas après non plus. Il n’empêche : les façons dont il contourne la Constitution ou la viole sans en avoir l’air se multiplient. Les décrets (executive orders) s’ajoutent aux décrets. Les agences gouvernementales placées sous ses ordres directs et ne rendant de compte qu’à lui énoncent des réglementations proliférantes.

Il n’empêche aussi : il est le premier Président des Etats Unis à gouverner sans un budget entériné par le Congrès depuis plusieurs années (trois ans à ce jour), alors que selon la Constitution, le Président propose le budget, et le Congrès le ratifie. Et la façon dont il gouverne depuis qu’il n’a plus une majorité démocrate dans les deux chambres (Sénat et Chambre des représentants) ressemble à une confrontation permanente destinée non pas à obtenir des accords à même d’être mis en œuvre, mais à avancer dans une direction définie par lui, et seulement par lui, et conçue pour briser tout ce qui lui résiste.

Les épisodes de cette confrontation se sont multipliés depuis l’été 2011 et le bras de fer qui a entouré le relèvement du plafond de la dette. Ils ont eu, depuis le début de cette année pour nom « falaise fiscale » (fiscal cliff) et «mise sous séquestre » (sequester).

A chaque fois, la stratégie d’Obama a été la même : procéder à des imprécations et à des chantages, exiger des Républicains qu’ils renient tous leurs principes, menacer pour cela de les accuser d’être responsables de toutes sortes de catastrophes, les dénoncer comme le parti des « riches » qui entendent écraser les « pauvres ». La stratégie a fonctionné. Jusqu’à cette semaine. Les républicains ont cédé totalement ou partiellement à chaque fois.

Lassés d’être humiliés, conscients des débâcles futures qui pourraient résulter, et conscients surtout des dégâts qu’Obama a d’ores et déjà infligé au pays, les Républicains cette fois, ont résisté.

Le sequester s’est donc enclenché : depuis le 1er mars. Des coupes automatiques vont avoir lieu dans les financements de toutes les activités publiques du pays. Ces coupes représentent des sommes assez minimes en comparaison du budget total. Mais Obama les présente, bien sûr, comme des vectrices de cataclysmes majeurs et tout en n’ayant pas trouvé une seule seconde pour rencontrer ou pour parler au téléphone aux dirigeants de la Chambre des représentants, il n’a cessé de prononcer des discours aux quatre coins du pays et de participer à des émissions de télévision aux présentateurs acquis à sa cause.

L’objectif d’Obama était clair et pouvait se résumer à la célèbre partie de pile ou face vue par un escroc : pile, je gagne, face, tu perds. Si les Républicains se soumettaient, le sequester ne se déclenchait pas : les dépenses continuaient à gonfler en direction de la banqueroute, et les Républicains auraient été accusés d’avoir provoqué la banqueroute, mais ils auraient été accusés plus tard, et ils auraient dû, dans l’immédiat, accepter les hausses massives d’impôts et de taxes voulues par Obama aux fins que chacun paie sa « juste part ». Si les Républicains ne se soumettaient pas (et ils ne se sont pas soumis), les Républicains seraient accusés d’avoir créé la catastrophe. Et c’est ce qui se passe : ils sont accusés par Obama.

Pour l’heure, il n’y a pas de catastrophe, et Obama lui-même, dépité, a dû en convenir. Mais Obama va tout faire pour qu’il y en ait. Il a d’ores et déjà relâché des milliers d’immigrants illégaux emprisonnés en clamant que c’était à cause du déclenchement du sequester et à cause des Républicains. Il a évoqué la possibilité de retards majeurs dans la circulation aérienne, des difficultés pour contrôler les frontières, l’impossibilité de déployer des vaisseaux de guerre. Ce n’est sans doute qu’un début.

