Publié par Guy Millière le 3 avril 2013

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C’est entendu, Kim Jong Un est grotesque, et semble sorti tout droit d’une comédie satirique. S’il n’était que grotesque, ce ne serait pas grave. Il est aussi dictateur et incarne la troisième génération d’une dynastie communiste au pouvoir en Corée du Nord depuis six décennies.

S’il était seulement dictateur incarnant la troisième génération d’une dynastie communiste, ce serait en soi préoccupant, et cela pourrait servir à souligner à quelles impasses le dogme communiste peut conduire, mais comme tous les dictateurs communistes, il asservit le peuple de son pays, tue, et condamne des millions de gens à survivre dans une situation de misère, de terreur et de lavage de cerveau soigneusement entretenue, ce qui est beaucoup plus grave.

S’il s’en tenait là, ce serait déjà très grave, mais il ne s’en tient pas là : le régime qu’il dirige est en état de guerre avec la Corée du Sud depuis le cessez le feu de 1953 et, au nom de cet état de guerre, entretient une armée hypertrophique qui consume les rares ressources du pays, et il vient de réactiver cet état de guerre en déclarant que le cessez le feu n’existait plus.

Faut-il s’en préoccuper ? Disons que le régime nord coréen que dirige Kim Jong Un ne peut ignorer que s’il attaquait la Corée du Sud, et, a fortiori, les Etats-Unis, il serait anéanti dans les minutes qui suivraient par les armées sud coréennes et américaines, et on peut douter que le régime nord coréen et Kim Jong Un souhaitent leur propre anéantissement.

Disons qu’il est tout à fait possible, et même probable, que Kim Jong Un fasse ce que son père et son grand père ont fait pendant des années : exercer un chantage aux fins d’obtenir des subsides et de se financer. Le régime nord coréen ne survit depuis longtemps que grâce au chantage et grâce au fait que la Corée du Sud, le Japon, les Etats-Unis acceptent de payer pour retrouver un peu de répit.

Disons que ce qui renforce cette probabilité est que le principal protecteur de la Corée du Nord, la Chine post communiste tient à préserver le régime nord coréen aux fins de maintenir un abcès de fixation dans la péninsule coréenne et d’éviter la réunification de la Corée, et ne veut absolument pas d’une guerre.

Reste néanmoins l’hypothèse improbable, mais pas impossible, et pas impensable, que Kim Jong Un puisse se laisser emporter par son élan. Ce qui ne doit pas être oublié, et c’est un aspect majeur, est que le régime nord coréen est non seulement une dictature communiste et un régime totalitaire, sans doute même le dernier régime strictement totalitaire à exister sur terre aujourd’hui, mais aussi un régime délirant, où le fondateur de la dynastie a créé un culte de lui-même et de ses descendants sans équivalent ailleurs. Kim Il Sung est traité en Corée du Nord comme une sorte de dieu ou d’idole absolue qui incarne l’esprit du pays, sa sauvegarde, son existence même, son fils Kim Jong Il a vécu en étant traité comme un descendant de dieu et comme un dieu lui-même. Kim Jong Un a été élevé dans ce contexte et est le gardien du culte. Trente cinq mille statues de Kim Jong Il sont disséminées dans le pays et y sont traitées comme plus sacrées que le plus sacré des sanctuaires. Outre le fait que la population est éduquée depuis l’enfance dans une obsession paranoiaque constante et conduite à considérer que le pays est une forme de citadelle assiégée que menacent de destruction atroce l’ « impérialisme américain » et ses « laquais » sud coréens, tout l’appareil d’Etat, toute la nomenklatura de dignitaires qui entourent le dirigeant ne doivent leur position qu’à l’entretien de cette obsession paranoiaque. Ce qu’est le régime et ce qu’il implique ne permet pas d’écarter totalement la mise en route d’un engrenage apocalyptique qui, tout en signifiant la mort du régime, signifierait aussi un maximum de destructions alentour, qui ne toucheraient pas les Etats Unis, bien sûr, mais qui pourraient se révéler ravageuses pour la Corée du Sud, voire pour le Japon.

La Corée du Nord étant hermétiquement fermée ou presque, nul ne peut savoir ce qui passe présentement par la tête malade de Kim Jong Un.

Veut-il montrer qu’il est à la hauteur psychopathologique de son père et de son grand père, et rien d’autre ? Sa psychopathologie peut-elle le conduire bien plus loin ?

Autre question : s’il devait reculer, quelles seraient les réactions des dignitaires qui l’entourent ?

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Ce qui semble établi est que le régime nord Coréen et Kim Jong Un considèrent que les Etats Unis sous Obama sont faibles et réagissent à cette perception de faiblesse en ayant la tentation d’en tirer avantage.

Ce qui semble établi est aussi que le régime nord coréen et Kim Jong Un estiment que, dès lors que les Etats Unis semblent plus faibles, la Corée du Sud est elle-même plus faible et ont la tentation aussi d’en tirer avantage.

Ce qui semble établi, enfin, est qu’en se dotant de l’arme atomique, le régime nord coréen s’est doté des moyens de se sanctuariser, ce qui rend toute éventuelle intervention militaire contre lui extrêmement périlleuse.

La Corée du Sud a réagi aux propos et postures de Kim Jong Un en les prenant très au sérieux et en affichant une grande fermeté. L’administration Obama, une fois n’est pas coutume, a fait elle-même preuve de fermeté et a procédé à une démonstration de force. Il n’en reste pas moins que le danger ne peut être totalement écarté, non. Et il n’en reste pas moins que si ce danger se concrétisait, les dégâts seraient immenses.

Les leçons à tirer de tout cela présentement ? La première serait que, comme je l’ai déjà écrit à de nombreuses reprises, tout signe de faiblesse des Etats Unis est un vecteur de déstabilisation et exacerbe les risques de guerre et de violence, partout sur la planète.

La seconde serait que laisser un régime totalitaire se sanctuariser grâce à l’arme atomique est une erreur géopolitique catastrophique.


Si la Corée du Nord et Kim Jong Un avaient voulu montrer pourquoi laisser la république islamique d’Iran accéder à l’arme atomique serait insensé et très lourd de conséquences, ils n’auraient pas procédé autrement.

La coopération dans le domaine atomique entre la république islamique d’Iran et la Corée du Nord est très avancée, je sais. Certains analystes disent même que la république islamique d’Iran, par le biais de cette coopération dispose déjà de l’arme atomique. Je pense qu’il serait plus exact de dire que, grâce à cette coopération, la république islamique d’Iran dispose quasiment de l’arme atomique.

Il importerait plus que jamais de tout faire pour que la république islamique d’Iran ne passe pas d’un stade où elle dispose quasiment de l’arme atomique à un stade où elle dispose effectivement de l’arme atomique.

Pour le moment, tout n’est pas fait. Très loin de là.

Bien au contraire.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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