Obama n’est pas un dictateur, non. Mais c’est un révolutionnaire qui entend parachever le « changement radical » qu’il entend infliger aux Etats-Unis. Depuis janvier 2009, il a fait exploser l’endettement du pays, créé des déficits budgétaires majeurs, multiplié les pauvres et les assistés, enlisé l’économie dans une stagnation à l’européenne, érodé les revenus de l’ensemble de la population d’environ dix pour cent, mis en place des programmes, au coeur desquels se trouve l’Obamacare, qui dissuadent les investisseurs et les créateurs d’emplois. Pendant les deux premières années, il a invoqué l’héritage abominable des années Bush, et il l’invoque encore, depuis l’automne 2010, il invoque en supplément le caractère répugnant des Républicains.

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C’est de la démagogie de bas étage, mais hélas, cela marche auprès de ceux que divers commentateurs appellent les low information voters, les électeurs sous-informés, ceux qui ne lisent pas les analyses et les commentaires économiques. Nombre d’Américains aujourd’hui pensent encore que si le pays va mal, c’est à cause de George W. Bush et des Républicains à la Chambre. Nombre d’entre eux pensent que le pays va continuer à aller mal à cause des Républicains. Obama se présente comme celui qui essaie d’éviter le pire, et les low information voters le croient, sans discerner les relations de cause effet entre ce que décide Obama et ce qui se produit.

Bien évidemment, les journalistes des grands médias américains se gardent bien de souligner les relations de cause à effet et répètent docilement ce qu’on leur demande de répéter. Ce qui fait que les Etats Unis ne sont pas dans un état de délabrement généralisé à l’européenne est qu’il y reste des journalistes qui font leur travail : mais cela devient une activité dangereuse. Bob Woodward, l’homme qui avec Car Bernstein, a été à l’origine de la chute de Richard Nixon et de la révélation de l’affaire du Watergate, un homme de gauche, mais un journaliste honnête, a révélé récemment, preuves à l’appui, que le sequester était un stratagème conçu par Obama et celui qui est devenu son ministre des finances, Jack Lew, aux fins de piéger les Républicains. Il a fait l’objet immédiatement de menaces très explicites, et ceux qui l’admiraient la veille se conduisent désormais à son égard comme des chiens affamés chassant en meute.

Ce qui fait que les Etats Unis ne sont pas dans un état de délabrement généralisé à l’européenne est qu’il y existe des gens porteurs des valeurs qui ont fait de l’Amérique ce qu’elle est et porteurs de l’esprit d’entreprise : mais un nombre croissant d’entrepreneurs se laissent tenter par la séduction corruptrice du crony capitalism que j’ai décrit dans mon livre Le désastre Obama, le capitalisme d’accointances qui fait que la proximité avec le pouvoir est rémunératrice.

Obama n’est pas un dictateur, mais il pourrait bien laisser le pays en 2017 dans un état épouvantable. C’est un révolutionnaire. C’est un socialiste.

Il entend créer un Etat hypertrophique, omniprésent, redistribuant la richesse, contrôlant l’économie, réglementant toutes les activités. Constitué d’une nomenklatura du type des nomenklatura européennes, riche, mais dépendante de l’Etat, et d’une population plus pauvres et tenue en laisse par les assistances diverses venues de l’Etat. Le « changement radical » n’est pas encore pleinement accompli, et la vie aux Etats-Unis aujourd’hui reste imprégnée de davantage de liberté et de dynamisme qu’en Europe (on n’abat pas une civilisation en quatre ans), mais le « changement radical » est en marche. Et si un sursaut ne se produit pas très vite (où sont les tea parties ?), l’avenir semble assez sombre.

Entre l’Europe et les Etats-Unis, je continuerai malgré tout à choisir les Etats-Unis, car le naufrage y est moins avancé, mais devoir choisir le moins avancé de deux naufrages n’est pas une perspective qui me réjouit.

Et je n’ai pas parlé ici de politique étrangère : j’y reviendrai bien assez tôt.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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